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Shin Tae Woo & Kwon Min Ah

Le bus sortant à peine des bouchons, je regardai d’un air empressé l’heure. Quinze heure cinquante-trois. Le prochain arrêt était le mien : avec un peu de chance j’arriverais à seize heure pile. Ce n’était pas le genre d’inquiétude que j’avais habituellement – après tout, arriver en retard ne tuait personne, ni celui qui attendait, ni celui qui était supposé se dépêcher. Dans le cas de Tae Woo, en revanche, j’avais récemment appris qu’il détestait ça pour des raisons fondées et je ne comptais pas le mettre en colère. C’était supposé être une bonne journée où il pourra aller dans un beau lieu pour prendre de belles photos et je n’avais pas organisé ça pour qu’on s’engueule. J’avais prévu ça pour le sortir du dortoir ou de l’université… parce qu’il avait beau s’être bien ouvert, il n’en restait pas moins renfermé sur lui-même.
D’une lenteur qui me parut exagérée, le bus continua d’avancer et j’hésitai à envoyer un texto à Tae Woo pour le prévenir d’un quelconque retard, finalement. Quinze heure cinquante-sept. Mes doigts tapotaient d’un air nerveux mon téléphone quand, finalement, les portes du bus s’ouvrirent. Il fallait vraiment que je passe mon permis – que je le réussisse, surtout – pour ne plus avoir à galérer avec les transports en commun de cette manière. Je descendis du bus et regardai l’heure en marchant rapidement. Quinze heure cinquante-huit…

Essoufflée, je finis par arriver vivante au lieu du rendez-vous, où, comme prévu, Tae Woo était déjà là. Je le regardai et aussitôt, j’allumais l’écran de mon téléphone pour lui montrer l’heure.

« Seize heure pile ! Je ne suis pas en retard ! » Parvins-je à prononcer entre deux respirations.

Le connaissant, il aurait pu faire une remarque sur la justesse de mon arrivée alors je préférais couper court à tout ça. Je repris mon souffle pendant plusieurs secondes avant d’être capable de dire autre chose.

« Tu n’attendais pas depuis trop longtemps j’espère ? »

Ça ne changeait rien qu’il ait attendu beaucoup ou non – je ne pouvais pas retourner dans le passé – mais c’était dommage pour lui, quand même. Après tout, il fallait passer une bonne après-midi dans le Dongdaedum Design Plaza. Je me tournai pour regarder le design et je fis un immense sourire.

« Quand je pense que c’est le genre de lieu où vont tous les touristes mais que je n’y ai jamais mis les pieds… en vrai, les touristes connaissent mieux les endroits comme ça que les autochtones, tu sais ? Quand on vit dans une ville, on pense pas forcément à regarder les lieux de ce style… »

Enfin, du moins, c’était le cas pour moi. Je n’allais pas souvent à la Namsan Tower, par exemple, alors que beaucoup de touristes y passaient un bon nombre d’après-midi.

« C’est vraiment joli, non ? »

Je souris en regardant ça. Séoul était une belle ville. Pas celle où j’étais née, contrairement à ce que pensait la majorité des gens, mais une très belle ville.

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Shin Tae Woo & Kwon Min Ah

Honnêtement, je n'aurais jamais pensé qu'un tel jour arriverait. Aller à un rendez-vous amical avec Minah au Dongdaedum Design Plaza ne m'aurait jamais traversé l'esprit, jusqu'à aujourd'hui... Au début, je l'avouais, je n'appréciais pas du tout Minah. Et puis, à force de la côtoyer, je m'étais bien rendu compte que c'était moi qui l'avais mal jugée. On ne connaissait jamais personne par la couverture de son livre, mais je n'avais jamais cherché à aller ouvrir le livre. J'étais bien au courant qu'avant de juger quelqu'un il fallait lire son livre, cependant je n'avais pas envie de le découvrir, et je m'étais contenté de la juger avant. Ce fut une grossière erreur de ma part. Je n'irais pas à dire que Minah était mon amie, loin de là, mais... Je la considérais plus favorablement, à présent. Ce n'était pas une personne que je détestais comme j'affectionnais énormément, par exemple. Cependant, je ne pouvais pas dire que j'étais totalement neutre non plus. J'étais neutre avec les gens que je ne connaissais pas. Or, Minah, je la connaissais. Je ne dirais pas que je la connaissais par cœur comme un meilleur ami connaîtrait son meilleur ami, mais je la comprenais un peu mieux. Et donc, plutôt qu'autrefois où la balance penchait plutôt vers la haine, ça penchait maintenant de l'autre côté. En fait, plus j'y réfléchissais et plus je ne savais pas définir comment je me sentais envers Minah. Elle n'était pas mon amie, mais elle n'était pas une simple connaissance non plus. Il y avait juste des relations où on ne pouvait pas placer un nom dessus, je supposai... Si jamais je devais présenter Minah à quelqu'un, je ne saurais même pas quoi dire. Peut-être que pour m'en sortir, je dirais simplement qu'elle était ma sunbae. Bref, je devrais arrêter d'y penser.

