Jia Xin n’avait jamais pensé qu’Hoon pouvait être rassurant. Elle qui l’avait toujours trouvé très collant, bavard, séducteur, chiant… Elle n’aurait jamais imaginé se retrouver dans ce café, à discuter avec lui de ce qui venait de se passer. Elle n’aurait jamais imaginé pleurer devant lui, et pourtant, c’était bien le cas. La sango pleurait devant le jeune homme, celui qu’elle avait toujours tenté de fuir, celui qui l’agaçait, celui qui l’avait faite soupirer et lever les yeux au ciel un milliard de fois. Jia Xin renifla discrètement, passant sa manche sur ses joues humides, séchant ses larmes. Elle redressa doucement la tête, osant regarder le sango alors qu’elle avait les yeux rougis et bouffis. Elle haussa les sourcils, surprise, à sa question. Sa question sortait vraiment de nulle part mais, à près tout, Jia Xin lui avait demandé de changer de sujet et il le faisait, à merveille. Un mince sourire illumina un peu son visage. Il avait choisi un très bon sujet. « J’adore les animaux, surtout les chiens et les chats. » Avoua-t-elle. « J’aimerai beaucoup en avoir un aussi mais je ne peux pas… » Dit-elle en faisant une moue triste et déçue, avant de prendre sa boisson et de boire une gorgée. « Tu aimerais adopter quelle race de chien ? » Demanda-t-elle, les yeux pétillants. Elle avait toujours aimé les animaux mais elle ne pouvait pas en avoir à cause de son petit frère, allergique aux poils de chien et de chat. Ça ne l’empêchait pas, en revanche, d’aller en garder pour des particuliers, étant pet-sitter. Cependant, elle prenait toujours soin de bien nettoyer ses vêtements avant de rentrer ou de les mettre directement à la machine pour éviter une crise d’éternument à son frère.

Cela faisait un moment que l’idée lui trottait dans la tête. Bien entendu, Hoon n’habitait pas seul : il séjournait chez les sango de temps en temps et chez sa meilleure amie le reste du temps. Alors prendre un animal était délicat, puisque ça impliquait forcément d’imposer ça aussi chez sa meilleure amie. Pourtant, l’idée avait grandi en lui et plutôt que se demander si c’était faisable ou non, il se surprenait à se demander quel race de chien il voulait et quel nom il pourrait lui donner. Il savait déjà qu’il finirait par céder et qu’il ne lui restait plus qu’à trouver le chien qui le fera craquer. Pour l’instant, tout était encore indécis, alors il n’en avait parlé à personne, mais ça semblait être le sujet idéal dans l’immédiat. Aucune prise de tête et, en plus, Jia Xin semblait réjouie à l’idée de parler de ça. Au moins, il avait réussi son coup, il pouvait remercier son futur-chien. « Pourquoi tu ne peux pas ? » demanda t-il dans une indiscrétion qui lui était propre. Il ne se demanda même pas quelle pouvait être la raison, si c’était simplement parce qu’elle était en dortoir ou s’il y avait quelque chose de plus profond. « Je ne sais pas encore, c’est plutôt flou mais ce qui est certain, c’est que je veux un petit chien ! » s’exclama t-il d’un air sûr de lui. « J’ai rien contre les gros chiens mais ils manifestent leur enthousiasme avec trop de force et un être vivant qui te fout au sol parce qu’il est content de te revoir, j’en ai déjà un dans mon entourage et ça me suffit amplement ! » dit-il en riant, faisant référence à Athena. « Je veux un chien petit et mignon, un peu comme moi, tu vois ? » compléta t-il avec un sourire en coin, sachant pertinemment que sa remarque était bondée de narcissisme.

