« Salut Ye Won. C’est Il Kyang, je sais pas si tu te souviens de moi. Je me demandais si t’étais dispo ce week-end ? On aurait pu sortir boire un café si ça te tente. » je n’avais pas hésité longtemps avant d’envoyer mon message. Persuadé de ce que je voulais, je n’avais pas besoin d’y mettre une forme particulière. « Et si elle te dit non ? » je relevais les yeux vers Kitae, son sourire accroché aux lèvres alors que je grimaçais. Pourquoi elle me dirait non ? Ça s’était bien passé lorsqu’on s’était rencontré il y a de ça trois jours. J’haussais les épaules « Elle dira oui. » j’en suis convaincu parce-que il y avait ce « truc ». Mais ça, Kitae ne pouvait pas le comprendre. « Si tu te crois assez expérimenté pour me donner des conseils. » je riais à ma remarque, encore affalé sur mon lit tandis qu’il rangeait déjà nos instruments. Et d’ailleurs j’avais à peine le temps de me redresser que je recevais déjà la réponse tant espéré. « Ah ! Alors il dit quoi maintenant l’expert ? » Et parce-que j’étais plutôt fier de moi, j’agitais mon téléphone sous ses yeux pour lui montrer ce message si attendu…

« Il Kyang, tu descends pour manger ? » Agité, je saisissais mon téléphone et observais l’heure avant de me précipiter pour descendre les marches à toutes vitesses. « Où tu cours comme ça ? » « Pas le temps, je sors. » « Encore ? T’es rentré hier. » Fourrant mon portefeuille dans ma poche, je relevais les yeux vers ma mère impatiente. Elle était encore agacée, je le sais… comme à chaque fois que je partais en vadrouille avec Kitae. Mes parents et moi avions établis cette règle qui nous imposait à chacun de ne pas réellement parler de ce que je faisais loin d’eux. Une bonne manière d’éviter les désaccords et ce manque de maturité dont je faisais preuve selon eux. Je savais qu’ils se diésaient que ce n’est qu’une passade, que si j’avais mis les études de côtés c’était simplement pour mieux les reprendre plus tard. Et je n’avais jamais le courage de leur dire qu’ils se trompaient. Que ma vie c’était ça ! Partir pour jouer de la musique, voyager, me balader pour faire entendre ce que je savais faire et surtout ne pas être derrière un bureau. Et comme toujours lorsque je faisais l’effort de revenir, il y avait ce petit laps de temps où chacun de nous devait se réhabituer à l’autre. Au fond, ils ne me détestaient pas… ils étaient juste d’une autre génération. Elle poussait un soupir, laissait ses bras retombés et finit par lâcher « Bon, à ce soir alors. » Je déposais un bref baiser sur sa joue avant de lui accorder un sourire et partir en trombe. En réalité, j’avais rendez-vous avec la fille de l’autre soir… Ye Won… et j’étais déjà en retard. Je n’avais pas vu l’heure passé, enfin disons que j’avais surtout eut du mal à me lever ce matin. Et comme toujours je n’avais pas d’autres choix que de courir. Le moins que l’on pouvait dire c’est que je commençais déjà bien ma journée. J’espérais brusquement pour moi qu’elle n’était pas le genre de fille trop à cheval sur les heures. D’ailleurs, je n’avais même pas pensé à lui envoyer un message. « Merde ! » mon téléphone en main, je poursuivais ma course jusqu’à l’arrêt de bus le plus proche pour l’attendre. Vivement que j’obtenais mon permis, ça me gavais de devoir toujours être dépendant de ces trucs-là. M’agaçant mentalement, je regardais les horaires avant de soupirer. C’est après vingt minutes d’attentes et vingt de plus que j’arrivais enfin au lieu de rendez-vous. Descendant du bus, je passais une main dans mes cheveux et observais mon reflet dans une vitre de voiture. Ça devrait faire l’affaire je croyais… bien que je n’étais pas vraiment le type qui débordait de confiance. Me redressant j’entamais le chemin jusqu’au café, avant d’apercevoir au loin sa silhouette. Mon cœur ratait un battement, avant mordiller nerveusement ma lèvre inférieure. Arrivé à sa hauteur « Hey salut. » vu le retard que j’avais elle aurait pu partir. Je me demande si elle allait être agacée. Une question qui me traversait l’esprit tandis que je l’observais discrètement. Je devais admettre qu’elle est encore plus jolie que lorsque je l’avais rencontré. Surement parce qu’il faisait jour et que je la découvrais autrement. Mon cœur s’affolait subitement à cette pensée, avant que je ne lâchais « T’es là depuis longtemps ? ». Simple courtoisie avant de fourrer mes mains dans mes poches.