Aujourd'hui, j'avais amené mon appareil photo à l'extérieur. Je n'avais pas amené tout le matériel nécessaire non plus pour prendre des photos, je m'étais simplement muni de mon appareil. C'était encore l'ancien que j'affectionnais encore beaucoup, d'ici la rentrée en troisième année, j'aurais mon nouvel appareil photo puisque mes économies allaient bientôt me le permettre. En y pensant, quand je l'aurais, Minah ne sera plus à l'université. A l'époque, je me disais que c'était une bonne chose, mais maintenant, j'étais plutôt mitigé. Je regardai rapidement l'heure en allumant l'écran de mon téléphone. 15:57. Elle n'était pas encore là. Elle était bien du type à arriver en retard. Je n'aimais pas vraiment le retard. Il me rappelait de mauvais souvenirs. De plus, quand la personne était en retard, je me mettais à avoir peur. Et si elle avait eu un accident sur le chemin ? Ça me trottait toujours à l'esprit. En ces cinq années, ça ne m'était jamais arrivé, mais j'étais toujours soulagé de voir l'autre personne arriver. C'était pourquoi je préférais arriver en avance, pour ne pas provoquer ce genre de peur chez l'autre personne. Enfin, cette peur n'était pas liée à l'accident, de toute façon. Si j'arrivais en avance, c'était surtout pour ne pas revivre la même scène.

Minah apparut soudainement devant mes yeux, essoufflée en me montrant d'un air fier l'heure. 16:00. En effet, elle n'était pas en retard. « C'est bien pour toi. » répondis-je en haussant des épaules, comme si j'y étais indifférent. Je secouai de la tête quand elle me demanda si j'étais arrivé depuis longtemps. « Pas vraiment. Ça fait dix minutes, mais je suis arrivé en avance. » J'arrivais toujours en avance, et elle devait le savoir, maintenant. Lorsqu'elle fit la remarque sur le lieu, je me tournai pour admirer le bâtiment. C'était vrai que je le voyais toujours de loin, mais que je ne m'y étais jamais aventuré. Je n'habitais pas à Séoul, pourtant. Mais mes parents n'avaient jamais eu l'idée de m'emmener ici, quand j'étais plus jeune. En même temps, c'était bien normal, le lieu n'existait pas encore. Et quand il avait été construit, en 2014, je venais à peine de me remettre de mon deuil. Je ne m'étais inscrit à la Yonsei qu'en 2015. Je n'avais donc jamais eu le temps ni l'envie d'y mettre les pieds. Je ne pouvais pas vraiment me considérer de la même catégorie que les habitants de Séoul. « C'est vrai. » affirmais-je. J'acquiesçai, approuvant le fait que c'était joli. En arrivant, je l'avais déjà pris en photo. C'était beau, et c'était la première fois que je voyais le bâtiment d'aussi près. Après avoir admiré le bâtiment, je reposai mon regard sur Minah. « On rentre ? » proposai-je, avant de rentrer à l'intérieur quand elle approuva.

