Certains mondes font rêver, certains passés donnent naissances à des rêves étranges, inavouables. Ils ne se réaliseront jamais mais ils referont surface lorsque l’on ferme les yeux et qu’on plonge dans notre sommeil…

hanbok + Je marche dans la longue allée, le silence m’entoure comme toujours dans ces lieux où c’est la seule musique que l’on perçoit. Je marche, perdu dans mes pensées, je suis concentré sur ce qui se passe autour de moi. Je suis un prince, un futur roi et je serais celui qui digère le pays, Goryeo. C’est une responsabilité qui m’a longtemps fait rêver et je n’en suis pas très loin. Je n’abandonnerais jamais ce rêve, je ne le laisserais jamais s’échapper au détriment de mes frères. Je sais que j’y arriverais, je rendrais mes parents fiers et c’est d’ailleurs vers ceux-ci que je me dirige, vers le trône où un jour je siègerais. Je sens en moi une paix intérieure intense, j’ai longtemps quitté le pays pour la guerre, délaissé le peuple pour me concentrer sur les terres à conquérir. Je veux ce qu’il y a de mieux pour le pays. Je repartirais en guerre autant de fois qu’il le faut si c’est pour mon pays. J’entre alors dans la pièce où il m’attend et je m’agenouille devant le trône pour écouter ce que mon père a à m’annoncer.

-Mon fils. Une diligence va arriver aujourd’hui venant d’un pays lointain. Ils viennent pour des négociations très importantes. Leur dirigeant vient avec sa fille, je compte sur toi –en tant que futur roi de notre pays- pour l’accueillir comme il se doit.

Je hoche la tête, mon regard est sérieux, je sais ce qu’il attend de moi malgré qu’il me connaisse très bien. Je ne suis pas très social, les jeunes femmes me regardent comme le prince Kwang Min froid, distant, renfermé. C’est certain que si je me marie, ce ne sera que par un mariage arrangé, je ne crois pas pouvoir connaître le mariage d’amour comme mes parents l’ont vécu. Je me lève une fois qu’il me congédie. Ils peuvent arriver n’importe quand, ils pourraient même déjà être là… Souris, sois agréable… Surtout, ne sois pas toi-même. Je soupire, ce n’est pas si simple que ça… Je prends le chemin de l’entrée, je ne sais pas ce qui m’attend. Les yeux baissés sur le chemin, je ne vois pas la silhouette qui s’approche. Je la bouscule alors et me retourne immédiatement, les sourcils froncés et le regard sombre. Je croise alors un regard bleu et je me fige, n’ayant jamais vu de pareils yeux auparavant.

-Je… Bonjour, vous devez être la fille du dirigeant étranger ?

Niveau accueil, je m’en sors plutôt pas mal… Pour ne pas avouer que je suis une catastrophe. Aussi froid qu’un glaçon, je n’ai même pas un sourire aux lèvres. Mais ce n’est pas sans sentir mon cœur rater un battement face au bleu de ses yeux. Mais je n’oublie pas les mots de mon père qui pourtant n’auraient pas raison d’être en me connaissant : J’ai déjà prévenu tes frères. Vous ne pouvez pas vous lier d’amour avec l’étrangère…

Dress + Quel long voyage. Je n'en voyais pas le bout. Malgré que le paysage était plaisant à regarder, je trouvais le temps long et mon père devait s'en douter car il prit la parole. Il me parla de la famille qui va nous accueillir et de ses négociations importantes. Lorsque j'entendis le mot négociations, je fus surprise et le regarda avec attention. Mais il me rassura, automatiquement, en me précisant qu'il ne s'agissait pas de mariage. Que nos hôtes refusaient une telle alliance malgré le fait qu'ils aient plusieurs fils. Je fus d'autant plus surprise.

- Ils ne savent pas ce qu'ils manquent. Nous ferions une bien belle, belle-famille.