ootd// Ses écouteurs dans les oreilles, une musique parvenait à elle, la laissant danser devant ce grand miroir installé depuis peu dans sa chambre. Elle en profitait, comme elle pouvait, s’amusait à reproduire les chorégraphies apprises à la télévision, oubliant celles qu’elle devait retenir pour le spectacle de sa prestigieuse école qui approchait à grands pas. Elle le savait déjà, qu’elle n’irait pas. A quoi bon, alors qu’elle y était forcée, et que ses propres parents, une fois de plus, ne perdraient pas leur temps en venant la voir. Un sourire sur ses lèvres, elle oubliait rapidement cette pensée, relançait la musique pour reproduire ces mouvements vus quelques heures plus tôt sur l’écran du salon. Pourtant, lorsque l’écran de son téléphone s’alluma, elle s’arrêtait d’un seul coup, s’empressant d’aller voir ce message qu’elle venait de recevoir. Ses lippes s’étiraient bien plus encore, en découvrant ces quelques mots, cette simple invitation pour un café. Sa tête qui se penchait sur le côté, elle repensait à cette soirée, à celui qu’elle avait vu sur scène, qui l’avait interpellée sans réellement s’en rendre compte. « Salut, bien sûr que je me souviens de toi. Avec plaisir pour le café, samedi vers 14h ça t’irait ? T’as juste à me dire ou on se retrouve :) » Elle n’avait pas eu une once d’hésitation, et s’était empourprée en tapant ces quelques mots en guise de réponse, avant de retourner à ses occupations. Son esprit pourtant, était déjà perturbé par ce jeune homme, rencontré par hasard, et qui pourtant, avait déjà le don de faire palpiter son coeur.
Ce qu’elle considérait être le grand jour était arrivé, et une fois de plus, Ye Won restait un long moment devant sa penderie, incapable de trouver une tenue qui aurait pu la satisfaire. Elle avait ce don pour la mode, les vêtements parfois hors de prix qu’elle arrivait à embellir un peu plus encore avec un vieux jean récupéré de l’une de ses cousines. Pourtant, elle voulait être à la hauteur, même pour un simple rendez-vous dans un café. Son téléphone à la main, elle avait appelé le seul qui aurait pu l’aider dans cette situation, tragique à ses yeux. « Min ! Faut que tu m’aides ! Je panique complètement ! Ton pote Il Kyang, bah il m’a invitée à boire un café aujourd’hui ! » « Laisse-moi deviner, tu sais pas comment t’habiller ? » « Tu m’connais déjà trop bien, tu sais que ça fait peur ? » Des rires échangés, alors qu’elle continuait encore de jeter la plupart de ses hauts à travers la pièce, sans savoir ce qui pourrait plaire à celui qu’elle allait retrouver. « Evite juste de t’emballer et mettre une robe de soirée. » « Ahahah, très drôle Min ! Tu m’aides pas du tout tu sais. » « Ye Won, t’as juste à rester toi-même, tu verras bien si t’as fait le bon choix ou non. » Un soupire qui s’écrasait contre le combiné alors qu’elle raccrochait subitement, à la quête de la tenue parfaite pour ce jour. A tel point qu’elle était en retard au moment de partir, ayant arrêté depuis longtemps de prévenir ses parents lorsqu’elle quittait la maison. Elle aurait tout le loisir de trouver une belle excuse s’ils venaient à s’en soucier, mais sur ce point, elle en doutait. Son chauffeur devenait impatient, alors qu’elle s’engouffrait enfin dans le véhicule, son téléphone scotché à ses mains pour discuter avec sa meilleure amie. Un sourire certain sur les lèvres, qui ne la quittait pas, malgré l’heure annoncée du rendez-vous qui arrivait déjà. Heureusement pour elle, le café n’était pas si loin, et elle soufflait de soulagement en voyant qu’elle était la première arrivée, même si elle pouvait déjà voir Il Kyang arriver au loin, son coeur s’emballant déjà. « Salut, » avait-elle osé répondre, le tout accompagné d’un léger geste de la main. La gamine qu’elle était n’avait jamais été très sûre d’elle, comparé à ce qu’elle pouvait dégager, pourtant, elle faisait bonne figure face à celui qui avait, une semaine auparavant, accaparé toute sa soirée sans même le savoir. « Non t’inquiètes, je viens juste d’arriver aussi. On… entre ? » Le rose qui lui montait au joues, et qu’elle était incapable de maîtriser, aurait pu la gêner, pourtant elle tentait de ne pas en tenir compte, alors qu’elle entrait déjà dans le café, à la recherche d’une table ou ils pourraient s’installer.