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Tae Woo et moi, depuis les premières fois où on s’était parlé, c’était évident que nous n’avions vraiment rien en commun. Pas dans le vécu, mais dans le caractère et la nature. Il était quelqu’un de très introverti, solitaire, renfermé et sérieux – au contraire, j’étais extravertie, sociale et blagueuse. Nous n’avions rien sur lequel nous pouvions nous appuyer pour nous rapprocher. Quand je cherchais désespéramment quelqu’un avec qui passer une heure, il était celui qui faisait en sorte de libérer ne serait-ce qu’un heure pendant laquelle il pourrait être seul. Quand je répondais à une phrase par dix d’affilée, il hochait simplement la tête sans décrocher un seul sourire. Vraiment, nous étions de grands opposés – mais même deux personnes sans rien en commun comme nous pouvions être rapprochées, par un concours de circonstance ; par le fait que nous avions vécu quelque chose de très similaire. Et c’était justement parce que j’étais si différente de lui, parce que je ne laissais jamais quelqu’un tout seul avec ses histoires, que nous nous étions rapprochés. Si j’étais passée à côté de lui sans être curieuse à propos de son éloignement des filles, si j’avais découvert sa crainte des filles sans y donner de l’importance, alors jamais nous ne serions là, en train de nous parler presque amicalement. Ou plutôt, de mon côté, je m’adressais et j’agissais avec lui comme si c’était un ami – mais je sentais bien que de son côté, ce n’était pas réellement ça, pas encore. Et peut-être que ça n’allait jamais arriver.

Je gonflai les joues en voyant sa réponse si peu enthousiaste. Moi, Kwon Min Ah, venait d’arriver à l’heure à un rendez-vous ! Ce n’était pas ‘bien pour moi’, bien pour lui ! Ce n’était pas quelque chose de commun mais d’extraordinaire ! N’avait-il dont pas conscience du miracle que c’était ?

« Normalement, tu devrais me remercier ! Je suis arrivée à l’heure pour toi, parce que je sais que t’aimes pas le retard. Moi, arriver à l’heure ou à l’avance, logiquement parlant, ça ne change rien. C’est la personne qui attend qui en a marre, pas celle qui fait attendre. »

C’était un fait, égoïste, certes, mais vrai. Je ne faisais pas pour autant exprès d’arriver en retard mais ça arrivait juste… comme ça. Au moins, cependant, il avait la décence de dire qu’il n’avait pas beaucoup attendu. C’était la moindre des choses, quand quelqu’un n’arrivait pas en retard mais à l'heure ! Surtout, quelqu’un comme moi.

« Tant mieux, alors ! »

Moi aussi, je savais faire des phrases sans verbe et de seulement trois mots. La preuve ; je venais d’en faire une. Sauf que moi au moins, elles étaient suivies de plusieurs longues phrases… lui, pas forcément. Enfin, désormais, c’était mieux qu’au début. Autrefois, il se serait contenté de répondre « Non. ». Il n’aurait pas expliqué qu’il avait attendu dix minutes ; ni qu’il était arrivé à l’avance.
Je souris en l’entendant dire que c’était beau et je hochai la tête lorsqu’il me proposa d’entrer.

« Bien sûr, on ne va pas juste rester ici à contempler de l’extérieur ! »

Enfin, on aurait pu, mais pourquoi le faire ?

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Le retard était un sujet sensible, avec moi. Tout particulièrement parce que depuis ce jour-là, je n'arrivais plus jamais en retard, quitte à arriver bien trop en avance. Si je n'étais pas arrivé en retard, j'aurais peut-être pu y faire quelque chose. Certes, j'aurais certainement péri dans l'accident à mon tour, et je n'osais pas imaginer à quel point mes amis auraient pu en être blessés. Mais à la seule idée où j'aurais pu y faire quelque chose, je ressentais une affreuse douleur au cœur et de la terrible impuissance. J'aurais pu faire quelque chose, mais je n'avais pu qu'attendre dans la souffrance le verdict à l'hôpital parce que j'avais été en retard. C'était horrible, et c'était pourquoi je refusais le retard. De plus, c'était réciproque chez les autres : s'ils étaient en retard, je commençais à avoir peur. Il leur était arrivé quelque chose sur le chemin. Ils avaient été cambriolé. Ils avaient été victime d'un accident. Je détestais paniquer pour rien, parce que la plupart du temps, rien ne s'était passé. Mais depuis ce jour, je ne pouvais plus m'arrêter d'avoir peur. Je devrais donc remercier Minah d'être arrivée à l'heure pour moi, mais ça devait tellement être une habitude que je ne devrais pas lui en être reconnaissant. Au contraire, il fallait qu'elle essaie d'arriver toujours à l'heure, même avec d'autres personnes. C'était mieux. « Je ne devrais même pas te remercier, arriver à l'heure devrait être un fait normal... Mais te connaissant... Merci. » soupirai-je le dernier mot. Je répondis à sa question, par laquelle elle répliqua d'une phrase exclamative. Je n'y vis donc pas l'intérêt d'y répondre quelque chose ; il n'y avait rien à répondre. J'admirai ensuite la devanture du bâtiment, et je devais bien l'avouer, les architectes avaient fait un excellent travail, ici. C'était tout bonnement magnifique. J'acquiesçai à l'affirmation de Minah, puis proposai de rentrer. Il ne servait à rien de rester plantés là toute notre vie. Je hochai de la tête à sa réponse, puis entrai dans le bâtiment en premier. Lorsque j'y entrai, c'était comme si j'étais devenu aveugle. Tout était blanc, tout brillait de partout. J'avais l'impression qu'une forte lumière n'arrêtait pas d'éclairer mes yeux. Mais c'était beau, incroyablement beau. Sans m'en rendre compte, je laissai ma bouche grande ouverte face au paysage que je voyais devant moi. Tout de suite, j'avais envie de le photographier. L'intérieur ressemblait à un paysage après que la neige soit passée. C'était beau. Je tenais en main mon appareil photo, mais je ne bougeai pas, admiratif. Je pouvais passer des heures à admirer ce paysage vide, mais je ne pouvais pas le faire. Je repris après quelques instants mes esprits, puis levai mon appareil photo. Il y avait des tâches noires qui représentaient en réalité les personnes présentes sur place. L'endroit serait parfait s'il n'y avait pas tant de personnes... Dommage. Je restai planté à l'entrée, essayant de prendre une belle photo. Mais avec tout ce monde, ça restait difficile...

