Elle aimait parfois imaginer tous les pouvoirs qu’elle pourrait avoir, tout ceux qui pouvaient exister, tout ceux qui avaient existé et qui maintenant n’étaient plu. Elle aimait aussi se représenter les personnes qui les avaient possédés. Une vieille femme dotée d’une vitesse hors du commun, un jeune homme à la vision perçante, une enfant invisible. Elle avait des dizaines de scénarios en tête, plus fou les uns que les autres, et à chaque fois elle se disait la même chose. Qu’est-ce qu’elle aimerait avoir ces pouvoirs. Mais parfois elle rencontrait des gens encore moins capables qu’elle, plus banals que banals. « et bien, on ne peut pas tout avoir dans la vie » Elle avait dit ça sur un ton sec qui ne lui ressemblait pas. Elle n’avait pas vraiment l’habitude de réprimander, mais elle était un peu fâchée, parce qu’il se plaignait de ne pas avoir d’autres pouvoirs, alors qu’il en possédait déjà un. Il ne se rendait pas compte de sa chance ! Beaucoup n’en avait pas du tout. Et puis, elle ne sut pas pourquoi, mais ses questions commençaient vraiment à l’agacer. « pourquoi ne me croiraient-ils pas quand je dis que je suis une fée ? » elle tapa un peu du pied. « je suis une fée, un point c’est tout, et s’ils ne me croient pas ils ont bien tort ! » Elle posa ses deux mains sur ses hanches, un air sévère sur le visage. « je suis une fée je suis une fée je suis une fée ! » Il avait touché la corde sensible. Elle essayait chaque jour de prouver à tout le monde qu’elle était une fée, qu’elle n’était pas folle, qu’elle n’était pas différente et qu’elle avait seulement réussis à voir l’invisible à l’œil humain, elle avait su percer un mystère et se l’approprier, et elle ne savait pas pourquoi, simplement parce que les autres n’étaient pas capables de voir la magie, elle devait faire l’autruche comme eux, et ignorer ce qu’elle était réellement. « et ils s’en mordront les doigts quand ils verront que je dis la vérité ! » Elle pointa son interlocuteur du doigt, comme pour lui montrer que lui aussi regrettera de ne pas l’avoir cru. « je ne comprends pas pourquoi c’est si difficile à envisager ! »

Son ton était sec. Il l’avait énervé et elle n’avait plus envie de lui répondre. Elle semblait même l’accuser de ne pas la croire. Elle n’avait pas complètement tort. Il ne souriait plus, son visage était devenu plus sombre et sérieux. < Désolé, je voulais pas t’offenser. Sincèrement, je te crois. T’es une fée. > Il parlait calmement et sévèrement, il voulait lui montrer qu’il ne la prenait pas pour une folle et qu’il parlait sérieusement. D’ailleurs pourquoi devrait-elle l’être ? Parce qu’elle croyait en des choses impossibles ou abstraites ? Ce n’était pas la première et certainement pas la dernière. Elle était fantasque. On avait tous nos étrangetés, le pâtissier avait une peur irrationnelle des araignées et des brocolis. Et puis il était admiratif, il aurait voulu avoir une telle imagination, elle avait tout de même créé sa propre religion. < Bon assez parlé de ça ! > il soupira longuement. Il regarda autour de lui. < Je devrais adopter un chien > Il se parlait à lui-même. < J’adore les chiens et ça me ferait de la compagnie. Qu’est-ce que t’en penses ? > Il était toujours assit et s’était tourné vers elle. Il attendait une réponse. Il n’avait jamais pu parler aussi librement. Il s’en fichait qu’elle le trouve bizarre qu’il passe du coq à l’âne. Il avait besoin de se changer les idées, en si peu de temps il lui était arrivé trop de choses. Il avait besoin d’un verre de plus. Il alla chercher la bouteille de champagne dans la cuisine et par réflexe il rempli sa coupe et celle d’Aisling. Il y avait des jeux de sociétés derrière l’étalage à pâtisseries. Il sortit un paquet de cartes. < Tiens ! Tu veux jouer ? >

