« Je ne suis pas non plus fragile à ce point-là, ne t’en fais pas. » répondit-elle en souriant. Ce n’était pas son premier hiver en Corée, loin de là, et le corps s’habituait plus ou moins au froid. En tout cas, c’était le cas de celui de So Hyun. Au début, les températures négatives la frigorifiaient, puis à force de les affronter, elle s’y habituait. Lorsque les vagues de froid gelant la rivière Han passaient, le 1 degré de l’après-midi se ressentait comme un trente-cinq degré en plein été. « D’accord ! » Ça ne dérangeait pas So Hyun de marcher. D’ailleurs, étrangement, malgré le monde autour d’elle, elle n’était pas particulièrement angoissée ou sur ses gardes. C’était sans doute parce qu’elle était en présence de Seo Eon, qui était pour elle une figure de protection importante. « Mh, je n’ai pas de concept particulier en tête, en réalité » répondit-elle avec un sourire timide. Elle était complètement embarrassée qu’il la prenne en photo ainsi, sans la prévenir, mais elle ne pouvait pas vraiment lui reprocher non plus, c’était elle qui avait parlé de prendre des photos en premier. « Et toi ? » Peut-être était-il plus inspiré ?

Loin d’être particulièrement frileux, l’étudiant n’arrivait pas à s’habituer aux températures dès lors qu’elles étaient excessives – froides ou chaudes. L’hiver était installé depuis longtemps mais pour autant, il lui arrivait encore de s’étonner que le froid lui mord autant la peau alors qu’il est couvert. « Hmm. Pourtant, tu donnes l’impression d’être celle qui tombe malade la première » charria-t-il, car dans un groupe d’ami, il fallait toujours quelqu’un du genre, une sorte d’alerte humain qui choppe la première crève, la première gastroentérite, la quinte de rhume du au pollen, et encore. Il s’inquiétait toujours, mais pas trop non plus pour ne pas paraitre plus excessif qu’il le montrait déjà (par sincérité et jeu à la fois). « Pas vraiment, et puis tu sais bien que si je devais choisir un concept, ce sera un solo shooting » répondit-il en souriant doucement, il préférait la prendre en photo, c’était plus amusant à faire en vérité, surtout lorsqu’il s’agissait de l’immortaliser sans prévenir, comme il venait de le faire à l’instant. « Mais ça, tu n’aimes pas trop ». C’était de loin un reproche, ils en avaient parlé. Hormis se promener, discuter de tout et de rien, ils ne leur restaient qu’à profiter du paysage, du simple fait d’être ensemble.

So Hyun tombait quasiment toujours malade en première, son copain avait raison. Il prenait plaisir à la taquiner en disant que c’était parce qu’elle s’habillait trop légèrement dans les saisons fraîches voire froides mais So Hyun pensait juste que c’était à cause de son corps, pas de ses habits. Elle était un aimant à microbes et elle était persuadée que, en pull ou en robe, si quelqu’un avait un grippe autour d’elle, elle serait la prochaine à l’attraper. « Ce n’est pas faux mais j’étais malade il y a quelques jours, normalement j’ai les anti-corps. » En tout cas c’est ce que disaient certaines personnes quand elles venaient de tomber malade, pour se rassurer. So Hyun se disait ça aussi ; au moins, je l’ai attrapée, donc je ne le ré-attraperai pas. C’était parfaitement faux. C’est arrivé plusieurs années qu’elle attrape la même maladie plusieurs fois ; et pourtant, il fallait bien se consoler avec quelque chose. « Personne n’aime ça, oppa. C’est justement parce que les gens n’aiment pas être pris en photo au dépourvu que tu aimes les prendre au dépourvu. »

