« Viens on sort » avait envoyé par texto la jumelle. « Ok j'arrive » avait répondu Mee Joo sans réfléchir bien longtemps. C'était il y avait une heure et demi, et pourtant, Mee Joo était toujours dans sa chambre. Pour une fois, elle n'était pas en train de jouer non. Elle n'était pas non plus en train de regarder un film. Elle avait mis Thor en pause dans une position qui ne le mettait pas en valeur, la bouche déformée dans une grimace, Mjollnir levé au ciel. Cela prouvait bien sa bonne volonté, non ? Oui, pour une fois elle s'était dit qu'elle allait être plutôt proactive, et bouger de sa chambre sans trop faire attendre Soo Mee. Elle avait donc sauté de son lit, se mettant en quête d'une tenue - un pyjama de noël, faute de linge propre, ça le faisait moyen pour sortir en boite. Elle avait une idée très précise de ce qu'elle voulait porter : une robe noire, ajourée. Or, quand Mee Joo se mettait une idée en tête, il était impossible de la faire changer d'avis. Alors qu'est-ce qui justifiait que plus d'une heure plus tard, elle n'était toujours pas habillée ? Et bien, purement et simplement, l'impossibilité pour Mee Joo de mettre la main sur cette satanée robe. Elle avait tout retourné pour la retrouver, et la chambre ressemblait à présent à Bagdad, ou à l'Afghanistan, bref, à un beau bordel. Et si la jeune fille n'était initialement pas très maniaque, elle savait pour autant où toutes ses affaires se trouvaient. Ce n'était donc pas normal que cette robe ait disparu. Pire, elle avait remarqué que plusieurs autres affaires manquaient à l'appel. Après une heure et demi donc, elle avait téléphoné à Soo Mee, qui s'impatientait, bien entendu, pour lui dire qu'elle ne sortirait pas ce soir. Ah ça non, elle avait des comptes à régler. Mee Joo s'était alors assise en tailleur, face à la porte, et depuis, elle attendait. Qu'attendait-elle au juste ? Qu'une blonde écervelée du nom de Dambi franchisse cette maudite porte. La pauvre enfant était loin de s'attendre à la tempête Rhee.

N’ayant aucune conscience de pouvoir être fautive pour quoi que ce soit, j’étais partie insouciamment répéter à la planque avec mon groupe de musique. J’avais passé la soirée à frapper le rythme sur ma batterie. Suivant mon tempo, Jaxson et Bago entonnaient les diverses chansons pour notre prochain concert. Les notes s’enchainaient donnant le ton de l’ambiance rock qui régnait dans le vieil hangar transformé en lieu de répète avec son coin cuisine, et son coin détende. Il pouvait accueillir une vraie soirée d’étudiant comme soirée pénard entre membres du groupe. Quand on ne me trouvait pas à l’appartement ou à la villa familiale, c’était ici qu’il y avait le plus de chance que je me trouve. Apres une heure et demie à se laisser porter par la musique, je passais derrière les fourneaux pour préparer un encas aux deux garçons qui ne savaient pas cuire un œuf même avec les meilleures intentions du monde. Et puis, entre mangé des burgers cramés et mourir de faim, je préférais leur préparer quelque chose. Il paraissait même que je n’étais pas si mauvaise cuisinière, malgré le fait que je ne pouvais pas gouter tous les aliments à cause de mes nombreuses allergies. J’avais pourtant réussi à connaitre les bonnes doses à l’œil. N’ayant pas vu l’heure, ma nuit était déjà tombé sur la ville. Notre lieu de rencontre se trouvant à l’écart de la ville, Jaxson m’emmena sur sa moto pour revenir au dortoir. Je n’aimais guère se transport. Tiraillée par la peur, je m’accrochais à lui plus que de nécessaire, n’en déplaisant pas au jeune homme. Quand je mis à nouveau pied à terre, je partis me réfugier dans ma chambre où mon ordinateur, objet réconfortant, m’attendait. J’ouvris la porte à la volée, la claquant derrière moi, convaincue que personne n’était présent dans la pièce à cette heure. Mon petit cœur ne fit qu’un bond quand je faillis m’étaler sur Mee Joo dont le regard me fusillait. S’ils avaient été de vrais révolvers, je serais sans doute morte à l’heure qu’il est. « Mee Joo ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Demandais-je d’une voix étranglée. Elle ne me donnait pas franchement envie de rester là …