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Désormais, Tae Woo me connaissait et il savait encore mieux qu’avant combien c’était inutile de lutter contre mes désirs, or rares exceptions. Je n’étais pas quelqu’un qui laissait les autres gagner les débats et j’aimais relever lorsque je faisais les choses biens, surtout quand d’habitude je ne mettais pas autant d’efforts. Si je mettais du mien, la moindre des choses était de me retourner un merci – c’était mon point de vue. Pour cette raison, il a très vite compris qu’il fallait me remercier et il l’a fait pour me satisfaire au plus vite, qu’on change de sujet. Face à cet énième abandon de sa part, je souris.

« De rien, il n’y a pas de quoi », répondis-je finalement.

C’était comme si je lui avais fait une grande faveur en arrivant à l’heure, alors que comme il l’avait dit, ça devait être normal. Cela dit, pour moi, ça ne l’était pas, c’était un fait. Une malédiction. Comme je l’avais déjà dit à mon frère en m’embrouillant légèrement avec lui, il avait pris toutes les gênes de la ponctualité ; du coup, je n’étais pas ponctuelle. C’était comme les gênes de conduite… il ne m’en restait plus aucune, alors je n’arrivais pas à avoir mon permis !

Finalement, on finit par rentrer à l’intérieur de ce beau bâtiment et la première chose qui me marqua, c’était combien les murs reflétaient une lumière extérieure de manière beaucoup trop éblouissante. Ça faisait presque mal aux yeux mais c’était en même temps si beau que c’était compliqué de s’en plaindre. Je me tournai vers Tae Woo pour voir ce qu’il en pensait mais en l’observant, je remarquai qu’il était dans un état d’ébahissement si grand qu’il ne parvenait même pas à affirmer à haute de voix que c’était beau.

« C’est sympa, hein ? » Lui demandais-je, tandis qu’il prenait des photos.

Je disais ça comme si je savais à quoi m’attendre, comme si j’y avais plusieurs fois mis les pieds mais c’était en réalité la première fois que j’y venais. J’avais juste entendu parler du bâtiment et vu quelques photos.

« Tu n’arrives pas à prendre de photo ? »

Je me rendis compte que bien qu’il était en position, je n’avais pas encore entendu le son de l’appareil qui prenait une photo. Je levai les sourcils, curieuse. Lui qui aimait tant prendre des photos, pourquoi il n’en avait pas encore pris une seule ?