Dire que je ne pensais à rien en l’invitant aujourd’hui serait un mensonge. En réalité, j’avais craqué… à la seconde où je l’avais aperçu dans ce bar. Une chance pour moi que Min la connaissait, bien que je n’aurais surement pas hésité à aller la voir. Depuis ce soir-là, je pensais souvent à elle, me demandant ce qu’elle pouvait faire et si parfois il lui arrivait aussi de repensé à cette soirée. C’était un peu bête je l’admets. Côté filles je n’étais pas le plus expert de tous. Dans mon groupe d’amis Jae était bien plus en avance que moi. J’avais dût attendre mes dix-sept ans pour avoir ma première fois… ce qui d’après Jae faisait de nous des vrais hommes. Je n’étais pas vraiment persuadé de ça. Surtout lorsque je repensais à la mienne. Lors d’un simple festival de musique, un peu à la volée et surtout arrosée. Au final, ça n’avait rien d’aussi incroyable qu’on le disait. C’était du moins ce que j’avais longtemps pensé avant d’avoir une vraie petite amie. Une histoire qui n’avait duré qu’un mois. Surement parce-que j’étais loin d’être parfait. Toujours trop accro à ma musique et fourré avec mon meilleur ami. Clairement, il n’y avait rien de plus important que ça. Une relation que certaines avaient du mal à comprendre je crois. Au final, j’ai finis par m’habituer à l’idée de ne pas construire quelque chose de sérieux. De toute façon, j’étais bien trop jeune pour penser à ça. Pourtant j’avais le parfait exemple du couple heureux avec mes parents. Jamais aucune dispute entre eux. Cette idée me faisait toujours sourire, mais c’était loin de ce que je recherchais. En réalité, je n’avais même pas envie de me caser. Quant au sujet Ye Won… c’était particulier. Un peu différent des autres fois et surtout euphorisant de découvrir une nouvelle personne. Déjà la tête ailleurs, je n’arrivais pas à détacher mes yeux d’elle. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle soit aussi… parfaite ? Ouais, le mot était juste pourtant j’étais bien incapable de lui faire un tel compliment. Au lieu de ça, je me contentais de sourire et lui faire un signe de la tête pour la suivre à l’intérieur du café. Loin des galanteries auxquelles certaines filles pouvaient s’attendre, je n’étais pas du genre à tenir la porte, tirer la chaise ou encore lui enlever sa veste. Je n’avais pas besoin de jouer un rôle, malgré que Kitae me reproche souvent d’être bien trop laxiste pour certaines. Me glissant à l’intérieur du café, je cherchais une table des yeux « On va là-bas. » la plus reculé de la salle. Celle avec une banquette confortable où personne ne pourrait nous déranger. Bien que j’étais à l’initiative de ce rendez-vous, je me sentais subitement nerveux. M’installant devant elle, je l’observais s’assoir en face un sourire toujours accroché aux lèvres. « Tu sais ce que tu prends ? » je la laissais choisir, la carte encore dans les mains je parcourais les lignes des boissons avant d’y trouver la mienne. Celle que je prenais toujours en réalité. « Un frappé fraise s’il vous plait. » en tendant le menu à la serveuse, je retournais bien vite mon attention sur Ye Won. Le cœur un peu battant, je posais mon coude sur la table « T’es super jolie. Mais je suppose qu’on doit souvent te le dire ? » Plutôt taquin, j’imaginais qu’un tas de garçons devaient lui courir après. D’apparence sûre d’elle, Ye Won dégageait cette aura particulière. Un goût prononcé pour les belles choses qui la mettait en valeur. Quant à moi, j’étais surement tout l’inverse avec mon jeans troué et mon tee-shirt sans forme. Me passant une main dans les cheveux, je cachais ma nervosité derrière un nouveau sourire « T’as passé une bonne semaine ? » loin d’être libre comme je l’étais, Ye Won devait aller à l’école et subir tous ces trucs glauques que je détestais. 

Son frère le lui répétait souvent, Ye Won était belle. A laisser les regards se tourner vers elle, sans qu’elle n’y prête attention, à faire jaser certains jeunes hommes de son âge, parfois plus vieux. Mais elle n’en tenait jamais rigueur, tentait tant bien que mal de n’être qu’elle-même. Une demoiselle qui aimait les belles choses, mais aussi la simplicité qu’elle peinait à trouver dans son univers. Baignée depuis sa plus tendre enfance dans les mondanités et le luxe, elle essayait encore d’y échapper, bien trop souvent. Même si certains détails restaient ancrés en elle, malgré tout ce qu’elle pouvait faire pour l’effacer. Elle était encore coincée entre l’adolescence et l’âge adulte, se cherchait tout en sachant ou elle pourrait enfin se trouver, mais sans oser faire le premier pas. Car le reste du monde lui était encore bien trop inconnu, les barrières du patriarche l’empêchant trop souvent de se glisser dans la peau de celle qu’elle était réellement. Elle faisait de son mieux, côtoyait des personnes de tous horizons, mais rien n’arrivait à étancher pleinement sa soif de découverte, autant pour elle-même que pour son futur. Et même avec cette allure de jeune femme si sûre d’elle, il en fallait peu pour découvrir une enfant cachée dans ce corps déjà formé, une sensibilité certaine malgré un caractère affirmé. Des brides de mondes différents qui faisait celle qu’elle était, et celle qu’elle espérait un jour devenir. En le voyant, elle repensait irrémédiablement à cette soirée, une semaine plus tôt. Un lieu dans lequel aucun autre de son monde n’aurait osé mettre les pieds. Pourtant, c’était tout ce qu’elle aimait, vagabonder dans ces endroits qui, au premier abord, ne la caractérisaient pas. Briser les a priori, casser