Quoiqu'on en dise, Mee Joo n'était pas fondamentalement méchante. En fait, elle pouvait même être adorable quand elle le voulait. Soucis : elle ne le voulait que rarement. Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas être gentille, mais simplement ce n'était pas comme ça qu'elle avait été élevée. Il fallait dire qu'il fallait un sacré tempérament pour être une Rhee, et pour pouvoir tenir tête aux hommes de main qui vous prennent parfois d'un peu trop haut. Puis elle avait rapidement compris qu'être gentil, c'était être faible, et ça elle ne pouvait pas se le mettre. Est-ce que Dambi profiterait de cette faiblesse ? Probablement pas, mais avec le temps vient l'habitude. Alors devant la jeune occidentale, Mee Joo se donnait des airs de tortionnaire. Au fond, ce n'était peut-être pas plus mal. Après tout, au sein du dortoir, tout le monde la protégeait tout le temps ; il était bon de parfois lui rappeler qu'on ne vit pas dans un monde de bisounours. " Ce que je fais là ? "  répéta Mee Joo un air médusé sur le visage. On aurait dit une des méchantes dans les dramas. Non, rectification : c'était probablement ce qu'elle était au fond. " C'est ma chambre je te rappelle. Mon lit. Mes affaires. " poursuivit-elle en désignant de la main ce qu'elle citait. Dambi verrait bien vite où elle voudrait en venir, non ? " Ouvre ton armoire, Dambi. " la somma-t-elle alors sans donner plus d'explications. Si elle retrouvait sa robe dans les affaires de la blonde, ça allait barder.  

Depuis son arrivé au dortoir, j’étais nettement moins sereine. Il m’arrivait parfois de jeter un coup d’œil derrière moi au moindre frottement pour m’assurer que la neugdae ne se trouvait pas derrière moi. On avait le même âge, mais cela ne l’empêchait pas de m’avoir prise comme cible pour passer ses passages colériques. Ce n’était d’ailleurs pas la première, peut être avais-je une tête qui énervait les gens juste en me regardant ? Peut-être ma blondeur si différente des autres ? Ou mes yeux océan de biche qui ne rentrait pas dans le moule de ce pays ? Cela m’avait toujours valu un rejet de la part des autres enfants. Les neugdaes étaient les premiers à m’avoir accepté réellement, malgré mon occidentalisation. Mais peut être que cette raison était suffisante pour agacer Mee Joo ? Elle n’avait pas tort, c’était aussi sa chambre, mais j’étais si convaincu qu’il n’y avait personne… Pourquoi me faisait-elle une mise au point en me montrant son lit et son armoire. Je lui montrais mon lit. « Et ca c’est le mien… je sais où tu dors, meejoo … » Tellement bien que je me refugiais souvent dans le lit de In Ha pour être certaine que la jeune femme ne me tombe pas dessus en pleine nuit comme elle était entrain de le faire en cet instant. Je lui montrais son armoire du doigt, fébrile. « C’est aussi mon armoire, on partage les étages… » Ayant des chambres mixtes, il avait bien fallu faire des aménagements avec les moyens du bord. Je fronçais mes sourcils blonds, ne voyant pas où elle voulait en venir. Quelle nouvelle lubie l’avait touché cette fois ? Je la contournais avec la plus grande précaution comme si il s’agissait d’un animal sauvage qui pouvait me mordre à la moindre occasion. J’ouvris l’armoire en grand. « Voila. » Tu ne pouvais pas le faire toi-même ? Pensais-je, n’osant l’émettre plus haut de peur d’en rajouter une couche. Tout ce cirque pour ouvrir une armoire. Je me détournais pour vider mes affaires de mon sac que je retournais sur mon lit, croyant que le danger était passé.