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Je ne répondis rien à son « de rien ». Pourquoi devais-je la remercier pour un geste qui devait être normal ? Minah était vraiment spéciale... Penser qu'arriver à l'heure était un fait exceptionnel alors que ça devait tout simplement être normal... Désespérant. Une fois entrés à l'intérieur, je fus ébahi par l'architecture. C'était tout simplement beau. J'en étais ébloui. Si seulement il y avait moins de monde, l'effet provoqué serait encore meilleur, malheureusement les gens gâchaient un peu cette scène spectaculaire. Bien évidemment, je voulais prendre la vue de l'intérieur en photo, et je me positionnai pour prendre une belle photo. Seuls mes doigts bougeaient pour changer le flou, le cadrage, la luminosité, tous les facteurs qui pouvaient transformer une photo. Cependant, les tâches noires qu'étaient les gens gâchaient toujours la photo. Le meilleur serait de ne voir aucun visage, mais ça restait difficile. Je n'étais pas très grand non plus, je mesurais 1m77. Je n'étais pas suffisamment en hauteur pour cacher les gens de la vue. C'était pourquoi j'attendais tranquillement que le moment opportun pour prendre une photo apparaisse. Cependant, la chose était encore plus compliquée quand je devais faire la bonne mise au point et la bonne luminosité au bon moment. C'était ça qui était particulièrement difficile dans la photographie. Je pouvais rester des heures sans bouger pour pouvoir capturer la photo parfaite. Je ne répondis pas à la question de Minah, ne souhaitant pas être déconcentré. Je ne voyais que la scène que je voulais prendre en photo, et je me concentrais bien à en prendre une belle. Soudain, j'appuyai sur le bouton pour capturer le temps, après de longues minutes en arrêt. Je me remis alors dans une position plus naturelle, et regardai le résultat de ma photo. On ne voyait aucun visage, la luminosité était bonne et la mise au point parfaite, puisqu'elle rendait les gens flous et le décor net. Parfait. Je laissai entrevoir un petit sourire satisfait qui ne dura que quelques secondes avant de relever la tête vers Minah. « C'est bon. » dis-je d'un ton neutre. « Qu'est-ce qu'il y a d'autre, ici ? Je ne connais pas les lieux. » demandai-je curieusement.

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En effet, le bâtiment était beau et ses alentours aussi. Même si nous étions à peine rentrés dedans, s’il y avait autant de monde, ça signifiait forcément que c’était beau – aussi, l’entrée elle-même avait quelque chose de pur, d’éblouissant et c’était bluffant. Je n’avais dans ma vie que très rarement vu un blanc aussi… blanc. Comme quoi, j’avais bien fait d’écouter les dires sur ce bâtiment et d’y emmener Tae Woo qui aimait prendre des photos. Je n’étais pas certaine qu’un appareil photo puisse faire ressortir aussi bien le scintillement du blanc autour de nous mais je n’y connaissais pas grand-chose dans ce domaine et ça m’importait peu. Le plus important, c’était de faire sortir Tae Woo dans un lieu bondé, qu’il découvre autre chose que le calme auquel il était habitué depuis bien trop longtemps. Prendre des photos, ça n’était qu’un prétexte pour le laisser dans quelque chose qui pouvait lui plaire.

À ma question, Tae Woo répondit plutôt froidement que tout allait bien. C’était quelque chose à laquelle j’avais été habitué mais ça ne restait pas décevant quand il se remettait à faire des réponses courtes dans un ton qui n’exprimait rien d’autre que de l’ennui, alors que je faisais l’effort de lui faire faire une activité qui lui plaisait. C’était sans doute involontaire, je le concevais ; quand on était habitué à être impassible, ce n’était pas en quelques mois qu’on devenait le plus expressif des hommes. Mais même si la théorie le disait comme ça, puisque de nature, j’étais expressive, j’avais du mal à le concevoir et à ne pas être touchée par ça.

« Tant mieux, alors. »

Peut-être pour se rattraper ou peut-être sans aucune intention de le faire, il enchaîna sur une question à laquelle je ne savais pas quoi répondre.

« Je ne sais pas non plus, c’est la première fois que je viens ici. Mais il suffit de marcher, j’imagine qu’on verra par nous-mêmes ? »

Ou qu’on se perdra, c’est aussi possible. Si tous les murs sont les mêmes, avec le même blanc éblouissant, je ne garantis pas qu’on trouvera un chemin pour ressortir. Mais puisqu’il prenait des photos, peut-être qu’on parviendra à se diriger avec ça… Je remettais tout sur lui.

« Sinon, on peut peut-être demander à des gens ? »

Mais c’était un peu bizarre de demander son chemin dans un lieu rempli de touristes… alors que nous étions coréens.

