Lorsque que tu rentres finalement dans ta chambre au dortoir, pas un bruit ne se fait entendre. Par précautions, tu refermes la porte derrière toi d'une lenteur minutieuse. Si tes colocs sont là, la dernière chose dont tu as besoin est de subir un interrogatoire pour savoir où tu étais passée la nuit dernière. Surtout avec la gueule de bois que tu te tapes. Ta tête te semble tellement lourde que tu pourrais basculer en avant et t'étaler la tête la première par terre. Tu ne serais même plus capable de bouger. Tu n'as qu'une seule envie, aller te recoucher.

Mais tu ne peux pas. Les événements de la veille sont encore tout frais et tournent dans un tête comme un carrousel. Tu te poses tout un tas de questions sans vraiment y trouver de réponses : pourquoi ? comment ? Et tu sais que si tu restes à marmonner seule dans ton coin, tu y seras encore l'année prochaine. Il faut que tu vides ton sac, que tu en parles à quelqu'un. Et pour une fois que tu peux te vanter d'avoir une meilleure amie, tu ne vas pas te priver de lui faire ramener son petit cul et en vitesse.

Digne de Lucky Luke, tu dégaines ton portable et composes son numéro. Au bout de trois sonneries, elle finit par décrocher et sans que tu lui laisses le temps d'en placer une, les mots fusent: « Ramènes ta fraise ici. Maintenant. Pas de négociations possible » et tu raccroches aussi tôt. T'as pas la force de lui en dire plus maintenant.

Tu files direct dans la salle de bain te changer pour une tenue beaucoup plus confortable et troques tes lentilles pour ta paire de lunettes qui te bouffe la moitié du visage. Li Wei t'avait vu dans un pire état que celui-ci, c'est pas ça qui allait l'affoler. Quoique...

Une meilleure amie c'est celle pour qui on accourt sans même réfléchir dès qu'elle vous appelle ou lorsque, vous avez cette drôle de sensation que quelque chose ne tourne pas rond. C'est un peu une sorte de sœur qu'on a jamais eu, une moitié qui nous a été enlevée puis qu'on retrouvé et parfois encore, ce reflet dans le miroir mais avec une âme et version 3D.

Alors quand Li Wei qui eut à peine le temps de décrocher le téléphone pour entendre Byeol réclamer sa présence, il fut tout à fait normal que cette dernière accourt follement. Elle n'avait pas grand chose à faire de toute façon : peut-être réviser brièvement, ranger le coin de sa chambre ou feuilleter ses magazines récemment achetés … Elle aurait le temps pour tout ceci plus tard. Sans même chercher à comprendre, Li Wei attrapait une veste et son nécessaire de survie : Son téléphone portable et son porte-feuille. Peut-être que quelqu'un voudrait la joindre ? Peut-être qu'une envie sauvage de manger quelque chose viendrait lui assassiner l'estomac un peu plus tard ? Sans plus tarder, elle prit la porte.

Cinq minutes à peine après avoir quitté son dortoir rose, la brune se trouvait déjà devant le seuil de la porte de son amie où elle frappa deux coups et patienta le temps que son amie réponde. Il sera toujours étonnant de découvrir à quelle vitesse la demoiselle est capable de passer d'un point A à un point B. Il faut dire qu'elle a eu bien de la pratique en Chine alors que ses très chers parents la cherchaient tard le soir dehors, se rendant finalement compte d'une de ses innombrables fugues. Rah le bon vieux temps !

Tu tournes en rond dans ta chambre, cherchant n'importe quel prétexte pour t'occuper l'esprit et les mains. Mais tes affaires sont déjà parfaitement rangées et ordonnées. Et très rapidement, la tête te tourne. Pas vraiment une bonne idée de tourne- virer quand on a la gueule de bois et les boyaux emmêlés. Tu t'allonges en espérant que le tournis te passe, mais tu as à peine le temps de fermer les yeux qu'on toque à la porte. Ta meilleure amie n'avait pas le surnom de Speedy Gonzales pour rien.