Jia Xin avait toujours rêvé d’avoir un animal de compagnie mais c’était impossible. Elle en avait souvent été triste mais, elle s’était faite à l’idée. Et puis, maintenant, elle était pet-sitter et pouvait garder régulièrement des animaux alors… ça lui suffisait ! Elle préférait ça, plutôt que mettre en danger la santé de son petit-frère avec un caprice. L’étudiante se pinça les lèvres à sa question. Elle n’avait pas spécialement envie de s’étaler sur la réponse, expliquer les soucis de son petit-frère, qu’il était handicapé et que s’ils avaient un animal, il devrait encore prendre des médicaments, aller encore plus souvent à l’hôpital et… Bref, Jia Xin n’avait pas envie d’en parler. « Mon petit-frère est allergique. » Se contenta-t-elle de dire, sur la réserve. Il n’avait pas besoin d’en savoir plus. « Oh, je préfère les gros chiens, moi. » Avoua-t-elle avant de l’écouter expliquer pourquoi il ne souhaitait pas avoir un gros chien. Elle ne put s’empêcher de rire en même temps que lui. Et, il lui semblait bien que c’était la première fois qu’elle riait en sa compagnie. Jia Xin roula des yeux à ses paroles le qualifiant de petit et mignon. « Mignon, je ne sais pas. Petit, oui. » Confirma-t-elle, esquissant un sourire amusé tandis que ses yeux continuaient de pétiller, oubliant tous ses tracas, ce qui s’était passé tantôt, à la fête. Et Jia Xin lui en était très reconnaissante. « Mais, ce n’est pas interdit au dortoir ? » Demanda-t-elle soudainement, inquiète.

Il hocha la tête à la réponse simple et efficace de Jia. « Ah, c’est vrai que c’est courant ! » s’exclama t-il simplement, sans se demander une seule seconde si c’était vrai ou faux. Il savait juste qu’il avait bien de la chance de ne pas être allergique aux poils d’animaux parce qu’il en serait bien malheureux. « Sérieusement ?! » dit-il avec un air ébahi. « Ça t’impressionne pas ? Quand ils viennent vers toi en galopant pour te sauter dans les bras alors qu’ils peuvent être plus lourds que toi ?! » Il exagérait peut-être, mais pas tellement, parce qu’il avait rencontré des chiens de plus de soixante kilogrammes et ça pouvait s’avérer très impressionnant. Enfin, pour l’impressionner, il n’en fallait pas beaucoup : certes. Il eut une moue lorsqu’elle refusa de reconnaître qu’il était mignon mais il haussa les épaules. « Tu peux continuer à nier, mais un jour viendra où la réalité explosera et tu seras contrainte d’admettre que je suis petit et mignon ! » affirma t-il, sûr de lui. « Si, c’est interdit au dortoir, mais certains étudiants contournent l’interdiction, tu sais. » Il avait déjà entendu des miaulements en pleine nuit et il était certain de ne pas être devenu fou. Il y avait un chat enfermé dans une des chambres… sans doute. « Mais bon, en ce qui me concerne, je ne dors pas toujours dans le dortoir. Je passe aussi du temps chez ma meilleure amie – enfin je dis que c’est chez elle pour lui faire plaisir, mais pour de vrai, je passe autant de temps qu’elle là-bas et j’y ai ma chambre. » C’était chez elle parce qu’il fallait bien qu’il y ait un seul propriétaire, mais en réalité, ça appartenait aux Starters.