l’image de la haute ne daignant pas croire que d’autres gravitent autour d’eux. Un léger sourire sur les lèvres, elle entrait dans ce café, laissant Il Kyang choisir une table vers laquelle elle se dirigeait. « J’hésite… » avait-elle soufflé à sa question, la carte dans les mains, une moue sur les lèvres. Le serveur était arrivé à leur table bien rapidement, alors qu’elle se décidait finalement. « Je vais prendre un cappuccino glacé s’il vous plaît. » lançait-elle à l’attention de ce dernier avant qu’il ne s’éloigne, et qu’elle puisse se concentrer sur celui qui lui faisait face. Elle ne savait pas vraiment à quoi s’attendre aujourd’hui. Au départ surprise de cette invitation, elle n’avait pas su ce qu’elle devait en penser, et la question continuait de prendre de la place dans son esprit. Pourtant, elle tentait, comme elle pouvait, de la laisser de côté. Difficile alors que son regard se posait sur lui, cette simple pensée qui traînait quelque part en elle. Il était beau, bien plus encore que dans ses souvenirs. Un compliment qui continuait de faire rougir ses joues, sans qu’elle ne puisse le contrôler. « Merci… A vrai dire, c’est surtout mon frère qui le dit, mais bon… Ca compte pas vraiment. » Un léger rire, presque nerveux, ponctuait sa phrase. Il y avait une pointe de timidité dans sa voix, parce qu’elle ne savait pas vraiment comment elle devait agir. Prenant enfin une grande inspiration, elle voulait simplement être elle-même, sans faux semblant. Elle ne pouvait cependant pas s’empêcher de se demander ce qu’il pourrait en penser. « Fatigante, comme à chaque fois. » Un nouveau rire, comme pour laisser s’échapper cette petite gêne qui restait encore coincée au fond d’elle. « Je pensais pas que la première année de fac allait être aussi… chargée, on va dire. » Ses lèvres qu’elle pinçait, détournant le regard une seconde tout au plus. Elle n’appréciait pas vraiment, de parler de ses études, car c’était repenser à cet avenir qui était bien loin de ce qu’elle imaginait. « Et toi ? Comment c’était ? »

Lorsque je l’avais vu pour la première fois, je crois qu’une part de moi avait compris que nous ne venions pas du même monde. Pas qu’elle me l’avait fait comprendre, non elle avait été une fille simple comme je pouvais les apprécier. Pourtant, Kitae ne cessait de me dire que nous avions évolué dans deux univers opposé. C’est vrai, mais Min aussi avait eu quelques privilèges dans la vie et ça ne faisait pas de lui quelqu’un de différent. Je ne me posais pas la question, en réalité ça me paraissait naturel d’être là avec elle. Et j’étais plutôt surprit de l’entendre me dire que seul son frère lui faisait des compliments. « Sérieusement ? » c’était sorti plus vite que je ne l’avais pensé. Intrigué et curieux à l’idée que cela puisse être vrai. Peut-être que Ye Won était le genre de fille à ne pas connaitre son potentiel. J’avais clairement du mal à l’imaginer collectionner les conquêtes, bien que je ne la connaissais pas encore. Peut-être cachait-elle bien son jeu ? Je ne crois pas… elle n’avait rien de ces femmes qui se sentent au-dessus des autres et qui aiment faire chavirer les cœurs. Ça m’allait… loin d’être un tombeur non plus, je préférais la compagnie des filles dans son genre. A cette idée, je détourne les yeux, un peu gêné. M’intéressant plutôt à sa semaine passée, je n’avais pas hésité à lui demander des nouvelles. Une fois de plus nous ne partagions pas les mêmes occupations. D’une certaine manière, cela pourrait être un obstacle entre nous… pourtant, j’avais la sensation que ça pouvait être une force aussi. J’arque un sourcil, l’idée d’être coincé dans une salle de classe me filait la nausée. J’avais déjà bien trop subit l’école d’après moi. Alors à ma majorité j’avais sauté sur l’occasion pour vivre de mes propres ailes. Choix qui ne plaisait pas forcément à mes parents, mais ils me laissaient vivre ma vie avant de rentrer dans les rangs. Comme si un jour je pourrais me retrouver à suivre des études. Clairement, je savais déjà que ça n’arriverait pas. Mais je préférais leur dire oui, sans insister. Persuadé que je vivrais de ma musique avant que ce moment arrive, j’étais sûr aussi de les convaincre de me suivre dans ma passion. Vu le chemin qu’on prenait Kitae et moi, nous serions surement connu dans quelques années. « T’es du genre bonne élève je suppose ? » un petit sourire au coin, sans réel jugement de ma part. C’était juste une question pour en savoir un peu plus sur elle. Passant un doigt sur mes lèvres « Ah il nous est arrivé un truc de fou avec Kitae. Le genre d’histoire qui n’arrive que dans les séries tu sais. » Je me recule sur ma chaise, enthousiaste pour partager mon quotidien désastreux avec mon meilleur ami « On est tombé en panne sur une grande route en pleine nuit. Evidemment, ni lui ni moi n’avions de batterie. Y’avait quasiment personne sur la route et deux mecs qui font du stop crois-moi personne s’arrête. » Je ris à cette remarque, tandis que la serveuse arrive avec nos commandes. Relevant brièvement les yeux vers elle, j’indique que le frappé est pour moi « Merci. » enjoué par mon histoire, je me rapproche de la table pour venir attraper la paille de ma boisson « Tu devines qu’on s’est retrouvé à dormir dans la voiture. Heureusement qu’en ce moment il fait chaud. » Car ça nous était déjà arrivé de dormir dehors en plein hiver et franchement je ne souhaitais ça à personne. « Et le lendemain matin, un flic nous réveille en tapant sur la vitre. Il nous demande ce qu’on fout là, alors