Mais peut-être que t'aurais dû y aller plus doucement avec le décollage. A peine debout que les nausées te reprennent. Vraiment l'alcool, faudra que t'arrêtes. C'est d'un pas chancelant que tu arrives finalement à la porte et l'ouvres pour y découvrir une Li Wei quelque peu essoufflée. Ni bonjour, ni merde, tu la tires à l'intérieur et refermes précipitamment derrière la jolie brune. A croire que tu étais recherchée par la police, le FBI et la CIA réunis.

Le teint pâle, un mal de tête écrasant et l'estomac torturé, tu prends ta meilleure amie par les épaules et la regardes d'un air troublé : « Lili, j'crois que j'ai déconné hier soir ... »

Li Wei attendait patiemment sur le pas de la porte. Il n'était plus tellement étonnant de voir la pyobeom traîner dans les alentours, c'était même carrément devenu normal. Après tout, elle venait en paix et ne préparait aucune attaque : elle venait rendre visiter, passer un peu de temps avec sa meilleure amie. Il y a t-il du mal à cela ? Non. Elle n'est pas assez investie pleinement dans sa fraternité pour faire ce genre de mission sous marin. Enfin, elle le ferait si le fond de tout ceci n'est pas méchant. Mais là n'est pas le sujet.

Tout le monde sait que Byeol n'est pas d'une délicatesse exceptionnelle mais pour cette fois, la brune ne s'attendait pas à ça. A peine son amie eut ouverte la porte en trombe, qu'elle l'attrapait pour l'attirer à l'intérieur. Sur le coup, la chinoise n'a vraiment rien compris et a légèrement paniqué avec ce que en plus venait de lui dire son amie. Déconner ? Dans quel genre ? Ca c'est ce qu'elle aurait voulu dire mais à la place de ça elle a manqué de gueuler : « Quoi ? Bordel Byeol t'as tué quelqu'un ? T'es enceinte ? » Tout les scénarios possibles et imaginable lui sont passés au travers la tête. Qu'a t-elle bien faire de si grave ?

Tu manques de lever les yeux au ciel aux suppositions loufoques de ta meilleure amie. Mais seulement manquer. T'as trop mal au crâne pour faire une chose pareil. Non mais, elle voit pas ta tronche de déterrée et ton expression blasée ? Tu serais plus hystérique que ça si t'avais assassiné quelqu'un ou si t'étais en cloque. D'ailleurs, tu l'aurais été comment? t'es pas non plus la vierge marie !

« Lili, tu m'as bien regardé ? » lui demandes-tu en désignant ton visage, « tu penses qu'avec les brindilles qui me servent de bras, j'aurais la force de tuer quelqu'un ? ». Elle est mignonne de surestimer ta force, mais même avec toute la volonté du monde, tu ne serais pas capable de faire grand mal. Avec tes patins, tu pouvais prétendre avoir une arme. Mais ça, c'était avant.

Tu la fais asseoir sur le lit avant de la rejoindre. Autant aller droit au but plutôt que de tourner autour du pot : « Et pour être en cloque, il aurait fallu que je couche avec un mec. Mais elle avait loin d'avoir un pénis entre les jambes ... ». Ça, au moins, t'en es sûre. Comment tu fais pour résister à l'envie de te rouler dans ta couette et d'hiberner pour deux jours de suite, ça reste encore un mystère...

A voir le visage dépitée et l'expression perdue sans fin de sa meilleure amie, Li Wei s'imaginait le pire. Elle s'était étrangement persuadée que Byeol avait tué un type, ou une femme, et avant même que cette dernière réponde la pyobeom cherchait déjà à un moyen de cacher le corps. Il paraît qu'un ami c'est celui qui t'aide à cacher un cadavre à 3heures du matin. Bon, ça ne l'enchante pas vraiment de se dire qu'elle va potentiellement devenir complice d'un meurtre mais son amie en vaut le coup, quand même … Enfin, ses idées s'évaporaient bien vite lorsque cette dernière lui fit comprendre qu'avec sa force de moucherons asthmatiques, elle ne ferait pas bien mal et donc, qu'elle avait assassiné personne. Elle pouvait donc maintenant chasser ces idées de tapis, pelle et parc en pleine nuit. Face à sa propre bêtise, Li Wei s'excusa en riant doucement. C'est une bonne chose.