« Et ça sort aussi peu couvert ? C’est du jolie franchement » déplora-t-il, fronçant légèrement les sourcils car le fait qu’elle ne prenne pas davantage soin d’elle l’ennuyait quelque peu. Malade, elle l’inquiétait davantage. Malade, ils ne pouvaient pas se voir non plus. « J’imagine qu’à notre prochaine sortie, il me faudra prendre des affaires en double vu que tu es tête en l’air », murmura-t-il, lèvres pincés, mine boudeuse, lui faisant une légère pichenette sur le front. Si seulement elle pouvait prendre plus soin d’elle qu’elle ne faisait attention à lui, il ne lui en voudra pas. « Des shootings solo ? tu parles, j’ai des amis qui en ont limite marre de devoir prendre des photo à longueur de temps pour leur petite amie… juste pour que ça se termine sur instagram » il trouvait ça drôle pour sa part de les entendre se plaindre, car en même temps, ses amis ne faisaient pas mieux. « Exactement… c’est beaucoup plus drôle et plus.. naturel niveau rendu »

Elle sourit. « Mon pauvre oppa. Si tu ne changes pas, tu risques de passer ta vie à t’inquiéter pour moi, à cause de mes habits ou à cause d’autre chose… » Elle le taquinait mais c’était à moitié vrai. Il trouvait toujours quelque chose à lui reprocher et sur lequel il voulait s’inquiéter. « Tu vas développer des maladies dues au stress pendant que moi j’aurai des petits rhumes. » L’idée la faisait rire. « À notre prochaine sortie, je viendrai chaudement couverte. » Elle prévoyait sérieusement de le faire. Déjà, aujourd’hui, elle avait pris un manteau chaud, même s’il ne correspondait pas aux critères de chaleur de Seo Eon. « En même temps, c’est narcissique de la part des petites-amies de demander à leur copain de faire des shooting solo s’ils n’aiment pas ça. » So Hyun n’aimait pas tout reprocher aux garçons, pour en avoir observé quelques unes, elle trouvait que certaines filles étaient aussi stupides que certains garçons. « Mais si tu disais ça pour que j’en déduise que j’ai le meilleur petit ami et le plus attentionné, je ne te contredirai pas. » conclut-elle avec un sourire taquin. Il voulait se faire des louanges.

«Ah non, il n’est pas question que je passe ma vie à m’inquiéter » contesta-t-il, hostile à l’idée de devoir retrouver Sohyun vêtue toujours trop légèrement alors qu’elle était l’amie qui tombait malade la première… et aussi la dernière histoire de bien fermer la saison des maladies saisonnières. Ses anti-corps étaient bien trop faibles et puis, elle ne prenait pas suffisamment soin d’elle, elle se surestimait. « Sauf si mes remarques ne sont qu’une douce mélodie à ton oreille, tu ne voudrais pas plutôt être complimentée ? » Il n’allait pas non plus lui dicter sa façon de s’habiller, ni même la monitorer mais tout de même, parfois il se demandait s’il devait pas lui offrir ses services. « J’ai hâte de voir ça alors » répondit-il, rassurée par cette promesse.

« Je ne pensais pas conclure de cette façon-là, mais finalement ça me plaît bien » déclara-t-il en balançant un peu plus vigoureusement leur main alors qu’ils marchaient. « Je voulais simplement dire, qu’avoir un photographe sans le demander, est un luxe » et puis, ce ne serait pas son genre d’aller édulcorer la vérité à ses amis et leur dire qu’elle le forçait à prendre des photos, loin de là. Et puis, il n’en parlerait tout simplement pas. Il était discret sur ces sujets-là.

« T… toi… me.. complimenter ? Ce Ong Seo Eon-là, celui-là, me complimenter ? » Elle porta sa main à sa bouche et mima une expression surprise, comme si on venait de lui annoncer la nouvelle la plus surprenante du siècle… ou la plus improbable. « Si c’est hors de ma portée de m’habiller chaudement, c’est hors de la tienne de ne rien me reprocher. Honnêtement, si ce n’est pas la chaleur de mes vêtements en hiver, c’est la couleur en été ! » releva t-elle en rigolant. Elle ne s’en plaignait pas. Si ça la dérangeait vraiment, elle ne sortirait pas avec lui comme ça. Elle aimait bien ce côté chipoteur, parce que ça l’obligeait à se demander ce qu’il trouverait la prochaine fois. Il était toujours anormalement créatif pour trouver des excuses pour se plaindre de quelque chose.