Kitae explique le truc. Et finalement on s’est retrouvé une journée coincé dans un garage paumé. On n’avait pas vraiment de quoi payer la réparation et la dépanneuse. Mais le mec nous a trouvé sympa alors il nous a offert quelques frais. »J’avais surement un peu trop parlé. Mais j’étais toujours enthousiaste à l’idée de partager des choses avec les autres. Loin d’être renfermé sur moi-même, on disait souvent de moi que j’étais le genre de bon pote avec qui on s’amuse. Accro aux défis en tout genre, j’étais toujours le premier à participer à des soirées où des choses un peu folles. Je crois qu’en réalité j’étais en train de vivre la plus époque de ma vie. Sans réelle contrainte, suivre des routes pour ma musique, passer du bon temps avec mon meilleur ami à partager. Pour rien au monde je n’échangerais ma vie. C’est un peu aussi ce qui me qualifiait, être libre. Buvant une gorgée, je me redressais un peu « Ah excuse, je parle beaucoup. » un peu gêné à cette constatation, je passais une nouvelle fois une main dans mes cheveux. J’avais déjà beaucoup parlé la première fois qu’on s’était rencontré. Est-ce qu’elle finirait par trouver ça chiant ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, elle n’était pas du genre à collectionner les conquêtes. Elle avait connu les premiers émois, un premier petit ami, avec qui ça n’avait pas duré plus de quelques mois. Mais elle était à l’opposé de certaines amies, si on pouvait les qualifier ainsi. Les autres demoiselles de ce monde auquel elle appartenait aimaient montrer leur argent, avaient plus d’une fois eu recours à la chirurgie esthétique pour être les plus belles possible aux yeux de ces hommes avides d’argent. Ye Won tentait à sa manière de rester naturelle, gardant les mêmes traits que lorsqu’elle était encore enfant. Elle ne voyait aucune utilité à changer son apparence, encore moins si cela n’était que pour plaire un peu plus à la gente masculine. Elle préférait laisser faire les choses, rêvait parfois du prince charmant, mais s’imaginait qu’il arriverait quand le moment serait voulu. Ça lui convenait comme ça, persuadée que de toute façon, si cela n’arrivait pas, elle finirait mariée avec le fils d’un partenaire de son père. Sa vie était déjà toute tracée, d’une certaine manière, et même si elle n’aimait guère cette idée-là, elle essayait encore de s’en défaire, et vivre sa vie comme elle le pouvait. Heureusement pour elle, son frère était d’un grand soutient dans cette quête d’une vie plus simple, loin des strass et des paillettes. Un haussement d’épaule face à la surprise d’Il Kyang, suivi d’un sourire. Ye Jun était le seul qu’elle croyait aveuglément, de toute façon. « Faut pas se fier aux apparences, je dois être la pire élève de ma promo. » riait-elle à sa question. Elle exagérait un peu, mais déjà, elle avait du mal à se projeter dans les études que ses parents lui avaient choisi. Devenir juriste n’était pas un choix pour elle, mais une obligation, alors que son père avait déjà tracé, avant même leur naissance, le destin de ses deux enfants. Elle s’y accommodait tant bien que mal, même si elle aurait préféré suivre un autre chemin, qui lui ressemblait un peu plus, qui semblait moins barbant. Au lieu de ça, elle traînait sur les bancs de la fac, n’écoutait déjà que d’une oreille ces cours qui ne l’intéressaient pas. Elle faisait au moins acte de présence, tentait du mieux possible d’avoir des résultats corrects, même si son père en attendait toujours plus d’elle. Le strict minimum, voilà ce qu’elle lui offrait en guise de rébellion. Ca pouvait paraître pathétique aux yeux de certains, mais c’était déjà un grand pas pour elle, elle qui ne rêvait que de liberté. Alors, elle était admirative, d’une certaine façon, face à l’histoire d’Il Kyang. Elle aurait aimé, quelque part, vivre ce genre de choses. Elle se disait toujours que ça n’arrivait qu’aux autres, espérait secrètement qu’un jour, elle puisse vivre des aventures qui n’existaient pas dans son monde. Toujours l’espoir que cela puisse se produire. « Non t’inquiètes ! C’est toujours plus intéressant que ce que j’aurais à raconter. » Elle ponctuait sa phrase d’un léger rire, caché par une main devant son visage, avant de boire un peu de sa boisson. « Ça doit être tellement cool de pouvoir partir sur les routes comme ça… Le plus palpitant qui m’est arrivé cette semaine, c’est d’avoir séché mon dernier cours un soir pour aller me goinfrer de chocolat chaud avec ma meilleure amie, alors bon… » Elle riait encore, enjouée d’une certaine façon. Elle était loin d’avoir une vie trépidante, passait son temps à aller en cours, voir quelques amis. Les vendredis soirs étaient réservés à ces événements de la haute, ces soirées de charité ou elle enfilait une belle robe, et sa cape de jeune fille modèle. Être une fois de plus la marionnette de ses parents, montrer qu’elle était belle, intelligente, prête à suivre avec plaisir la voie que Monsieur Kim avait dessiné pour elle. Tout ça était trop faux pour elle, mais elle y était contrainte, et reprenait un tant soit peu le cours de sa vie lorsque le temps le lui permettait. « Tu dois avoir pleins d’histoires dans le genre non ? » avait-elle osé demander. Il avait su piquer sa curiosité, et elle était prête à entendre ce genre d’histoires de longues heures durant, si on lui permettait. S’imaginant vivre ce genre d’aventures, comme n’importe qui d’autre. C’est ça qui la maintenait debout, toujours avec la présence de son frère, qui la confortait quelque part dans cette idée.