Néanmoins, alors que Byeol se justifiait quant à la deuxième hypothèse, la chinoise manqua littéralement de s'étouffer avec sa propre salive. Merde quoi ?? Pendant quelque seconde, la brune la regardait avec de grands yeux, cherchant au plus profond de son âme si elle avait bien compris. … « Oh mon Dieu !! Tu t'es envoyé en l'air avec une fille ?! »Demanda t-elle d'un ton totalement choqué voire traumatisé. Si quelqu'un lui avait dit que ce genre de choses arriverai un jour, Lili ne l'aurait certainement pas cru.

Li Wei, tu ne l'as connais pas depuis longtemps. A vrai dire, ça fait à peine un an. Et pourtant aujourd'hui, tu ne saurais imaginer ta vie sans elle. Si elle n'était pas là, tu ne serais pas vers qui te tourner quand tu as un soucis, à qui raconter tout et n'importe quoi et surtout, qui te ferait sorti de ta carapace. Et tu sais qu'elle serait capable de beaucoup de choses pour toi. Tu devines que dans sa petite, elle est prête à réagir à toute situation qui t'implique, d'une façon ou d'une autre.

Quand elle te demande si tu as tué quelqu'un, tu sais que derrière, elle  réfléchit au meilleur endroit pour cacher un cadavre. Vraiment, que ferais-tu sans elle? Enfin bon, là, t'aurais préféré qu'elle ne te hurle pas dans les oreilles comme un putois. Ta tête est sur le point d'exploser. Aie. Ton visage se contorsionne dans une moue manifeste ton mécontentement. Autant tu pourrais tout faire pour Li Wei. Autant là, tu voudrais la bâillonner.

Tes mains se précipitent pour se coller à tes oreilles, cherchant à étouffer le bruit strident que vient d'émettre ton amie. Tu tombes à la renverse sur le lit et attrapes à l'aveugle ton oreiller pour te cacher dessous. T'aurais dû aller te coucher au lieu de l'appeler...

« Lili, cries pas comme ça ! J'ai déjà le cerveau en bouillie, pas besoin d'en rajouter une couche ! » geins-tu, étouffée dans le tissu.

« Y'a pas de quoi en faire un drame quand même ! T'aurais préféré  que je t'annonce que j'étais enceinte plutôt que de savoir que j'ai eu une aventure d'un soir avec une fille ? ». Tu lèves l'oreiller de ta tête pour lancer un regard interrogateur à ta meilleure amie. C'est vrai que pour toi, qui n'avait connu qu'un seul homme, te retrouver dans le lit d'une inconnue devait paraître étrange. Même toi, tu ne sais pas vraiment pourquoi. En tout cas, c'est pas Lili qui te donnerait une quelconque indication. La pauvre, elle s'est transformée en statue...

Jamais Li Wei n’aurait cru entendre ça. Byeol a couchée avec une femme. OMG. Cette Byeol qui n’a connu qu’un homme dans sa vie, qui montre une indifférence quasi-incroyable pour tous ces être humains qui l’entourent et qui ne posent les yeux seulement deux secondes top-chrono lorsque son amie bave sans fin jusqu’à inonder la faculté devant une paire de fesses. Non … Pendant deux secondes, la demoiselle a bien cru a une blague mais bien vite la tête de déterrée de son amie la ramenait sur terre. Damn, elle n’en revenait pas. Tellement, qu’elle ne put s’empêcher de regarder son amie – qui se plaignait de sa DOUCE voix au volume trop élevé – la bouche à moitié ouverte, l’air totalement perdue.

Il lui fallut bien deux minutes avant de reprendre ses esprits et c’est le regard inquiet de sa meilleure amie qui la fit revenir à la raison. Elle bougeait vivement la tête de gauche à droite. « Non, bien sûr que non ! Quoi que, je serai tata … Enfin bon, c’est choquant tu vois. J’aurais jamais cru que ça arriverai c’est tout. » Elle terminait sa phrase en haussant les sourcils d’un air indifférent puis lui affichait un léger sourire. Après tout, Li Wei n’est pas du genre a juger son amie peu importe ce qu’elle fasse. Elle l’aimera quoi qu’il arrive. « Comment c’est arrivé ? » Questionna t-elle en s’asseyant plus confortablement sur son lit.