Je souriais doucement à mon paternel. Je savais bien qu'il n'était pas d'accord non plus. Je suis sa seule fille. Sa seule enfant. Et depuis le décès de ma mère, il veillait sur moi comme sur son plus grand trésor. C'est la raison pour laquelle il a souhaité que je l'accompagne. À moins qu'il avait une autre idée en tête. Je ne serais pas étonnée, le connaissant. La fin de notre voyage fut, donc, plus agréable. On discutait, gaiement. Il réussit même à me faire rire et me complimenta sur ma beauté lorsque j'étais si heureuse. Je lui adresse, alors, un dernier sourire avant que notre diligence s'arrête. Nous y sommes et j'ai quelque peu hâte de rencontrer les dirigeants de cet endroit si différent. Je descends alors et regarde tout autour de moi. Je tourne légèrement sur moi-même. J'aime déjà ce lieu et je demande l'autorisation à mon père pour aller me promener. Il n'eut pas vraiment le temps de me répondre que j'étais déjà partie. Je le sais que je dois calmer mon impulsivité mais comme le disait ma mère, c'est ce qui me rend si charmante.

Perdue dans mes pensées, je fus brutalement ramenée au présent par un homme qui me percuta. Je me tourne pour lui faire face et connaître l'identité de mon agresseur. Je comptais exprimer mon mécontentement mais le visage qui se présenta à mes yeux calma ma colère, instantanément. Je fus surprise de la beauté de celui qui m'annonçait la bienvenue et je ne pus m'empêcher de lui adresser mon plus beau sourire. Je ne devrais pas être aussi entreprenante mais c'est plus fort que moi.

- Bonjour ! Dis-je, en continuant de sourire. C'est exact, et vous devez être l'un des fils du dirigeant de ces lieux ?

J'étais curieuse. Je souhaitais connaître son identité. Même si je m'en doutais un peu. Il présentait si bien qu'il ne pouvait être qu'important pour ce pays et ce peuple. Et si je venais à me tromper, alors je me promettais de faire bien plus ample connaissance avec lui. Après tout, il m'est interdit de communiquer plus que nécessaire avec les princes mais pas avec leur peuple.

hanbok + Ce n’est pas difficile de deviner qu’elle ne vient pas d’ici. Je la regarde avec attention, sa tenue n’est pas commune, elle est même très étrange et je suis intrigué. Elle porte une robe comme je n’en ai jamais vue auparavant, il n’y a pas beaucoup de contact avec les pays lointains, je n’en sais donc que très peu de choses et je découvre seulement aujourd’hui comment les jeunes femmes se couvrent là-bas. Je hoche alors la tête à sa réponse et lui fais un petit sourire, je ne dois pas oublier que mon père m’a demandé d’être accueillant après tout.

-Oui, je suis le fils aîné du Roi et son héritier. Je me nomme Kwang Min et vous?

Je m’incline comme la politesse l’exige dans nos contrées et me redresse en observant longuement mais sans insistance la jeune femme. Ses cheveux ne sont pas noirs comme ceux des demoiselles de Goryeo. Nous avons pour la majorité les cheveux d’un noir pur et voir une chevelure aussi claire est nouveau. Je me tiens droit devant elle, portant avec fierté les origines de cet endroit sur mes traits. Je dois faire bonne figure, être agréable mais pas trop quand même. Je dois être professionnel, les sentiments ne peuvent pas être de mise, il n’y a que de la politique en jeu.

-Est-ce la première fois que vous voyagez? J’espère que votre trajet s’est bien passé.

Je l’invite alors à me suivre dans les allées de l’immense palais royal et je marche, les mains dans le dos et le regard droit devant moi. Je suppose qu’elle ne connaît pas les lieux, sachant qu’il est très rare de faire ce genre de grand voyage très régulièrement. Je reste silencieux quelques secondes, je ne sais pas trop comment réagir lorsqu’il s’agit de relation politique, c’est une chose que j’apprends encore. Je ne suis pas encore prêt d’être roi mais je compte tout faire pour l’être un jour. Je décide alors de m’intéresser à la jeune femme, pensant qu’il est préférable d’entretenir une relation amicale plutôt que gênante.

