Boo Ja fait partie de ces personnes dont le passé et le présent n'ont rien en commun. Pour lesquelles le passé n'est plus qu'une lointaine illusion. Une illusion que l'on souhaite oublier.

Des joues rondes, des bras potelés, des petites jambes qui supportaient à peine son corps et un ventre qui faisait penser à celui du père noël. Tel était le corps de Boo Ja. C'était une petite fille qui souffrait d'obésité. Obésité qui lui valut de nombreux surnoms vexants. La solitude l'entourait. Le peu de personne qui essayer de l'approcher repartait aussitôt bredouille. Elle ne se sentait pas bien avec elle-même alors comment pourrait-elle faire l'effort d'accepter d'autres personnes qu'elle ne connaissait que de vue. Elle se disait aussi qu'elle était inintéressante et que ces personnes finiraient bien par se lasser d'elle.

Elle est grosse, elle souffre. Souffrance qui s'intensifie vers onze ans. Le début de la puberté. Le regard des autres se fait de plus en plus critiques et les paroles hargneuses. Aussi grosse qu'elle puisse être, elle veut se faire toute petite dans un coin. Encore faut-il qu'elle ne soit pas trop grosse pour qu'elle puisse se cloîtrer dans un trou. L'ironie se fout d'elle. Boo Ja essaye de faire comme les autres, devant son miroir dans l'intimité de sa chambre. Elle remonte sa longue jupe pour imiter les mini-jupes que portent les autres filles de son âge mais au lieu de voir des jambes longues et gracieuses, tout ce qu'elle pouvait voir était deux gros jambons qui lui servaient à marcher. Ses jambes à elle n'était pas faites pour être admirées et parées de jolies jupes courtes.
Maman et papa veulent l'envoyer en centre d'amaigrissement. Boo Ja tremble d'effroi. Les centres d'amaigrissement lui font peur. Elle en a entendu parler et ce qu'il s'y passe n'est pas très jolie. Pour elle c'est comme les camps de concentration de la seconde guerre mondiale. Elle en pleurait à l'idée de devoir y aller.

A défaut de pouvoir aller dans la rue toute seule, Boo Ja se mit à courir tout en faisant le tour de la grande propriété dans laquelle elle habitait. Chaque matin, elle se ruait dans le jardin et faisait un nombre incalculable de tours. Lorsqu'il s'agissait de manger, elle serrait la bouche et fermait les yeux pour ne pas se resservir une double ration. Chaque fin de semaine, la balance donnait son verdict.
Monsieur et Madame Lim étaient stupéfaits. Ils voyaient leur fille se transformer de jour en jour. Ils apercevait cette lueur de détermination chaque matin dans les yeux de Boo Ja. Cette lueur qui disait "je vais y arriver et rien ni personne ne m'arrêtera".  
Chaque fois que Boo Ja enfilait un pantalon et qu'il lui tombait des hanches, un cri de joie s'échappait  de sa bouche.
Elle devenait de plus en plus ouverte. Son monde devenait de plus en plus accessible. Petit à petit, le sport était devenu une drogue. Elle ne pouvait plus s'en passer. En voyageant de pays en pays, d'îles en îles avec ses parents, elle s'était adonnée à différents sports qu'on ne pratiquait que très peu en Corée. Elle était devenue avide de tout les sports et de sensations fortes.

Sa personnalité devenue flamboyante lui valut de nombreux nouveaux amis. Elle était devenue celle qui faisait rire tout le monde de par ses délires qui ne manquait pas d'originalité.
Boo Ja se disait toujours que lorsqu'elle se sera mince, elle pourra enfin porter des jupes courtes et des robes sans se sortir gênée. Une fois son but accompli ce ne fût pas ainsi. Elle se sentait beaucoup plus à l'aise avec des pantalons et des t-shirts toujours un plus grand qu'elle. La féminité, ce n'était vraiment pas son truc, grosse ou pas grosse. Cela n'avait rien avoir avec son poids.
De nombreuses fois, elle s'était faite désignée par des appellations telles que "jeune homme" ou "il". Bizarrement, elle ne prenait même pas la peine de faire remarquer à certaines personnes qu'elle n'avait aucun truc qui pendouillait entre les jambes.
Boo Ja admirait autant les garçons que les filles même si elle avait une légère préférence pour les filles. Au début cela lui a fait étrange de se l'admettre mais avec les premières relations amoureuses, ce sentiment s'était évaporé.

Aujourd'hui, Boo Ja étudie l'audio-visuelle. Son objectif: travailler dans les plus grandes maison d'animation. Pour elle c'est un métier qui pourrait être qualifié de passion.