M’écoutais-tu encore rien qu’un peu ? Je ne pouvais retenir le léger rire qui passait mes lèvres en te voyant ainsi marmonner, bouger mollement la tête, le tout les yeux toujours clos car incapable de les rouvrir. Je ne te dérangerais plus longtemps de questions, vers le sommeil je te laissais sombrer en toute quiétude sous mon regard attendri. A l’instar d’un chaton s’endormant face à moi, d’un chiot me faisant des yeux brillants, tu étais adorable. Une femme à la fois si forte et pourtant qui semblait si fragile en même temps lorsqu’elle se laissait aller. Etait-ce là ta vraie nature, celle d’être un véritable petit chaton, à l’instar de celui qui était blotti contre toi pour t’accompagner au pays des songes. Quelques instants j’attendais que tu t’endormes véritablement, qu’enfin, tu ne réfute cette phrase qui passerait mes lèvres tout en espérant que tu ne te contentais de fermer les yeux pour te reposer. « Dors bien.. » Un souffle tout bas, tout juste assez fort pour te parvenir dans une caresse afin que tu parviennes, effectivement, à passer une bonne nuit. Bien que ut semblais dormir, je n’arrivais à raccrocher, encore un peu… Juste un peu, te voir dormir ainsi, était-ce mal ? Etrange ? Mais si tu venais effectivement à te réveiller après quelques minutes, ne serais-tu pas déçue de voir que je ne t’avais attendue comme tu semblais le vouloir ? Alors j’utiliserais cette excuse, celle-ci mêlée au temps que je ne voyais passé pour veiller sur ton sommeil encore quelques instants.

Deux minutes, c'était tout ce que je demandais. Deux minutes au risque que celles-ci ne révèlent être des heures. Malgré la conscience de cette réalité, je continuais de me convaincre du contraire. Que dans un peu plus d'une centaine de secondes, je parviendrais à rouvrir mes paupières alourdies par l'alcool. C'était trop tard. Un pas de trop j'avais fait au bord du gouffre. Dans les abysses du sommeil je tombais, sans nul branchage auquel me rattraper. Je le savais inexorable, et j'aurais pu raccrocher mais plus encore que mon corps n'en trouvant la force, ce fut mon coeur qui n'en éprouvait l'envie. De mes lèvres scellées, ces mots je ne souhaitais prononcer. Tant que tu étais là, même à distance, l'ombre de la solitude tu repoussais. Grâce à cet halo de lumière qui émanait de l'écran, à ta présence, je pouvais m'enfoncer jusqu'aux portes du pays des songes en toute quiétude. Caressée par un sentiment si doux. Un instant, je me surpris l'envie de me trouver dans tes bras. Qu'une nouvelle nuit nous partagions les mêmes draps. Ainsi pourrais-je m'endormir enveloppée par ta chaleur et bercée par les battements de ton coeur...

Oui, c'était un doux rêve, je crois. Et puisque que ce n'était qu'un rêve qui resterait à jamais irréel et secret alors, j'en avais le droit. De m'assoupir le coeur paisible et flottant allègrement à la pensée d'être amourachée de toi, je me le permettais.

De ce sommeil je ne me réveillerais avant que ces minutes pernicieuses ne soient transformées en de longues heures...

Peu à peu, sous mon regard voilé de douceur un chaton s’enfonçait dans les bras de Morphée. Les secondes se succédaient, les minutes ne tardaient à s’accumuler et pourtant, nulle trace de ton réveil. Ainsi notre appel se terminerait, certainement, la fin la plus simple pour nous deux. Je n’arrivais à prononcer ces mots, tu ne semblais avoir souhaité le faire également, sans doute que l’un de nous s’endorme était la solution la plus efficace. Une fois certain que vers le pays des songes tu te dirigeais –à moins que tu n’y étais déjà parvenu ? –, sur ce logo rouge j’appuyais pour qu’enfin l’appel puisse prendre fin. Disparait alors ton doux visage pour laisser place au temps que nous avions discuté, de longues heures que je n’avais vu passer ; avais-tu conscience du temps que nous avions partagé ensemble ? Assurément je ne le regrettais, tout chez moi affichait un bonheur aussi idiot que simple à l’idée même d’avoir pu autant discuter avec toi ; sans doute, était-ce ce qui me trahirait auprès de mes amis ? Si la plupart d’entre eux était totalement raide, d’autres –plus résistants ou moins consommateurs– sauraient voir ce changement significatif chez moi ; ceux-ci même qui ne sauraient rester muets. Ceux qui, doucement, me sortaient de ce rêve dans lequel ton existence me plongeait pour affronter une réalité à laquelle je désirais échapper.

Pourtant, aucun de nous n’était parvenu à le deviner : ce dont demain serait vraiment fait.