-Vous semblez parler très bien notre langue, l’avez-vous appris avant de venir ici?

Je suis curieux, j’apprends les langues avec beaucoup d’application pour plus tard pouvoir communiquer avec les pays étrangers tout comme mon père le fait actuellement. La communication devient de plus en plus importante et les négociations également. Je lui montre alors une allée adjacente et l’invite à passer avant moi.

-Si vous le permettez, je me ferais un plaisir de vous faire visiter les lieux.

Dress + Il ne semblait pas très à l'aise. Ou peut-être est-ce seulement leur façon d'être avec les étrangers. Même si j'avais conscience d'être bien trop ouverte, je m'attendais tout de même à un accueil plus chaleureux. Je laissai, cependant, ma déception de côté afin d'entamer une conversation avec ce prince.

- Enchantée de faire votre connaissance, mon prince ! dis-je en m'inclinant comme une femme de mon rang doit le faire. Je me prénomme Ella.

Je souriais. Encore et toujours. Hors de question d'arrêter mes habitudes. J'aime le fait de paraître accueillante et ouverte avec autrui. Et j'étais de bonne humeur. Alors pourquoi cacher ce sourire qui plaît tant à mon père ? J'aime l'idée d'être charmante. Encore plus devant le prince héritier de ce royaume. Je me devais de faire bonne impression. Mon père comptait sur moi.

- Je dois bien vous avouer que le trajet était assez long mais la destination finale en vaut le coup, finalement. Je suis agréablement surprise et fascinée par ce que je découvre !

Il m'invite à le suivre. Chose que j'accepte sans hésiter. Je marchais, donc, à côté de lui. Observant ce qui nous entourait. Curieuse et enjouée. Comme à mon habitude. J'espérais, juste, que mon comportement ne serait pas mal interprêté. Je suis ainsi naturellement mais vu que personne, ici, ne me connaît, j'avais quelques doutes. Je décide, alors, de me concentrer sur mon guide et le regarde tout en continuant de le suivre. Il me paraissait bien mystérieux. De ces hommes qui intriguent et que toutes femmes aimeraient avoir auprès d'elles. Obtenir son coeur doit être aussi compliqué que définitif.

- Je suis passionnée par les langues étrangères. J'apprends beaucoup auprès du professeur de mon père. dis-je, fièrement.

Il me propose, enfin, de me faire visiter les lieux et j'accepte avec grand plaisir. Rien de mieux qu'être guidée pour en apprendre davantage sur ce lieu. D'autant plus que passer du temps supplémentaire avec le prince héritier pourrait me permettre de le connaître un peu plus. Je pourrais, alors, peut-être percer son mystère...

hanbok + La jeune femme étrangère semble agréablement surprise par le pays dans lequel elle est à présent et c’est un plaisir d’apprendre que Goryeo est un endroit qui plaît même aux personnes qui ne viennent pas d’ici. Je sens dans mon cœur une sorte de calme alors que je devrais être nerveux puisque je suis en présence d’une étrangère, fille d’un dirigeant avec qui mon père négocie. Mais il n’en est rien malgré le fait que je reste assez poli et respectueusement distant avec la jeune femme mais c’est ainsi que j’ai été élevé et que je me suis construit. Je guide la jeune femme dans les allées du palais et hoche légèrement la tête.

-Votre chambre a été préparée, si vous avez besoin de vous reposer, je vous montrerais où elle se trouve.