Les apparences sont parfois trompeuses. C’est vrai, je m’étais peut-être dit qu’elle était le genre d’étudiante à briller. Surement parce-que j’étais tout son contraire. Alors à sa révélation, j’étais plutôt surprit et intrigué. Décidément, Ye Won n’était jamais là où je l’attendais, bien que je ne savais encore pas grand-chose sur elle. Je souriais à sa réponse, l’observant du coin de l’œil alors que mon cœur ratait un nouveau battement. Dire qu’elle ne me plaisait pas serait mentir. Je n’avais jamais été très à l’aise avec la drague, me contentant toujours d’être moi, sans chercher plus loin. Et aujourd’hui encore je ne calculais rien. S’était-elle posé la question sur mes intentions ? Ou avait-elle prit ça comme une simple invitation ? Je n’en savais rien mais l’idée qu’elle puisse nous imaginer amis ne me plaisait pas vraiment non plus. Oui je pouvais l’admettre ! J’avais envie de la connaitre, de partager une bonne journée avec elle, peut-être en espérant un peu plus que ça… Je pensais si souvent à elle. Ça faisait longtemps qu’une fille ne m’avait pas fait cet effet… en réalité je crois que c’était la première fois que je ressentais ça. Au point de me sentir nerveux. Bien que je trouvais que je m’en sortais pas mal. Je tentais de cacher ma gêne comme je le pouvais. Parler c’était un bon moment de combler le trouble qu’elle créait en moi. « A ce point ? Tu détestes ce que tu fais ? » Si je me souvenais bien elle était dans une section qui me dépassait complètement. « T’es bien en droit c’est ça ? » une petite preuve que je pouvais retenir ce qu’on me disait, mais surtout que j’avais assez d’intérêt pour m’en souvenir. Est-ce que c’était le genre de détail qui faisait fondre les filles ? Et me voilà parti sur mon histoire drôle. Heureusement pour moi je ne racontais jamais ça à mes parents. Je n’avais pas le courage de leur dire ce genre de choses, surement parce-que je les imaginais m’enfermer chez nous pour ne plus jamais ressortir. Ils pensaient que Kitae et moi faisions l’effort de vivre à l’hôtel, de dépenser l’argent qu’on gagnait à faire des concerts pour ça. En réalité il n’en était rien. Lui et moi passions plus de temps dehors et dans la galère. Mais ça faisait partie du jeu aussi. Je trouvais ça palpitant de ne pas savoir ce qui m’arriverait demain. Sa remarque me faisait rire « C’est cool aussi un bon chocolat chaud. » Je me demandais brusquement quel genre de vie elle menait tous les jours. Pour être ami avec Min je pensais qu’ils devaient avoir des points communs. Mais était-elle aussi libre que lui l’était ? Lui venait d’une bonne famille, mais il avait toujours été en accord avec ce qu’on attendait de lui. Loin de vivre ça comme une plaie, il se voyait déjà avoir une belle carrière. Même lorsque nous avions quinze ans il savait ce qu’il voulait. « Ouais, il nous arrive toujours un tas de trucs. Kitae est le genre de type qui attire pas mal les ennuis. » À croire qu’il avait un mauvais karma. Mais loin de nous effrayer nous on trouvait ça drôle. « Ça mouvemente le voyage on va dire. » reprenant une gorgée de ma boisson, je laissais échapper un petit rire en repensant à toutes ces péripéties que nous avions déjà vécu. « Je pourrais t’en raconter d’autres si tu veux… mais, je préfère qu’on parle de toi. » je relevais les yeux vers elle, croisant son regard. Je tentais surement de lui montrer l’intérêt que j’avais pour elle. Me penchant sur la table « Parle-moi de toi Kim Ye Won. Je meurs d’envie de savoir quel genre de vie tu mènes. » À part le fait d’être étudiante bien entendu. Je me demandais ce qui pouvait constituer ses soirées, ses week-ends. « Tu viens d’une famille… aisée. Ça doit forcément t’offrir des opportunités différentes des miennes. » Je n’étais jamais dans le jugement. Au contraire ça piquait ma curiosité. Ce que j’aimais avec mes amis, c’était que nous étions différents.