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Ce lieu était vraiment fascinant. Tout était blanc, pur blanc. C'était incroyable. Mon envie d'en prendre une photo ne se fit par réprimer, et j'y obéis. Après être resté quelques minutes dans la même pose pour prendre la photo parfaite, je réussis enfin à la prendre et je fus satisfait. Je répondis non intentionnellement d'un ton neutre à Minah. J'avais toujours été comme ça, ce n'était pas vraiment contre elle que je répondais comme ça. Au fond, j'avais aussi répondu ainsi aux questions de Saehee, où à celles de mes meilleurs amis. Ils y étaient habitués, tout le monde y était habitué. Voir un Taewoo expressif dans ses mots, ce serait surprenant. Je me doutais que même si je changeais pour devenir quelqu'un de plus ouvert, ma façon d'être inexpressif serait toujours là. On ne changeait pas quelqu'un, j'étais né ainsi, je m'étais forgé ainsi, je ne pouvais pas changer les traits de caractère avec lesquels j'étais né. J'enchaînai sur une question par simple curiosité, comme j'étais fasciné par ce lieu qui semblait tout droit sortir d'un conte de fées. Certes, il était moins magique que ce que l'on pouvait voir dans les films, mais à mes yeux, il était magique à sa manière. Et personnellement, je préférais les lieux comme celui-ci que les châteaux dans les contes de fées. Il brillait à sa façon, il était spécial et original. C'était ce qui le rendait fascinant. Le travail des architectes était énorme, j'en étais émerveillé. A la réponse de Minah, j'acquiesçai. En marchant, on finira bien par trouver quelque chose... Il n'y avait que de cette façon qu'on pouvait découvrir les secrets de ce bâtiment de toute façon. Demander à des gens ? Je haussai des épaules. « On le fera quand on sera vraiment perdus... Pour le moment, ta première idée me semble bien. » Je me mis donc à marcher vers une direction au hasard pour aller découvrir quelque chose. Je maintenais mon appareil photo entre mes mains, attentif à ce que je pouvais prendre en photo. La décoration était vraiment belle... J'avais envie de prendre tout en photo. Nous tombâmes face à des escaliers, et je les grimpai petit à petit pour monter. Il n'était pas compliqué de deviner que j'étais totalement admiratif face à ce lieu, comme un enfant qui découvrirait la vie. Arrivé vers le milieu de l'escalier, je tentai de prendre une photo qui montrait la vue que l'on voyait d'ici. Il y avait énormément de monde en bas, j'avais l'impression de voir des points noirs bouger. En me voyant prendre des photos, on pourrait se dire que j'étais seul, ici. En effet, j'oubliais la présence des autres quand je prenais des photos, et Minah n'échappait pas à la règle. La seule façon qui me ferait me souvenir de leur présence était s'ils étaient aussi dans le cadre, ou l'objet que je prenais en photo. Cependant, ce n'était pas une séance pour prendre la modèle Minah en photo mais pour prendre Dongdaemun Design Plaza en photo, alors j'étais bien concentré. Encore une fois, je restai quelques minutes immobile à prendre la photo parfaite, puis me redressai quand ce fut réalisé. Satisfait, je ne lâchai cependant pas mon appareil pour continuer mon chemin.

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Puisque j’étais venue pour m’amuser aussi ici, je ne voulais pas me préoccuper vraiment des réactions distantes de Tae Woo. Je savais qu’il était comme ça naturellement, même si j’espérais qu’il change un minimum de ce côté-là, ne serait-ce qu’en ma présence. Je m’étais assez heurtée au mur qu’il avait construit pour en casser une bonne partie, mais je n’avais plus envie d’avoir à enjamber ce qui restait. Je voulais juste que ça disparaisse et qu’il vienne vers moi, lui, pour une fois. Qu’il vienne vraiment vers moi, pour moi, pas pour ce que je pourrais lui offrir en le faisant avancer vers le deuil, le vrai. Alors j’attendrai, que ce soit en vain, sans lui faire trop de remarque sur combien il ne se comportait pas correctement par moments – même si je le savais, parfois, les mots sortiraient seuls de ma bouche. Je n’avais pas pour habitude de me contrôler, après tout. Je n’avais aucun tact et il l’avait bien compris, après tout ce temps-là.