Il s’excusa. Elle le regarda du coin de l’œil, toujours un peu boudeuse. Il ne voulait pas l’offenser, mais le mal avait été fait… mais son visage s’éclaira tout de même avec la suite de sa réplique. Il la croyait, elle était une fée ! Elle retrouva en moins d’une seconde son attitude enfantine, celle de la grande gamine qu’elle assumait être. Elle se remit à sautiller un peu partout, à sourire, son humeur ayant changé soudainement du tout au tout. « un chien ??? » hurla-t-elle alors, s’avançant rapidement vers lui pour presque lui sauter dessus. « un chien !!! quoi comme chien ???? un grand un petit un moyen un roux un blond un noir un brun ??? quelle race tu sais déjà ??? un chien gentil au moins ????? un labrador ????? ou un corgi !!! un TECKEL OH OUI UN TECKEL ILS SONT SI MIGNONS ! » Na Ri, si on ne pouvait pas le remarquer à ses paroles, aimait beaucoup les animaux, plus que tout au monde, et était aussi persuadée qu’elle pouvait communiquer avec eux. Elle comprenait ce qu’ils disaient, et elle était sûre qu’eux comprenaient quand elle parlait. Elle le regarda avec curiosité partir, et sourit lorsqu’il revint avec une bouteille de champagne. « tu sais, je peux parler aux animaux » dit-elle alors, après avoir accepté le jeu de carte. Elle avait pris le paquet entre ses mains pour elle-même remuer les cartes, bien qu’elle ne sût absolument pas s’y faire. A chaque fois qu’elle essayait un mouvement, la moitié se retrouvait à terre et elle était obligée de les ramasser, mais elle gardait le sourire. « on joue à quoi ? je sais pas jouer aux cartes ! je sais lire l’avenir avec des cartes, je crois, ou tout du moins à un moment je savais le faire, mais j’ai jamais joué. » Elle posa le paquet sur une table à laquelle elle s’assit, observant une nouvelle fois son environnement. Elle prit une mine faussement sévère avant de continuer sa phrase. « parce que les cartes, c’est sérieux, elles sont importantes ! »

Un chien c’était beau, un chien c’était chouette, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser à une petite bête qui gambadait entre ses jambes, pleine de joie, comme elle était pleine de joie. Elle trouvait que les chiens et elle avaient certains points communs. Ils étaient tous deux des êtres bien heureux, il ne se souciait pas de grand-chose à part jouer et faire plaisir, et ils étaient si mignons (et oui, elle se jugeait mignonne). « NON ATTEND C’EST VRAI ? TU VEUX QUE JE T’ACCOMPAGNE ? » elle se mit à hurler, pleine de joie. Oh que oui ! elle l’accompagnerait, il n’y avait aucun doute sur ça ! Elle reprit un peu son calme, avec difficulté. « je crois que j’ai toujours su leur parler ! mais pas si souvent que ça, parce que j’en croise pas beaucoup… Et oui, c’est plutôt facile, ils ont pas beaucoup dans la tête » elle laissa échapper un petit rire, elle aimait tant les animaux ! Et les animaux le lui rendaient ! Ils allaient toujours vers elle, comme s’ils pouvaient sentir qu’elle était magique, et qu’elle avait toujours des friandises dans ses poches. « Oui ! je sais lire dans les cartes ! » Elle savait, oui, mais elle était une bien piètre liseuse de bonne aventure. Elle regarda son verre se faire remplir de vin rouge, mais n’y toucha pas. La couleur était trop sanguine à son goût, elle n’en voulait pas. Elle arrêta de mélanger les cartes, observant son interlocuteur qui lui demandait de lire son avenir. D’accord. Elle prépara la magie entre ses doigts, sépara le paquet en deux en prenant ensuite la moitié inférieure, et lui demanda de choisir trois carte. « la première carte que tu vas prendre, c’est ton passé. La deuxième carte, c’est ton présent, la troisième, ça sera ton futur ! j’espère que t’as hâte de découvrir ! moi je sens que ça va être tout bon tout bon ! » Elle espérait qu’elle y arriverait, parce que ça faisait quand même longtemps qu’elle n’avait pas fait ça, et elle était loin d’être une experte en carte, vu comment elle les avait mélanger un peu avant. « tu les retournes sur la tables, face à moi, et ensuite t’en prend une dernière que tu ne retournes pas » Elle espérait au fond que c’était bien comme ça que ça marchait.

