Alors que mes interrogations tu répondais, ma tête, elle, se mit à se mouvoir en douceur de droite à gauche. Tu pouvais parler, je n’étais d’accord avec ce que tu disais, ou plus précisément, je m’étais, une nouvelle fois, mal fait comprendre alors je désirais te stopper dans ton interprétation avant qu’elle ne trouve place définitive dans ton esprit. « Non, non, non, je veux au moins éclaircir ce point. » Si de ton côté, tu avais réussi à mettre à plat toute possibilité de regard superficiel sur ma personne, à mon tour, je voulais balayer cette idée de ta tête. Au moins celle-ci puisque les autres, à l’instar de mon goût pour la drague, ne semblaient pouvoir s’atténuer malgré mes tentatives d’explications. Mais avant, voilà que tu demandais si le jeu nous devrions continuer. A voir comme il tournait, probablement qu’arrêter était la meilleure solution, bien qu’une pointe de déception se faisait sentir en me rendant compte qu’une fois encore, j’avais failli dans mon objectif. « On va trouver autre chose… Ou t’es peut-être fatiguée ? » Depuis le temps que nous parlions, avec l’alcool que tu avais bu, peut-être désirais-tu aller dormir ? A présent attentionné, j’en oubliais presque mon désir d’éclaircir le sujet précédent ; jusqu’au moment où tes lèvres rentraient dans mon champ de vision. Tout me revenait alors en mémoire. « Ah mais avant. Quand je parle de « par surprise ». Je veux vraiment dire « par surprise », quelqu’un qui n’est pas censé le faire, qui n’a pas de raison de le faire… On a fait des jeux et des défis, c’était… c’était envisageable que ça arrive au moins une fois dans la journée. C’est différent. Vraiment. » Me croirais-tu rien qu’un peu ? Mes mains se levaient dans les airs, s’agitant à la négative alors que ma tête suivait, plus lentement, leur mouvement. « J’ai vraiment pas pensé à toi en le disant ! Yah.. Tu commences pas à me connaitre un peu ? Tu crois pas que si je voulais te montrer du doigt, je t’aurais taquiné en le disant ? » Mes sourcils s’haussaient à mesure que les syllabes passaient mes lèvres tandis que mon expression toute entière affichait le doute qui m’habitait. N’était-ce pourtant une évidence me connaissant ?

Fatiguée, sans doute l’étais-je. D’un point de vu physique momentané, mais surtout moralement de manière latente. Un désarroi face auquel je luttais quotidiennement. Que je combattais à chaque instant afin de ne rien laisser paraître. Mais à toi, je te l’avais montré. Ce jour-là. Mes faiblesse, mes blessures et mes larmes avaient été exposées ton regard. J’étais triste de l’avoir perdu. Triste de ne plus réussir à l’aimer. Dans mon coeur, je portais le deuil de cet amour rongé par l’infection. Alors oui, j’étais fatiguée mais souhaitais-je pour autant dormir ? Que me réserverait cette nuit le monde des songes ? À condition que derrière le rideau de mes paupières, j’en trouve le portail d’accès.

Un soupire m’échappait. J’ignorais si tu étais piètre menteur ou mauvais orateur. Je n’avais de raison pas plus que je n’étais censé le faire, malgré ce que tu prétendais. À moins que du fait des défis, toi, tu y avais pensé au préalable. Envisageable que cela arrive au moins une fois dans la journée… Nous étions vraiment si différents. Sans doute n’avais-je le droit de te jeter la pierre. De nous deux, j’étais la coincée, la rêveuse niaise qui donnait un sens particulier au fait de s’embrasser. Pour toi, comme pour nombre, les dérapages comme ceux de la journée au parc n’avaient rien de bien importants. Insignifiants. Mais, je devais l’avouer cela m’arrangeait. Un peu. J’aurais été bien embarrassé que tu sois homme à espérer, à attendre un nous au lendemain d’une journée d’égarement. Mais toi, tu ne voulais surtout pas de ça, n’est-ce pas ? « J’ai arrêté de croire que je pouvais connaitre les gens… » soupirais-je en réponse à ta question. Je refusais de m’ouvrir par le passé afin de ne pas être trompée. Lorsque je l’eus fait quelques temps après mon arrivée à la Yonsei, cela ne manqua pas d’arriver. Pire que d’être bernée en amitié, je ne savais plus quoi penser de ma relation amoureuse récemment terminée. Ma seule certitude demeurait ô combien je l’avais aimé. Au point sans doute d’avoir été totalement aveuglée. Lasse, je me laissais alors tombée sur le côté, la tête reposant désormais contre l’oreiller. D’une main, je déplaçais le support du téléphone afin de continuer à en voir l’écran, de l’autre, j’accueillais notre chaton venu se blottir contre moi. En vérité, je ne savais plus que dire. J’espérais juste que tu ne verrais pas la larme qui s’était formée au coin de l’oeil et coulait à présent le long de ma joue.