Je déclare cela de façon assez impassible et commence alors à me renseigner auprès de la jeune femme pour apprendre à la connaître. Sa maîtrise de notre langue pourtant complexe est très aboutie et je suis moi-même surpris par ce fait, pensant que la discussion avec elle serait difficile, je me retrouve à avoir une conversation fluide et sans barrière de langue. La barrière qui se dresse entre nous est mon armure, cette paroi assez froide qui me sépare de tous ceux que je rencontre et qui ont fait naître toutes les rumeurs à mon sujet. Je n’ai pas envie que l’on me connaisse par cœur, ça n’a aucune utilité. Je suis populaire auprès des femmes autant qu’elles me fuient, je suis le guerrier attirant mais effrayant et c’est un rôle qui me sied à merveille.

-Nous avons un point commun alors. Les langues me passionnent également. Je vous complimente sur votre maîtrise de notre langue.

Je lui propose alors une visite du palais et elle accepte. Je l’emmène alors avec moi vers l’arrière du palais, là où se trouve un immense jardin décoré de centaines de plantes typiques de notre pays dans un décor de sérénité, de plénitude, de calme. Je lui présente alors les jardins royaux et nous y engouffre d’un pas peu pressé. Je regarde les arbres délivrant une douce odeur, les fleurs épanouies et l’ambiance s’en dégageant étant alors tout à fait apaisante.

-C’est l’un des seuls endroits où l’on peut être au calme dans ce palais. C’est ici que je passe le plus de temps. Je pense que vous pourriez également apprécier ces jardins.

Dress + J'aimais cet endroit. Bien plus que je ne l'aurais cru. Mon père se devait de négocier avec le sien. J'en avais bien conscience. Mais ma présence était inutile. Il souhaitait que je l'accompagne, simplement, pour veiller sur moi. S'assurer qu'il ne m'arrive rien pendant son absence. Et si j'ai accepté si facilement de quitter mon pays et mon peuple, c'est parce que j'avais une idée derrière la tête. Il est essentiel que je puisse parler au Roi. Je dois choisir le bon moment. Et pour l'instant, la seule activité utile que j'ai pu trouver est de visiter les lieux avec son héritier. Je souriais et acquiesçais à ses dires. J'étais quelque peu absente, à vrai dire. Je profitais bien plus du décor. Il ne réussit à m'intéresser que lorsqu'il parla d'un point commun. Intriguée, je me tourne face à lui, toujours avec mon fidèle sourire.

- Ma mère me répétait souvent que sans langage commun, les affaires ne peuvent être conclues.

Je souriais plus doucement, désormais. Le souvenir de ma mère me hante et me rends triste. Mais cette tristesse fut vite oubliée lorsqu'il me présenta leurs jardins. Mes yeux se sont, alors, mis à briller et mon sourire devint plus éclatant. C'était tout bonnement magnifique. J'aimais cet endroit autant que je pouvais aimer ma propre maison. Émerveillée, je m'avance jusqu'aux fleurs que je parcours du bout de mes doigts. Je finis, même, par me baisser afin de les sentir. La personne qui prend soin de tout ceci a beaucoup de goût. J'aimerais tant rencontrer cette personne.

- Chez moi, les jardins sont des méditations à ciel ouvert, des secrets révélés à qui le mérite. Dis-je, en tournant légèrement la tête pour le regarder. Saviez-vous qu'un cactus avait une fleur ? Au milieu de ses pics, se cache un cœur. Au même titre que vous et moi.

Je me tourne à nouveau en direction des fleurs et profite, une dernière fois, de leur parfum avant de me relever. Je regarde tout autour de moi, en tournant légèrement sur moi-même. Comment un tel paradis peut-il être possible ?