« Très bien, alors. »

Sans même jeter un regard en arrière vers moi, il se mit à avancer dans la direction de son choix et pendant quelques secondes, j’eus presque l’envie de prendre la direction opposée pour lui apprendre que ce n’était pas ainsi que ça fonctionnait. Cependant, d’une certaine façon, je craignais que ça le soulage plus qu’autre chose que je m’éloigne de lui et je ne voulais pas lui faire ce cadeau-là. Je l’observais marcher et je le suivais sans dire quoi que ce soit, en essayant de me concentrer sur l’architecture qui avait l’air d’être beaucoup plus bavarde que la personne qui m’accompagnait. Peut-être que l’emmener dans un lieu bondé avec l’excuse des photos n’était pas la meilleure idée, au final. Il avait juste l’air d’être là pour les photos, il ne donnait réellement aucune importance aux gens qui l’entouraient. Ce n’était pas l’objectif en se rendant ici, et ce n’était d’ailleurs pas le but d’un rendez-vous. S’il agissait ainsi à chaque fois qu’il sortait avec ses amis, je ne serais pas étonnée qu’ils ne l’appellent plus quand ils vont dehors.

« Yah, Tae Woo ! T’es pas en train de faire tes courses pour la semaine là, je te signale. C’est bien beau de prendre des photos mais il y a des gens avec toi. Si tu les ignores totalement, autant que je me barre et que je te laisse tout seul ici, parce que je sors pas avec des gens qui me foutent totalement de côté. Moi l’architecture, je trouve ça beau mais je serais jamais venue ici si c’était pas pour te faire plaisir. Je suis pas venue ici pour parler avec les murs. »

Qui pourtant, mériteraient peut-être plus mes conversations. Les murs, au moins, ils restaient immobiles avec moi.

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Lorsque j'étais plongé dans la photographie, ça restait difficile pour moi de m'en sortir. En général, je ne prêtais plus attention à personne et je ne voyais que mon objectif. Même mes amis les plus proches n'échappaient pas à la règle. Je me mettais simplement à être dans mon propre univers, à essayer de prendre la plus belle photo du paysage que je voyais. La photographie était un art, et l'art ne se maîtrisait pas en deux trois coups. C'était complexe, et tout discipline artistique apportait ses subtilités. On pourrait croire que prendre une belle photo était facile, mais ce n'était pas du tout le cas. C'était extrêmement dur. C'était pourquoi je mettais toujours toute ma concentration quand je prenais des photos. Mes amis les plus proches s'étaient habitués au fil du temps, mais je n'avais pas pensé au fait que Minah ne l'était pas, elle. Ce fut lorsque j'entendis soudainement mon nom que j'eus un sursaut, comme si on venait de me réveiller de mon monde. Je la regardai d'un air ahuri, avant de comprendre. « Ah... » laissai-je sortir de ma bouche, toujours un peu secoué. C'était vrai qu'on était censé passer du temps ensemble, c'était le but... Et puis, même si avant j'aurais tout fait pour qu'elle parte, maintenant elle ne m'était pas nuisible... Elle avait eu la gentillesse de m'emmener ici, je devrais faire des efforts de mon côté. C'était juste... que la photographie m'obnubilait un peu trop. « Pardon... J'ai tendance à rentrer dans une bulle quand je prends des photos. » Cela faisait qu'en général, j'allais prendre des photos seul, pas accompagné de quelqu'un d'autre. Sinon, c'était moi qui prenais tout le temps des photos et quelqu'un qui se contentait de me suivre. Autant qu'il reste chez lui. « Enfin, si tu voulais parler, avec tout ce bruit autour, je suis pas sûr que venir ici ait été une bonne solution. » ajoutai-je, pas très certain de comprendre comment un lieu avec autant de monde pouvait donner de bonnes discussions. Mais il n'empêchait que j'avais envie de prendre plus de photos de ce lieu. Or, je ne pouvais pas laisser Minah de côté comme je l'avais fait, il fallait que je fasse des efforts. Qu'est-ce que je devrais faire ? Je fis mine de réfléchir pendant quelques instants, avant de trouver une solution. Ça ne me ressemblait pas tellement, mais il fallait bien que je fasse des efforts... « J'ai une idée : je peux te prendre en photo avec le paysage. Comme ça tu ne te contenteras pas de me suivre, je prends toujours des photos de l'architecture et personne s'ennuie. » Je prenais très rarement des personnes en photo. Ce n'était pas spécialement parce que je n'aimais pas en prendre, mais que je préférais les photos où l'on pouvait ressentir un calme et se sentir apaisé en voyant la scène. Alors, oui, c'était un effort que je faisais. Un effort que Minah ne remarquera peut-être pas, mais ce n'était pas très important. Je ne voyais pas d'autres solutions si je voulais continuer à prendre des photos, de toute manière.