Alors que je tentais de m'expliquer, de te voir positiver,  j'eus la désagréable sensation que tout l'inverse s'opérait. Ton expression, tes mots, ton souffle et cette chute dans ton matelas... était ce la fatigue qui te rendait ainsi? Car à ma question, je n'avais reçu réponse, je ne pouvais alors que spéculer sans fin sur l'avancement de ton épuisement. Le silence s'installait un instant, de mon regard inquiet et triste je te couvais. Je ne voulais que tu essaies de me comprendre ou même avoir la sensation que tu me connaissais, je ne voulais te décevoir, pourtant c'était bien la seule solution qui naissait dans ma tête. Sur mes lèvres je posais mon index, pensif. Je ne pouvais véritablement te remonter le moral à distance, chanter, danser... tout ça,  tu l'avais déjà vu il n'y avait pas si longtemps, l'effet serait alors atténuer. Qu'avais-je d'autres à te proposer? Après une courte réflexion,  des doigts je claquais,  de la main gauche bien entendue et du portable je me saisissais, retour sur le ventre et le nez dans les draps. « T'aime bien les jeux? » Demandais je dans un premier temps avant de préciser ma pensée. « Les jeux ordinateurs. » Une idée j'avais, mais dans ma chambre tu devra t'aventurer pour cela...

Cette larme, je la sentis rouler mais je ne fis de geste pour l’essuyer dans l’espoir de ne pas attirer ton attention sur cette perle de sel. Comprendrais-tu comme je souhaitais que tu ne fasses de remarque si tu la voyais. Peut-être ou peut-être ne l’avais-tu tout simplement pas vu passer. Je pouvais aussi compter sur ton esprit embrouillé par tout l’alcool que tu avais ingéré. D’ailleurs sans doute le mien réclamait d’autant plus après le sommeil en conséquence de la vodka et de la bière. Un instant, mes paupières s’abaissèrent avant de se rouvrir, une seconde plus tard. Par réflexe à moins que ce ne fut le son de ma voix qui réveilla mon attention. Des jeux d’ordinateur ? Bien que faible, je fronçais les sourcils. « Je dois te le dire en quelle langue ? » marmonnais-je. Si le coréen, le chinois ou encore l’anglais ne suffisait, malheureusement, mon français ne s’avérait pas assez développer pour te le dire dans cette langue. « Je ne connais rien aux jeux vidéos, sur ordinateur ou console, et n’y ait presque jamais joué… » soupirais-je. Mes yeux se fermèrent à demi. « Pourquoi ? » Ils se rouvrirent fixant l’écran, tandis que d’un geste doux et répétitif je caressais la petite boule de poils lovée contre ma poitrine.

Assistais-je à la scène la plus adorable de toute une vie ? Sous mes yeux encore attentifs malgré l’alcool et l’heure avancée –bien que certainement pas assez pour déceler la perle secrète qui glissait sur ta peau–, les tiens se fermaient, se rouvraient, semblaient papillonner au fil des secondes dans une lutte pour rester réveillée. De cette vue je me délectais dans une infinie douceur, confortablement installé dans la parure de lit qui n’était mienne et instinctivement, étirant mes lèvres, un timide mais instinctif sourire prenait forme. Les tiennes se mettaient en mouvement pour m’offrir une réponse faible, m’offrant le son de ta voix ô combien épuisée. Ne t’avais-je dit de dormir tout à l’heure si tu étais fatiguée ? Mais voilà que tu t’étais poussée jusqu’à t’endormir au téléphone, à moins que l’alcool ni soit pour beaucoup ? Je ne savais véritablement encore. « Pour te proposer un moyen de te changer les idées… mais à voir comme t’es fatiguée, je serais d’avis de remettre ça à plus tard. » A la différence de ton sommeil, le jeu pouvait attendre ; voire celui-ci tu ne serais probablement pas même obliger de faire si l’envie tu ne ressentais. « Endors-toi et fais de beaux rêves. » Des mots que je soufflais avec douceur pour ne te tirer des bras accueillants de Morphée. Si je n’étais parvenu à te sortir de tes idées noires cette nuit, j’espérais qu’au moins, dans ton sommeil, celles-ci tu parviendrais à chasser.