- Ce sont les premiers jardins que je trouve aussi sublimes. Celui ou celle qui s'en occupe est une perle rare. Prenez bien soin de cette personne !

hanbok +Je date ma dernière ballade avec une jeune femme d’il y a plus d’un an. C’était avec ma mère probablement, je n’ai pas d’autres connaissances féminines si ce ne sont les femmes de mes deux frères. Beaucoup d’entre eux sont du genre à courir après les demoiselles, ceux qui sont mariés ont également leurs maîtresses. Il n’y a dans notre pays aucune loi, aucune interdiction au sujet de la fidélité. Je comprends cela. Nous ne pouvons pas toujours nous marier avec celle que nous aimons, c’est le cas de mes frères alors, ils font de ces femmes leurs maîtresses. Je sais que je ne connaîtrais pas cette situation puisque je ne compte pas connaître l’amour. Mon mariage sera politique, mes enfants seront des héritiers, je n’ai aucun autre intérêt pour les femmes si ce n’est leur capacité à enfanter. J’écoute les paroles de la jeune femme et penche légèrement la tête, intrigué par sa réponse mais je n’en laisse pas trop paraître sur mes traits.

-Ce sont de sages paroles. Avez-vous des affaires à conclure, ma Dame ?

Je ne crois pas qu’elle répondra positivement à cette question, ce n’est pas le rôle des femmes. Dans notre pays en tout cas, ce n’est pas le cas. Nous ne considérons pas les femmes comme apte à faire de la politique. Les mères s’occupent parfois des affaires de leurs fils dans les hautes sociétés mais c’est encore rare. J’emmène l’étrangère dans les jardins du palais et la laisse découvrir les merveilles que peuvent faire pousser les terres de notre pays. Je l’observe alors qu’elle frôle les fleurs de ses doigts et s’abaisse pour les sentir. Je regarde à mon tour autour de moi, me sentant bien dans ce paysage qui me fait rêver comme il semble faire rêver Ella. Elle me parle des cactus et je secoue la tête pour répondre à la négation face à ce qu’elle m’apprend.

-Non. Je ne le savais pas. Nous ne faisons pas pousser beaucoup de cactus dans nos jardins.

Une fleur est donc cachée dans chaque cactus. Puis-je dès lors me comparer à cette plante étrange ? Je suis repoussant de l’extérieur, froid, lointain des femmes et peu galants auprès d’elles mais à l’intérieur, je ne suis pas ce que tout le monde voit. Je crois que personne ne le verra et je n’en ai pas besoin. Je ne ressens pas le besoin de dévoiler cette fleur en moi, encore moins de m’en séparer pour l’offrir à une femme. Je m’incline légèrement en signe de remerciement face aux compliments de la jeune femme et l’invite à continuer d’avancer.

-Nos jardiniers passent de nombreuses heures à soigner nos terres. Je leur ferais parvenir vos compliments, ils seront probablement ravis de les savoir.

Je l’invite à avancer et nous montons sur un petit pont en bois pour traverser le petit court d’eau qui parcourt l’endroit dans un bruit tranquille. Je perds mon regard dans l’eau paisible et m’arrête un instant sur ce pont. Je me tourne alors vers la jeune femme, mes mains toujours dans mon dos et ancre mon regard détaché dans le sien qui est en contraste avec moi une explosion de nuances de bleu. J’entrouvre mes lèvres mais mes mots n’ont pas le temps de dépasser mes pensées puisque quelqu’un nous rejoint sur le pont et je me tourne pour accueillir mon frère d’un an plus jeune que moi. Il arrive avec un sourire sur ses lèvres et un regard long vers la jeune femme à nos côtés. Il s’incline et se présente alors à elle.

-Bonjour mademoiselle. Bienvenue dans notre humble pays de Goryeo. Nous sommes enchantés par votre présence. Je me nomme Kwang So, je suis à votre service.
(Kwang So)