Dès son plus jeune âge, son père lui avait inculqué une chose, la plus importante à ses yeux : deux mondes s’étaient dessinés. Le premier était celui dans lequel la famille vivait, remplie de richesse, où les apparences primaient. Le second regroupait cette autre partie de la population, qui trimait toujours plus pour espérer un jour accéder au plus haut de la société. On lui avait rabâché trop longtemps que ces deux univers ne pouvaient pas se mélanger, qu’ils étaient incompatibles. Pourtant, elle avait du mal à y croire, et cette simple règle avait attisé sa curiosité. Elle voulait lui montrer qu’il avait tort, quoi qu’il en dise, que ces deux mondes pouvaient cohabiter, s’aider mutuellement peut-être. C’était certainement l’une des raisons pour lesquelles on la voyait là ou son père refusait qu’elle aille. Braver l’interdit, il n’y avait rien de plus palpitant pour elle. Ca ne l’empêchait pas de voir les autres comme ses égaux, qu’importe de quel monde ils venaient. « Disons que je m’attendais pas à ce que certains cours soient aussi barbants. » Elle en riait encore, comme toujours. Une façon de cacher son mal-être, cette envie parfois trop pesante de tout envoyer valser, sans avoir le courage de le faire. Parce qu’elle pensait sans cesse à ce qui pourrait lui arriver de pire, si elle osait franchir le pas. Empourprée, elle ne s’attendait pas à ce qu’il se souvienne de la filière qu’elle empruntait. Elle pouvait tenter de se cacher, elle savait pourtant qu’il remarquerait, que cette petite attention la touchait. Rares étaient ceux qui, dans son univers, se souciaient de ce genre de chose. « Oui, en droit. Mais je sais pas vraiment quelle spécialité je choisirais. » En vérité, elle se doutait du choix que lui demanderait de faire son père, elle espérait simplement pouvoir avoir le droit de choisir autre chose, au moins une fois dans sa vie. Une utopie, mais à laquelle elle voulait encore croire, trop jeune encore pour réellement faire face à la cruauté de ce monde. Alors c’était plus simple d’écouter les histoires que les autres avaient à raconter, ça aidait à pouvoir continuer de rêver. Et déjà, elle avait le sentiment qu’il arrivait à le faire, sans s’en apercevoir. Persuadée qu’elle pourrait passer des heures à l’écouter, son coude posé sur la table, sa tête posée dans sa main. Un léger sourire dessinait ses traits, sans réellement réussir à faire quitter son regard de celui qui lui faisait face. « Au moins, t’as toujours des trucs à raconter. » Ce rictus sur ses lèvres ne la quittait pas, malgré cette gêne qui reprenait place alors qu’il commençait déjà à s’intéresser davantage encore à elle. Redressée sur son siège, elle frottait nerveusement ses cuisses un instant, poussant un léger soupire. « Y’a pas grand chose d’intéressant je pense… » osait-elle avouer. « J’trouve qu’on idéalise les familles aisées. C’est sûr que ça ouvre d’autres portes mais bon, qu’importe d’ou on vient, si on veut vraiment quelque chose, on finit par l’obtenir. » Une constatation qu’elle avait fait au court du temps, et des rencontres. Et c’était d’autant plus vrai depuis qu’elle avait rejoint la Yonsei. Elle pouvait voir ces étudiants venus d’horizons différents, qui chacun peinait à réaliser ses rêves. « A part les soirées auxquelles participe mon père, et qui sont vraiment chiantes soit dit en passant, j’ai une vie normale, je crois. J’vais en cours, je fais de la danse depuis que j’ai quoi… Cinq ans je crois ? » Un haussement d’épaules, son regard qui vagabondait quelques secondes autour d’elle avant de se reposer sur lui. « Et le week end, je le passe soit avec mon frère, soit avec mes amis. Shopping, concerts… J’crois qu’on a tous un peu les mêmes occupations au final. » Un rire pour ponctuer sa phrase, et ses lèvres qui se pinçaient une fois de plus. « Le seul gros avantage que j’y trouve, c’est de pouvoir voyager. J’ai de la famille aux Etats-Unis, du coup j’y vais régulièrement. » Un moyen pour elle de s’évader, une fois par an. Le seul endroit ou elle retrouvait sa liberté, ou son père ne restait pas constamment sur son dos, et la laissait vivre sa vie, le temps de quelques semaines. Le meilleur moment de l’année selon elle.

Je souriais une fois de plus à sa remarque. J’avais toujours pensé que les cours étaient barbants. Peu importe ce qu’on apprenait au final, la vraie vie se trouvait dehors. Pourtant mes parents n’avaient jamais été insistants avec moi. Ils voulaient que je m’épanouisse tout en restant réaliste. Pour eux l’évidence était d’avoir un diplôme pour devenir quelqu’un et surtout avoir un métier comme eux. Mon monde moi était surement trop fantaisiste pour eux, quoique en réalité je les soupçonnais juste d’avoir peur pour moi. Ne la lâchant pas du regard, j’osais me dire que j’aimais son sourire. Il était apaisant, un poil charmeur selon moi, aussi bien qu’il me faisait de l’effet. Je la trouvais d’autant plus jolie ainsi en remarquant à quel point ses lèvres étaient bien dessinées. Un moment d’égarement, où je me rattrapais à ce qu’elle m’avait raconté sur elle. Bien que cela m’échappait un peu, je n’y connaissais pas grande chose dans les études. Mais vu l’air qu’elle prenait, je la sentais un peu hésitante sur le sujet. J’en vins à me demander si c’était son choix ou celui de ses parents. Comme cela pouvait arriver dans beaucoup de famille. Une légère moue au coin de la bouche, je cachais mon interrogation derrière une nouvelle gorgée de mon frappé. Je ne voulais pas non plus la harceler de question, me disant que j’aurais surement le temps d’en apprendre un peu plus à ce sujet. Mais ma curiosité la concernant était bien trop grande. J’avais vraiment envie de savoir quel genre de fille elle était. Peut-être surement pour comparer nos vies. Cherchais-je une compatibilité avec la mienne ? Pas vraiment. Je savais d’avance que c’était foutu. Vu la vie que j’avais décidé de mener depuis quelques mois impossible de mentir. De toute évidence, je n’avais pas trop de stabilité à lui offrir… Me redressant doucement, je restais fixé à l’écouter. Me faisant mes propres réflexions face à ses révélations. J’étais d’accord avec elle. Dans la vie il valait savoir ce qu’on voulait pour l’obtenir. Et moi je savais deux choses ! Je voulais vivre de ma musique... et elle. Bien que je tairais cette dernière remarque. Pourtant ça me frappait de plein fouet, comme ce soir-là quand on s’était rencontré. Je la voulais… pas comme un trophée mais parce qu’elle avait remué quelque chose en moi. Un intérêt certains que je ne pouvais pas cacher et encore moins aujourd’hui. J’appréhendais presque de l’entendre me parle de son père. Surement parce-que j’avais souvent pensé qu’on était parfois coincé dans une vie qu’on ne voulait pas quand on est trop… riche ? Elle me donnait l’impression de devoir subir certain aspect de cette vie. Et je détestais cette idée ! L’écoutant tout en continuant à boire, j’avais finis par lui demander « Tu fais quel genre de danse ? » trop curieux peut-être, mais je trouvais ça… intéressant ? « Je rêve d’aller aux Etats-Unis. Vivre le rêve américain tu sais. » Je riais un peu plus, Kitae et moi étions surement un peu trop rêveur. Mais pourquoi pas ! Ça ne me coutait rien d’espérer un jour être connu là-bas. « Ta famille est de quel coin ? » attrapant de nouveau ma paille je finissais ma boisson avant d’ajouter « Min va aller faire ses études là-bas aussi. Je suppose que tu le sais, pas vrai ? » Vu qu’ils sont amis j’imaginais que oui. Dire que je ne l’avais jamais rencontré avant. C’était un peu bizarre à se dire. Me redressant « Tu as l’air proche de ton frère. Il est plus vieux que toi ? » Ça faisait déjà plusieurs fois qu’elle l’évoquait. Ils avaient l’air de bien s’entendre. « Ça doit être cool d’avoir un frère. Pour jouer quand t’es petit c’est plus sympa que d’être tout seul. » Souriant un peu plus, je repensais à toutes ces fois où je demandais à mes parents d’aller jouer dehors. Même à cet âge-là j’aimais prendre l’air. Mais ce que je préférais le plus c’est d’être avec les autres. 