Le faisait-elle exprès ou non ? Telle était la question, et la réponse importait peu Mee Joo. De toute façon, niveau gamine chiante et agaçante, la coréenne avait plutôt l'habitude puisqu'elle avait grandi avec la pire peste qui soit, j'ai nommé Soo Mee. Elle aussi avait toujours eu la sale manie de piquer les affaires de sa jumelle, si bien que pour mettre fin aux querelles des deux petites, M. Rhee avait fait placer une serrure sur la garde robe de Mee Joo. Oui, elle avait toujours été très possessive concernant ses affaires. Oh, ça ne la dérangeait pas tant de partager du moment qu'on le lui demandait, mais elle ne supportait pas que l'on touche à ses affaires sans autorisation. Or ce n'était pas la première fois que la jeune fille voyait que quelqu'un dérangeait ses vêtements. Cependant, cette fois, elle tenait la coupable. Sauf si Su Wun et In Ha s'amusaient à porter des robes quand les filles n'étaient pas là, mais elle en doutait très sérieusement.

Voyant que Dambi retournait tranquillement vers son lit, Mee Joo reprit tout en soufflant par les narines " Et ton étage, c'est lequel, exactement ? " Elle allait arrêter de faire la maline la blonde là ? Non parce que clairement, la jeune coréenne n'était pas du tout d'humeur à badiner.

Je vaquais tranquillement à nouveau à mes affaires alors que j’entendais soudainement ma colocataire de chambre respirer bruyamment. Je me raidis presque instantanément. Qu’est ce qu’elle me voulait encore ? Sérieusement ? C’était quoi cette question. « Le troisième et la quatrième. » répondis-je sur la défensive, jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule. Si j’avais pu me planquer dans un trou de souris je l’aurais sans doute fait. « Qu’est-ce que j’ai encore fait ? » finis-je par demander vu qu’elle ne réagissait pas. Elle avait l’air d’attendre quelque chose de ma part, mais je n’avais pas la moindre idée de ce qu’elle voulait. Pourtant, vu la grimace qui déformait les jolis traits de son visage, j’avais dû faire quelque chose qui ne lui avait pas plus encore. Je serais le haut de mon sac entre mes doigts, prête à m’enfuir s’il le fallait. Je zieutais vers la porte qui se trouvait trop loin de moi à mon gout, et surtout, derrière le prédateur auquel j’essayais de fuir.

Bon, Dambi avait l'air de commencer à réaliser qu'elle avait fait une connerie. Il n'était pas trop tôt. En même temps, ça paraissait plutôt évident, non ? Ok, Mee Joo était un peu dure parfois. Il fallait dire qu'elle n'avait pas un super caractère. Et elle, et sa soeur, avait décidé de prendre Dambi en grippe. Au fond, elle n'avait rien contre elle. D'ailleurs, cette décision était principalement motivée par le fait qu'elle l'aimait bien, la blonde. Bah oui, qui aime bien châtie bien, tout ça. Puis Dambi était trop gentille, elle se laissait trop facilement faire, alors Mee Joo la malmènerait jusqu'à ce qu'elle apprenne à dire zut. Bref, la Rhee finit par se lever, et se dirigea en silence vers l'armoire qui était restée grande ouverte. "La troisième et la quatrième tu dis ?" souffla-t-elle "Celles-ci donc ?" Faisant volte-face, elle plongea son regard dans celui dans la jolie blonde. "Donc si je fouille tes tiroirs, je ne trouverai aucune affaire m'appartenant, n'est-ce pas ?" Dernière chance Bambi, fais attention à ta réponse.