Dress + Il me demande si j'ai des affaires à régler et cette question me fit sourire. Il est perspicace. J'aimais cette qualité chez lui. Même si nous ne nous connaissions que depuis quelques minutes, j'avais l'impression de le connaître. Ou tout du moins, de commencer à le connaître. Est-ce qu'il serait prudent de lui répondre par la vérité ? Je ne connaissais pas assez bien le statut des femmes dans son pays pour être certaine de la réponse que je devais apporter. Et si je venais à me confier à lui et qu'il gâchait tout ? Non. Je ne peux pas prendre ce risque. Je n'ai pas fait tout ce voyage, en conservant tout l'espoir qu'il me restait, pour voir un prince tout réduire à néant. Je me devais de garder le silence et de ne pas relever. Il n'y fera pas attention. Il ne relèvera pas. De toute façon, jamais personne ne relève quand je ne réponds pas aux questions posées. À croire que les femmes sont dénuées d'intelligence et de bons sens. Je suis bien trop ouverte au monde et à la liberté. Voilà ce que ma défunte mère me répétait souvent. Mais est-ce une faute de croire en l'évolution humaine et en l'évolution de la femme dans la société et le règne d'un empire ? Je ne pense pas. Et alors que je lui montre, que je lui prouve même, mon intelligence et ma culture, j'apprends que c'est lui qui en manque. Il ne connaissait donc pas la particularité des cactus. Ce n'est pas très étonnant, de toute façon. Je l'ai moi-même appris dans les livres que mon professeur me permet d'avoir. Peut-être l'ais-je surpris ? J'espère, agréablement. J'étais satisfaite à l'idée d'avoir pu le surprendre, ne serait-ce qu'un peu et accepte de le suivre, une nouvelle fois. Il me mène, cette fois, jusqu'à un pont et alors que je pensais que nous allions le traverser sans difficultés, je le vis s'arrêter. Je fis de même et le regarde, alors. Nos regards se rencontrent et je fus comme subjuguée par les yeux qui me fixaient. J'avais la sensation qu'il souhaitait me parler, me dire quelque chose, mais un homme vint à notre rencontre. Nous sommes, alors, interrompus et je me tourne vers ce nouvel interlocuteur. Je fus comme arrêtée par le temps lorsque je vis la beauté de cet autre homme. Son visage. Son aura. Sa façon de se présenter. De me sourire. De m'accueillir. Tout me plaisait, chez lui. J'avais la sensation d'être enfin accueillie comme j'aurais du l'être depuis le début. D'être accueillie pour ce que je suis. Je souriais à cet homme qui était, sans nul doute, un prince lui aussi. Je dirais même le jeune frère de mon guide, si mon intuition est bonne. Je m'incline alors devant lui, tout sourire.

- Enchantée de faire votre connaissance, je me prénomme Ella. Dis-je avant de me pincer, légèrement, la lèvre. Merci de cet accueil.. si chaleureux !

hanbok +Je n’ai aucune envie de voir mon frère nous interrompre, interrompre ce moment privilégier que je passais avec l’étrangère nommée Ella. Je salue tout de même So et quand je regarde Ella, je la vois subjuguée par l’intérêt que lui porte mon frère. Il n’est pas étonnant qu’elle le préfère à moi. Je suis le frère sombre du royaume et malheureusement pour mes frères, j’en suis aussi l’héritier. Je le regarde longuement, sans sentiment. Mon jeune frère a toujours su comment plaire aux femmes avec ce sourire, ces fossettes et cette façon de parler aux jeunes dames. C’est ridicule à mes yeux, je le trouve toujours ridicule. N’a-t-il pas écouté les dires de notre père ? Plaire à la jeune femme nous a été interdit mais je connais Kwang So et sait qu’il ne peut pas résister à de doux yeux, encore moins si ceux-ci sont bleus. Je regarde Ella et pince les lèvres, prenant sa remarque sur l’accueil de mon frère un peu comme une comparaison avec le mien. Je secoue un peu la tête avant de sourire légèrement, pas un sourire sincère, plutôt un sourire… ironique. Je ne comprends pas comment j’ai pu croire qu’elle puisse avoir un intérêt pour moi. C’est simplement parce que je suis le premier à avoir croisé sa route. Elle n’a pas vraiment eu le choix à part rester avec moi. Je pensais avoir fait un effort considérable en l’accueillant d’une façon qui me semblait pourtant correcte mais elle avait de toute évidence été déçue. Je secoue la tête, je n’ai rien à me reprocher et de toute façon, je ne devrais rien attendre d’une étrangère comme Ella. Elle est sûrement plus attirée par mon frère parce qu’une fleur magnifique est plus attirante qu’un cactus malgré la fleur qu’il cache. Je regarde mon frère sympathisé avec l’étrangère et je m’efface un peu.

