Y'a un feu qui brûle en Sana.
Le genre de feu qui se transformerait en feu follet la nuit lorsqu'elle dort -une flamme qui lui flotte au-dessus du bide sans jamais s'éteindre. Elle ne cherche même pas à l'apaiser, cette flamme. Au contraire, elle l'alimente en craquant des allumettes, des flammes qu'elle frôle du bout de ses doigts grelottants.
Y'a de la glace au bout de ses doigts.
Parce qu'elle a la pompe à sang mal alimenté, qui peine à faire courir le sang le long de ses veines. C'est pas une maladie -ou si c'en est une, c'est la maladie de l'amour qui manque. Le peu d'attention que ses parents lui ont offert, est inexistant. C'est sûrement ce qui a détruit l'organe sanglant qui s'essouffle trop rapidement.
Sana, elle galope, elle rit, elle piaille, elle s'affale sur la vie.
Ou le peu de vie auquel elle peut s'accrocher. Elle ne compte pas tellement sur les autres pour la hisser vers le bonheur -le prince charmant, marraine la bonne fée, joséphine l'ange gardien, elle ne les attend pas sagement dans un coin en pleurant sa vie. Son truc, à elle, c'est contourner les échelles douteuse en passant par les arbres aux branches solides.
Puis parfois, elle tombe sur une brindille qui ne retient pas tout son poids.
Et lorsque la brindille se casse, elle se dit que c'est de sa faute -qu'elle a pris un peu trop de poids, que ses joues sont trop rondes, qu'elle a des poignets d'amour un peu dodus. Et les regards se tournent vers elle -parce qu'elle est celle qui brise la fine couche de glace sur laquelle elle se déplace sur la pointe des pieds.
Elle a tenté de fumé la faim, de boire la faim, de jeter la faim contre le mur, de la dormir, de l'oublier en faisant le mur, en cassant des chaises, en gravant ses initiales derrières sur les tables; mais rien n'y a fait. Toute l'attention qu'elle pensait attirer sur ses poignets rachitiques a fondu pour venir se loger aux endroits improbables de son corps d'enfant-femme.
Puis quand la glace se referme, elle se laisse couler un peu dans cette eau froide qui l'étreint trop fort.
Il lui suffit de briser le carcan d'un coup de risette pour que l'ouragan fasse de nouveau soulever les coeurs et écarte encore les foules.
Une jupe rose.
Un pull trop coloré.
Un maquillage raffiné.
Le cheveu qui caresse l'air.
Et son coeur qui bat faiblement, ça, personne ne sait le voir, juste Lei alors elle se contente d'en sourire encore plus fort. Et le soleil se glisse entre les mèches de cheveu, et elle troque sa démarche assurée pour quelque chose d'un peu plus enjoué -et après, on fait quoi de la vie ? on la froisse à nouveau, on recommence, on la crie, on la colorie, on l'embrasse pour la mieux la foutre K.O sur le ring où Sana confronte Sana.