Elle regardait attentivement les cartes qu’elle avait soigneusement mélanger entre ses mains. Elle était sûre qu’il devait en manquer une ou deux du paquet, qu’elles avaient atterrit par terre sans qu’elle ne les remarque, mais ça n’allait sûrement pas être décisif sur l’avenir de Andrew. De toute façon, son avenir était déjà tout tracé, elle ne faisait que le déchiffrer et le lui annoncer. Elle espérait juste, dans un coin de son esprit, qu’il n’y avait pas trop de mauvaises nouvelles. « bah, pour l’instant, on peut pas savoir ! et puis, de toute façon, ton avenir est tout tracé, tu ne pourras rien y changer » Elle avait beau être mignonne et enfantine, elle avait parfois ce petit aspect sec, mais aussi fataliste qui ramenait l’être qu’elle donnait l’impression d’être sur terre. Elle offrait souvent une vision perturbante. Cette grande enfant, joueuse et naïve, parlant de la mort comme si elle était son amie, comme si chaque jour elle la côtoyait, comme si découlant d’elle, il n’y avait rien de grave. Elle observa les cartes posées devant elle avec attention, étudiant le sujet avec sérieux. Puis, elle releva les yeux. Malheureusement pour lui, elle ne savait pas ce que pincette voulait dire. Puis, avec un air sévère sur sa bouille d’ange, elle commença à réciter ce qu’elle pensait être la vérité. « tu vas rencontrer l’amour de ta vie, malheureusement, celle-ci ou celui-ci va disparaître tragiquement après … attend » elle se concentra pour relire les cartes, et avec un sourire, elle continua. « ah oui, disparaître tragiquement après un incendie ! » Elle fronça ensuite les sourcils, pour essayer de trouver la suite. « mais c’est pas grave, parce que niveau travail, ça va être super ! pendant… » Elle ferma les yeux. « 10 ans environs, tu vas faire fortune, mais un jour un contrôleur de l’alimentation va venir et faire fermer l’établissement, donc fait attention aux normes d’hygiène ! » Elle termina avec un grand sourire, fière d’elle et d’avoir réussis à deviner ainsi l’avenir de son nouvel ami. Elle le regarda ensuite avec une moue complice. « mais tu sais, je sais comment contrecarrer la disparition de l’amour de ta vie… ne le rencontre jamais ! » Elle gloussa un peu.

Elle regardait les cartes disposées devant elle avec attention, essayant de vérifier par elle-même qu’elle ne s’était trompée sur aucune des interprétations qu’elle avait fait. Elle ne lui avait pas fourni l’avenir le plus radieux, mais elle était ce qu’elle avait vu, et elle n’était pas de celles qui mentaient facilement. Elle leva les yeux pour l’observer. Lorsqu’il lui demande si c’était tout, elle se contenta de hocher tranquillement la tête. Tout le monde n’était pas fait pour avoir un avenir souriant, et il faisait partie de ces personnes qui n’avait pas un futur radieux. C’était triste, mais pour faire des heureux il fallait bien quelques malheureux. « je ne sais pas, moi, les cartes elles l’ont pas dit ! » elle haussa les épaules. « elles nous donnent des infos générales mais pas des trucs précis ! le reste je pense que c’est à toi de deviner. » elle fronça les sourcils, essayant de trouver une bonne réponse à ses questions. « le grand amour c’est ton âme sœur, tu es obligé de le rencontrer, un point c’est tout ! si ça se trouve en plus » elle commença à s’exciter, toute enjouée à l’idée qu’elle n’avait même pas encore eu le temps de formuler « tu l’as déjà rencontré ! » Elle se mit à taper dans ses mains tant l’idée la rendait heureuse. « je suis sûre que c’est une très belle personne ! » Elle ne parlait pas de son physique, mais de la beauté intérieure. Elle le regarda quelques secondes. Il avait l’air un peu abattu. « ça ne va pas ? » Elle s’approcha un peu de lui, soucieuse. « il ne faut pas t’inquiéter ! on ne peut rien y faire mais ça ne veut pas dire que tu vas vivre malheureux » Elle lui fit un grand sourire, malgré le fait qu’elle ne comprenait pas trop les gens malheureux.