-Excusez-moi, je vais devoir vous laisser. Je suppose que tu peux t’occuper de la suite de la visite, Kwang So ?

Celui-ci hoche la tête avec le même grand sourire et je regarde mon frère et la jeune femme. Je fais quelques pas en arrière toujours face à eux et regarde avec détachement Ella. Il vaut mieux qu’elle reste loin de moi de toute façon, je ne suis pour le moment que le chien de garde du Roi, celui qui part en guerre pour se salir les mains, celui qui fait fuir les gens de son futur peuple quand il revient sur son cheval noir tout comme sa tenue.

-Nous aurons l’occasion de nous revoir pour le repas, j’imagine.

Dress + Kwang So était à l'opposé de son frère. Cela m'amusait. Ils étaient si différents mais intéressants à leur façon. Le plus jeune prince savait y faire. Il était beau et bon parleur. Il doit, très certainement, avoir l'habitude de communiquer avec des femmes. Il doit, également, avoir l'habitude de leur plaire. Il doit être de ces hommes désirés qui désire autant qu'il puisse respirer. Il était charmant, cela va sans dire. Bien élevé et entreprenant. Mais il ne valait pas l'intérêt que je portais à son grand frère. Kwang Min avait des gestes aussi lents et déphasés que sa démarche. Ceux d'un homme que rien ne peut apparemment bousculer. Non pas parce qu'il est vigoureux, mais parce qu'il est ailleurs. Il me semble ailleurs. Il avait son rythme. Il semblait ne pas tenir compte de l'univers qui l'entourait. Ses yeux avaient du mal à rencontrer les miens et je me disais qu'il faisait tout pour retarder ce contact entre nous. Tout en lui respirait la distance, ou bien était-ce un reste de sommeil, ou encore était-il accablé par une sorte d'ennui, de gêne, d'interrogation sur le bien-fondé de sa présence en ces lieux, devant moi. Devant son frère. Sous des yeux dont la prunelle noire semblait sans cesse agacée, il avait des poches de chair rosacées et gonflées. Les rides se promenaient sur son front, ses joues et son menton, comme des rigoles de pluie sur une terre d'argile trop longtemps asséchée. Il se dégageait de ce beau visage ravagé par les nuits blanches une séduction qui n'était pas seulement due à ce que l'on pouvait savoir de lui, mais à son physique même. À ce que son physique exprimait. Mais peut-être qu'encore une fois mon imagination débordante, ainsi que mon romantisme, ont eu raison de moi. On ne me le dira jamais assez. Je me surprends à le regarder sans discrétion mais ce qui me surprends, le plus, est ce qu'il sortit.

- Ma compagnie vous déplaît-elle, pour fuir comme cela ?

J'ai posé cette question sans réfléchir. J'ai parlé avant d'utiliser ma réflexion et je le regrette, instantanément. Je n'aurais pas du lui parler comme je viens de le faire. Je me sens alors désolée et baisse la tête avant de m'incliner, légèrement.

- Pardonnez moi. Vous avez des occupations et c'est bien normal. Nous nous reverrons, sans aucun doute !

Je relève la tête pour le regarder. J'ancre, sans mauvaise intention, mon regard dans le sien et je lui adresse un léger sourire. Il ne va pas passer sa journée entière à me tenir compagnie. Il a des occupations et des responsabilités dignes d'un héritier. Je ne peux que comprendre cela.