C’était toujours étrange de parler d’elle, non pas qu’elle n’aimait pas ça, mais généralement, les autres connaissaient déjà tout à son sujet, avant même de l’aborder. C’était un gros point négatif dans cet univers de riches. Il n’y avait aucune place au mystère, tout le monde connaissait tout le monde. Il n’y avait qu’à la voir pour deviner de quelle famille elle venait, et quel était son pédigrée. Elle avait fini par laisser cette image que son père s'efforçait de renvoyer s’affirmer un peu plus à chaque soirée, chaque événement auquel elle devait participer. Sans rien ajouter à son sujet, que les autres continuent de croire la connaître, alors que dans le fond, ils avaient tord sur toute la ligne. Mais ça lui permettait de mieux jouer à ce jeu de marionnettes auquel elle s’adonnait lorsqu’on lui demandait, et ça lui suffisait. « J’ai fait du classique pendant longtemps. Maintenant j’ai moins de temps, mais je suis des cours de danse contemporaine. Ca change un peu. » Souriante autant que possible, mais quelque part, c’était lui qui lui donnait envie de garder cet état d’âme. Il semblait porter une certaine attention à son égard, et ça lui plaisait. Cela faisait bien longtemps que quelqu’un ne s’était pas autant intéressé à elle. Alors même si elle ne savait pas réellement comment agir face à ça, elle jouait le jeu, répondait aux questions qu’il pouvait se poser. « J’avoue, j’envie un peu ceux qui peuvent le vivre, ce rêve américain. » Elle en riait, alors qu’elle savait, que simplement en quittant la ville, elle prenait le risque de tout perdre. Le patriarche était bien trop à cheval sur ce qu’il attendait d’elle, et elle aurait pu trouver toutes les excuses du monde, il lui serait difficile de convaincre son père de la laisser partir. Même pour faire une année d’études là-bas. Ce serait un sacrilège, pour une famille purement coréenne. Il fallait tenir compte de la tradition, et cela passait par une éducation stricte, et jamais, au grand jamais, ailleurs que dans son pays. Les Etats-Unis n’étaient qu’un endroit pour voyager, rien de plus. Et au fond d’elle, elle enviait son ami qui lui, avait cette chance. « Il m’en a parlé l’autre soir, c’est vraiment cool pour lui ! Mais il va à New York je crois. Mes cousins vivent à Los Angeles, dommage, j’aurais pu les présenter. Même si je pense qu’il aurait du mal à s’entendre avec ma cousine ! » Une attention envers un ami, même si elle se doutait que Min serait le premier à tenter de parcourir le pays, quitte à y être. Elle espérait pour lui qu’il puisse le faire, c’était tout ce qu’elle lui souhaitait. Elle reprenait un peu de sa boisson, repensant à son frère. Il était tout ce qu’elle avait de plus cher au monde, et ça se voyait, simplement à la façon dont elle avait de parler de lui. « Il a deux ans de plus que moi, mais en vrai, on s’en rend même pas compte. J’ai vraiment de la chance de l’avoir. J’crois que c’est avec lui que j’ai fait le plus de bêtises. » Une vérité certaine, depuis leur plus tendre enfance. Toujours ensemble, inséparables, à faire tourner les têtes de tous les employés dès que l’occasion se présentait. Elle le savait, elle n’aurait pas aussi bien supporté cette vie sans lui. Bien plus que chanceuse, elle ne voyait pas sa vie sans son grand frère, jamais. « T’es fils unique toi ? » osait-elle demander, même si, face à sa remarque, elle se doutait déjà de la réponse. Elle n’osait pas imaginer, ce que ça pourrait faire, d’être le seul enfant de la famille. En même temps, même ses cousins étaient deux frères et sœur, elle était finalement quelque part habituée à voir ce genre de famille là.