Ca y est, tu l'as cassée ! T'as brisé ta meilleure amie en deux ! En trois, en mille morceaux même. La voilà qui bouge plus d'un poil. Finalement, t'avais fini par tuer quelqu'un. Mais là, il ne s'agit pas de n'importe qui. Et les idées loufoques, c'est Li Wei qui les a dans sa caboche. Pas toi. Oh non dans la tienne, y'a que de la bouillie. Ah non, fausse alerte ! Elle vient de battre des cils ! Son œil tressaute et elle referme la bouche. On dirait un peu un poisson rouge hors de son bocal, mais tu préfères ça.

Ah bah ça y est, elle respire de nouveau. Manquerait plus que ça. Faut pas te faire de frayeur comme ça ! Et enfin, elle se remet à bouger. Elle va finir par se décrocher la tête à la secouer comme ça. Beuh, rien que de la regarder, ça te donne la nausée. C'est toi ou la pièce tourne? Tu poses une main sur celle de ta meilleure amie pour la calmer et visiblement, elle revient à elle. Et une fois de plus, tu ne peux t'empêcher de rire aux paroles de Li Wei. « Je sais que tu feras une bonne tata, mais c'est pas pour maintenant ».

Tu sors enfin la tête de sous ton oreiller pour te poser confortablement dessus, la brunette faisant de même en s'installant dans le fond du lit. « Même moi au réveil, je me suis demandée comment s'est arrivé ... ». Tu soupires et les événements de la nuit dernière et de ce matin te reviennent. Tu roules sur le dos, les yeux rivés sur le plafond. « Je sais pas trop ... tu sais qu'à part mon ex, j'ai jamais connu personne d'autre. Mais j'ai bu et puis je t'ai perdu dans la foule et elle m'a, en quelques sortes, trouvé » dis-tu en pouffant de rire. Ca fait tellement niais. « Puis on a parlé et je sais pas, elle avait l'air de s'intéresser à moi et ça m'était pas arrivé depuis longtemps. Pas comme ça du moins. Et voilà ... ». Oui, et voilà.

CLi Wei n’en croyait pas ses oreilles. Jamais elle n’aurait imaginé une chose pareille. Déjà qu’elle avait extrêmement de mal à voir sa meilleure amie avec un homme mais alors une femme, c’est encore pire. Enfin, « pire ». Quoiqu’elle fasse, la chinoise aimerai toujours sa meilleure amie et jamais elle ne la jugerai. Byeol fait se qu’elle veut. Elle est grande, majeure et vaccinée. Hétéro ou homosexuelle, elle restera cette petite tête d’œuf goût bacon – parce qu’il faut se l’avouer, elle a un caractère de cochon - qu’elle a toujours connue.

Après avoir passé cette période de beug et de réflexion intense, la brune revient à elle et parvient à enchainer à nouveau des mots. Bien que cela soit une nouvelle plutôt rassurante, elle se trouve un peu déçue de découvrir que non, elle ne sera pas tata tout de suite. Bon. Byeol et Aidan sont les seules personnes qui pourraient lui offrir un titre de tante, bien qu’ils ne soient dans les deux cas liés par le sang. Mais ce détail ne compte pas , si ? La chinoise lui sourit puis écoute son amie poursuivre. Il est vrai que toute cette histoire était déroutante et que durant de nombreux mois, Li Wei restera choquée. « Tu te souviens de tout alors? » Demanda la brune les yeux écarquillés. « Enfin, je veux pas de détails. NON MERCI. Mais tu es sûre qu’il s’est passé quelque chose ? » Ne sait-on jamais peut-être qu’elles étaient dans le même lit à poil parce que … elles avaient chauds ? « De toute façon, ça ne sortira pas d’ici ! » Promis la brune mais ça Byeol le savait déjà.