Son sourire s’agrandit. « Tu es donc un luxe pour moi, Seo Eon ? » Elle jouait sur les mots, comme il lui avait si bien appris à le faire. Lui faire dire ce qu’il n’avait jamais dit. C’était tellement amusant. Et ça permettait de détourner cette conversation, qui aurait été trop sérieuse s’ils ne passaient pas leur temps à se taquiner mutuellement.

Il grimaça, lui attrapant le poignet pour le faire baisser, outré par les propos de sa petite-amie. « Héééé, à t’entendre, on pourrait croire que je ne dis que des choses affreuses » contesta-t-il en riant. C’est vraiment qu’il ne la complimentait rarement voire jamais sur son style vestimentaire maintenant qu’il y repensait, « mais en même temps, ce n’est pas ma faute si tu fais toujours des faux-pas fashion ! ». Il n’était pas critique de mode mais n’importe qui pourrait se poser des questions sur le choix des vêtements de Sohyun, ou des couleurs. Il se souvenait encore d’une broche horrible jaune tricoté l’été dernier. « Peut-être que si tu faisais des efforts, je pourrais te complimenter tout simplement. C’est drôle que tu excelles dans plusieurs domaines… sauf celui-ci ! » releva-t-il en riant doucement. En vérité, cela ne le dérangeait pas tant que ça sauf lorsqu’elle finissait par être malade à cause de ses bêtises. Ce n’était pas avec une broche, qu’elle allait attraper un coup de soleil en été. Mais un jean troué, un haut qui laissait découvrir son estomac dès qu’elle levait un peu les bras, pas de chaussette, oui.

« Parce que ce n’est peut-être pas le cas ? », il refusait d’y répondre et lui renvoyait la balle. Peut-être qu’il donnait déjà une idée de la réponse, mais il ne l’affirmait pas pour autant. Son arrogance n’allait pas jusque-là.

So Hyun rigola. « Mais tu ne dis que des choses horribles oppa ! Il faut que tu le saches ! » Bien sûr, c’était faux. Encore heureux. Personne ne voudrait de quelqu’un qui ne cesse de se plaindre de tout, à part peut-être les personnes masochistes ou avec un énorme manque d’amour pour soi. Ce n’était pas le cas de la jeune femme. « Tu pourrais tout aussi bien ne rien relever ! » surenchérit-elle. Elle savait répondre, maintenant. Elle ne laisserait plus les débats se terminer comme lui le voulait. « Yah ! Ce n’est pas que je n’excelle pas, c’est que je ne fais pas d’efforts ! » Elle fit semblant d’être scandalisée par ce qu’il sous-entendait, mais une nouvelle fois, c’était juste pour l’embêter. Il fallait l’admettre ; personne ne pouvait être bon en tout.

Elle haussa les épaules. « Je ne sais pas. Dire que tu es un luxe pour moi, c’est sous-entendre aussi que je ne suis pas assez bien pour toi. Tu en penses quoi ? » Elle leva les sourcils en l’observant.

L’option de ne rien relever était envisageable à vrai dire, maintenant qu’il y pensait. « Oui mais non, tu ne sais pas que tu as cette petite lueur dans ton regard qui, chaque fois qu’on se voit, ne demande qu’une chose, savoir si cette fois, tu as réussi à te surpasser » rétorqua-t-il en évitant soigneusement de pouffer de rire en repensant à cette expression qu’elle avait à chaque fois qu’ils se rencontraient sur le point de rendez-vous. Il était presque obligé de commenter, pour cette petite lueur et puis, parce qu’il n’allait pas non plus lui lancer des fleurs, ou ignorer simplement sa tenue étrange et en complet décalage. « Justement, c’est parce que tu fais des efforts à chaque fois… que je suis forcé de dire que ce n’est tout simplement pas ton domaine de prédilection », même sans être exigeant, il pouvait toujours relever quelque chose malheureusement.

« Pffft. C’est quoi ce raisonnement étrange » pouffa-t-il finalement à l’entende sa réponse. Il s’arrêta et l’arrêta un instant, tellement la réponse l’avait pris de court. Lui attrapant le visage avec tendresse, il se pencha pour lui dire « Sache pour ta gouverne que si je devais être un luxe, ce ne serait que pour toi.. qui est bien meilleure que moi et que le plus chanceux.. c'est certainement moi.»