Je hochais la tête négativement alors qu’elle répétait ce que j’avais dit. J’avais finis par faire volteface, la fixant sans bouger, telle une souris apeuré face à un chat. Peut-être fallait-il mieux faire la morte ? Avec un peu de chance, elle se lassera… je fis un pas sur le côté, mes jambes collées au lit. Qu’est-ce qu’elle faisait au juste ? Elle voulait que je lui montre moi-même les étagères que j’utilisais ? Elle le savait pourtant très bien. Je fronçais d’avantage les sourcils. « Normalement, non. »Murmurais-je peu sure de moi. Avais-je encore pris quelque chose qui n’était pas à moi sans m’en rendre compte ? Avec ma cleptomanie, j’avais la mauvaise manie de m’approprier ce qui n’était pas à moi. Mais le pire dans cette histoire, c’était que je n’en avais pas conscience. Je les prenais sans m’en apercevoir, et je retrouvais l’objet plusieurs jours plus tard dans mes affaires pensant que ca m’appartenait. Une des raisons pour lesquels je n’aimais pas faire les magasins, ou du moins, je ne les faisais jamais seule. Ceux qui connaissaient mon léger soucis, veillait à remettre en place ce que j’empruntais. Mais il arrivait, comme dans la chambre, où c’était plus difficile à gérer. Les garçons n’avaient jamais montre la moindre gêne sur le sujet, me laissant faire à ma guise avec leur affaire, mais Mee Joo n’avait pas l’air de cet avis. Peut-être si je lui expliquais.. ? « Ecoute Mee Joo, si tu trouves quelque chose à toi, je suis désole, … j’ai un léger problème que seul les neugdaes et mes amis proches connaissent… » Murmurais-je peux sur de moi de sa réaction.

Mee Joo ouvrit la bouche prête à lui claquer le bec, puis la referma tout aussi vite. Comment ça un léger problème ? C'était un manque d'éducation voilà tout ! À moins que ce qu'elle essayait de dire c'était que ... elle était cleptomane ? Manquait plus que ça maintenant. Rhee Mee Joo, psychorigide de son état quant à l'utilisation de ses affaires, partageait sa chambre et son armoire avec une cleptomane. C'était bien sa veine tiens "T'es pas sérieuse ..." souffla-t-elle, ne sachant pas trop comment réagir. D'un certain côté, elle allait pas s'acharner sur une fille cleptomane ? 'Fin, c'était pas sa faute quoi. De l'autre, elle avait une réputation à entretenir. Daaaaamn. Qu'était-elle censée faire ? Elle n'en savait foutrement rien. "Ecoute Dambi, je ne SUPPORTE PAS qu'on touche à mes affaires. Même ma soeur a pas le droit. Alors tu te doutes bien que toi non plus." Ouais mais elle sentait que ce serait pas aussi simple "Alors je compte sur toi pour que ça ne se reproduise plus. Quitte à ce qu'on ait des bacs séparés ou quoi, j'en sais rien, j'ai pas envie de réfléchir." Puis mince, c'était Dambi qui avait un soucis, pas elle. A Dambi de trouver une solution du coup, ce n'était que justice.

Elle avait compris sans même que je n’ais à lui dire le mot magique. Honteuse, je baissais la tête, détournant les yeux. Ma cleptomanie m’avait causé plus d’une fois des problèmes, au point que le commissariat du quartier me connaissait depuis mon plus jeune âge. J’avais même sympathisé avec la plupart de ceux qui travaillait à cet endroit. Il m’avait vu grandir, et s’étaient d’une certaine façon, pris d’affection pour moi. « Je suis désolé… » Murmurais-je au bord des larmes. J’avais pleine conscience que je n’avais pas à prendre ses affaires, que c’était les siennes, pas les miennes. Ma maladie rendait pourtant ces règles stériles. « je peux changer mes affaires de place, si il faut, comme ca tu pourras mettre un cadenas sur l’armoire. Je peux pas encore demander une chambre de deux pour être seule… je n’ai pas l’ancienneté requis…je suis tellement désolé… » Pleurnichais-je m’asseyant sur le lit, essuyant une larme qui coulait seul sur ma joue d’un revers de main. « Regardes si quelque chose t’appartient, je mettrais le reste autre part. Je promets que j'essayerais que ca se reproduit plus, pardon ... »