Un jeu d’ordinateur pour me changer les idées ? À cette heure-ci ? L’idée ne me séduisait guère. De plus, je n’avais ce qu’il faut dans ma chambre à ta différence. Si je n’avais d’intérêt pour ce sujet, je refusais cependant de m’abandonner au sommeil comme tu le préconisais. Je n’avais pas envie de raccrocher.  « Je ne dors pas… » Jamais un mensonge n’avait été aussi vrai. Littéralement, je ne dormais pas, pas encore. La tête reposée contre le moelleux de mon oreiller, mon corps et mon esprit réclamaient tant à sombrer au pays des songes. Je m’efforçais de garder les yeux ouverts et m’exprimais d’une bien petite voix. « Mais je n’ai pas envie de jouer à un jeu vidéo. » Le mot stupide manqua à ma phrase. Bien que la pensée fut là, sa prononciation fut interrompue par la menace d’un bâillement impromptue que j’étouffais. Malgré la main montée devant ma bouche par précaution, j’espérais que tu ne le remarquerais. Sans doute me leurrais-je, déconnectée d’une certaine conscience de la réalité. Et mes paupières m’attaquaient en traitre, n’ayant de cesse de vouloir s’abaisser afin de faire tomber le rideau sur cette journée, cette nuit, cette conversation. Les yeux à moitié fermés, je murmurais : « Et quel intérêt de jouer sans toi ? » Une pensée émise dans un souffle inconscient, discret mais néanmoins audible. Sans dire que je m’y adonnerais une seconde fois, après l’expérience de la salle d’arcades pour ton anniversaire, si je le faisais un jour, je n’imaginais pas le faire avec quelqu’un d’autre à côté. Et certainement pas seule face à l’écran. Non à ce genre de jeux à mes yeux n’avaient de potentiel intérêt qu’à travers à un moment passer à deux, physiquement et non virtuellement.

Contre les draps je reposais le portable, m’assurant de pouvoir te voir tout autant que tu parvenais à le faire me concernant. Ainsi, les deux mains libres, celles-ci trouvaient refuge de part et d’autre de l’oreiller contre lequel mon visage avait élu domicile ; esquisse d’une étreinte que je désirais t’offrir, sans pouvoir ni la clamer ni faire ni même y songer. « Tu dors pas encore tu veux dire ? » Tout ton corps réclamait sommeil, tes yeux peinaient à rester ouvert et ne parlons pas du –et éventuellement « des », sachant comme d’autres suivront certainement– bâillement que tu retenais de ton mieux mais que je percevais malgré tout. Ce fut d’ailleurs par ta faute que l’un d’eux m’échappait pour mourir contre le tissu qui cachait une partie de mon visage jusqu’à présent. Par la suite, je m’y blottissais un peu plus encore, cachant, volontairement cette fois, mes joues que tu teintais de rose à la formulation de cette question rhétorique. Je ne m’y attendais, je n’y avais pensé, mais visiblement, ce jour-là, tu en gardais un bon souvenir. « T’aime bien jouer avec moi ? » Tant de douceur dans mon timbre de voix, une fluidité dans mes paroles afin qu’elles puissent te bercer plus qu’elles ne pourraient t’éloigner du sommeil.  « T’as envie de recommencer un jour ? » D’un regard tendre je te couvais, t’accompagnant dans ton sommeil comme je le pouvais malgré la distance et ton entêtement à ne vouloir admettre ta fatigue plus qu’évidente pourtant. Sans doute, qu’encore une fois, ce qui s’offrait à mes yeux devait être passé sous silence ? Un secret que je garderais précieusement et égoïstement…

Obstinée de nature, je persistais dans une lutte pourtant perdue d’avance. Je n’avais plus guère d’armes pour repousser Morphée, à l’exception du son de ta voix. « Je n’ai pas dit ça… » Je n’ai pas dit que j’aimais jouer avec toi. Et je ne prononçais non plus le contraire. C’était lâche de me poser pareilles questions momentanément. Entre la fatigue et l’alcool mon esprit s’avérait aussi embrouillé qu’il pourrait être un peu trop franc. Or, il y avait des secrets que je ne pouvais t’exprimer. Des pensées à propos de ce que je ressentais. Pour toi. Ce bourgeon de fleur qui avait peu à peu muri au fil des messages que nous avions pris l’habitude d’échanger suite à cette journée partagée au parc d’attractions. Je savais cette étincelle folie. Je la doutais non réciproque et née de manière inappropriée à cause de questions que ton attitude avait engendré. Alors que toi, tu n’avais fait qu’agir à ton habitude : avec insouciance et sans la moindre idée des conséquences. En l’occurence, celles de troubler mon coeur. « Juste que si je joue, c’est bien pour toi, » murmurais-je à demie voix tandis que le sommeil me gagnait de plus en plus. Nul avant toi n’était parvenu à m’initier aux jeux vidéos avec lui. Une expérience que je ne regrettais car de cette sortie aussi anodine et ridicule – comme idée de ma part – que peu ordinaire pour moi, je gardais un agréable souvenir. Un autre de ces bons moments que nous avions vécus ensemble. « Si tu veux… » soufflais-je, les yeux clos. « Si tu veux qu’on recommence, alors pourquoi pas. » Personnellement, l’envie ne me viendrait, du moins pas pour moi, mais si tu me le demandais, si c’était pour te faire plaisir, j’accepterais.

Je ne savais ce qui me poussait à te garder en ligne malgré ton état, je ne voulais raccrocher mais je voulais que tu t’endormes, tu en avais besoin plus que tout autre chose. Mais raccrocher, j’en étais incapable encore. Comme si j’avais besoin de m’assurer que tu dormirais profondément pour pouvoir partir sereinement retrouver mes amis, ou plus exactement : plus ou moins sereinement. Je ne savais si tu avais poussé le pack de bière loin de toi, ta bouteille où était-elle ? Et à dormir par-dessus les couvertures, n’allais-tu attraper froid ? Je ne pouvais prendre soin de toi, mais je le désirais si ardemment, plus sincèrement que toute autre personne sur Terre. A l’exception près de tes parents probablement. « La prochaine fois faisons quelque chose que tu aimes… » Tu semblais vouloir me faire plaisir alors n’était-ce un juste retour des choses ? J’aspirais à voir tes pupilles briller de passion, bouger vivement sous l’exaltation ; te voir vivante et heureuse, tout simplement nageant dans le bonheur. Etait-ce possible ? Rien que quelques instants. « J’ai envie de te faire plaisir aussi. » A mes yeux, cette phrase sonnait tantôt en remerciement pour cette soirée où nous avions joué ensemble, tantôt comme un aveu ; celui que ton bonheur m’important. « T’as posé ta bouteille sur la table de chevet ? » Sentir l’alcool était une chose, un lit imbibé de celui-ci… Je n’étais certain que l’idée sache t’attirer, alors je préférais prendre mes préoccupations et quérir quelques informations sur l’état général de la situation dans ta chambre. Je ne pourrais rien faire, mais au moins, peut-être une chose ou deux  arriverais-je à te voir éviter dans ton état.

Je sombrais peu à peu et m’éloignais du monde des éveillés. Tes paroles j’entendais à peine. Un bourdonnement que je ne distinguais clairement. Quand bien même les syllabes se formaient bien à mes oreilles, leur sens ne faisait plus que m’effleurer. Je remarquais néanmoins l’intonation d’une question. « Hum ? » Je forçais alors pour la répéter dans ma mémoire afin de la reconstituer. La bouteille ? Qu’en avais-je fait ? Sur la table de chevet ? Ah oui, c’était ça. Cela devait être ça. J’ouvrais une infime brèche à la clôture de mes paupières afin de vérifier. « Humhum… » marmonnais-je en guise de réponse positive accompagnée d’un infime mouvement de tête ressemblant fort à l’expression de mon désir de me lover encore plus profondément dans l’oreiller plutôt qu’un acquiescement. Ce dernier je formulais néanmoins par un mot : « Oui… » Un murmure soufflé entre mes lèvres entrouvertes tandis que mes yeux eux demeuraient parfaitement clos. Je ne me sentais plus la force de les ouvrir, ou même de bouger rien qu’un cil. Pourtant, je le devrais. Plutôt que de laisser la bouteille ouverte sur ma table de chevet et le pack au pied de mon lit, je devrais les ranger. Je devrais me lever pour me changer, nettoyer mon visage, mes dents…etc. Puisqu’au téléphone, je n’avais rien fait de tout ceci. Pas même je ne jouissais actuellement de la chaleur de ma couverture. Pas grave, je n’avais pas froid. Et puis, je ne pouvais pas avant d’avoir fait toutes ces taches énoncées dans mes pensées. Un discret soupire, j’abandonnais la lutte. « Juste deux minutes… » Je réclamais autant que je m’accordais de fermer les yeux deux minutes. De m’assoupir durant ce court laps de temps. Juste un peu de répit et ensuite, je me réveillerais. Je me lèverais. De toute façon, en cet instant, je ne me sentais même plus l’énergie de tendre le bras vers le téléphone pour raccrocher. Mais inutile puisque dans deux minutes, j’ouvrirais à nouveau les yeux. Et si tu ne pouvais patienter, alors tu n’avais qu’à le faire : raccrocher.