Jia Xin ne s’étala pas spécialement sur les raisons. Elle n’avait pas envie d’expliquer la situation de son petit-frère, et donc, la sienne. Elle n’était pas au point de se confier ainsi à Hoon. Pas encore. L’étudiante écarquilla un peu les yeux, surprise de la réaction du jeune homme. « Euh, oui, sérieusement. » Dit-elle, un peu étonnée. Elle secoua négativement la tête. « Pas le moins du monde. » Dit-elle en esquissant un sourire. « J’ai l’habitude, je suis pet-sitter à mes heures perdues alors… » Ajouta-t-elle en haussant les épaules. Plus elle discutait avec lui, plus elle se dévoilait. Si parler de sa famille restait encore secret, dévoiler certains choses sur elle ne la dérangeait plus autant. Jia Xin refusa de reconnaitre qu’il était mignon. Quand elle l’avait rencontré, elle ne l’avait pas du tout trouvé mignon. Mais, il était vrai que, si elle s’attardait un peu… Elle le trouvait mignon mais, ça, jamais elle ne le dirait. L’étudiante haussa un sourcil. « Dans tes rêves. Je n’admettrais jamais ça. » Dit-elle en secouant la tête, bien convaincue que ses mots ne sortiront jamais de sa bouche. Et puis, elle fut inquiète des règles du dortoir. Elle s’y pliait, c’était dans sa nature mais, apparemment, pas dans celles de Hoon et elle aurait dû s’en douter. Il ne respectait pas son espace vital alors pourquoi respecter des règles ? « Hm, c’est vrai que j’ai déjà entendu des miaulements… Pas toi ? » Demanda-t-elle. Puis, il lui expliqua finalement qu’il n’était pas tout le temps au dortoir. Si elle le pensait chez ses parents, ce n’était pas du tout ça. « Oh, je vois… Je ne savais pas que tu vivais ailleurs que chez tes parents et qu'au dortoir. » Confia-t-elle. Elle, elle rentrait tout le temps chez son père.

Un jour, il s’en rappelait très bien, Hoon était allé chez un ami qui avait un très très gros chien. Le chien, jeune et enthousiaste, avait été tellement heureux de rencontrer quelqu’un qu’il avait couru, couru, traversé tout le jardin pour venir se nicher dans les bras d’un Hoon encore adolescent. Avant qu’il ne s’en rende compte, il s’était retrouvé au sol, complètement écrasé depuis l’animal. Et depuis, Hoon craignait les grands chiens. Il n’en avait pas peur au sens propre du mot : il les caressait et jouait avec eux sans souci. Mais il était toujours sur ses gardes, bien droit sur ses deux jambes pour se préparer à toute éventualité. « Pet sitter ? Tu veux dire que tu gardes des chiens en étant payée ? » demanda t-il, en fronçant les sourcils. Il n’avait jamais entendu ce terme jusqu’à là, ou en tout cas il n’avait pas fait attention. « C’est sympa ! Mais tu n’es jamais tombée sur des chiens horriblement mal-élevés ? » Ça devait être l’enfer d’avoir à garder un chien qui n’a jamais été bien éduqué. Il ne voulait même pas y songer : pour lui, c’était hors de question. Il passa sur le fait qu’elle refusait d’admettre combien il était mignon et enchaîna sur autre chose. « Ah ! Toi aussi, tu les as entendus, ces miaulements ! » s’exclama t-il, d’une voix un peu trop forte. Au fond, il avait eu peur d’être devenu cinglé. « Un soir, j’ai entendu des miaulements qui ne s’arrêtaient jamais… pendant un instant, j’ai cru être dans un film d’horreur ! » D’ailleurs, il avait mis ses écouteurs pour ne plus l’entendre. « J’aime bien le dortoir, mais il y a trop de règles. Et j’aime bien chez moi, mais je suis surprotégé par ma mère. Je ne m’en plains pas, bien au contraire, mais c’est bien d’avoir sa liberté, tu vois ? » dit-il en souriant.

Jia Xin n’était pas très étonnée qu’Hoon ne connaisse pas. Ce n’était pas très courant et commun, ça ne courrait vraiment pas les rues. Et seuls les propriétaires d’animaux cherchaient des pet-sitters. « Oui, c’est ça, et même des chats. Je m’occupe d’eux durant l’absence de leurs propriétaires. » Expliqua-t-elle avec un sourire. Parfois, elle se demandait si elle n’aurait pas dû se lancer dans des études de vétérinaire tellement elle aimait prendre soin des animaux et être auprès d’eux. Elle réfléchit un instant à la question du jeune homme. « Hm, non. Je suis toujours tombée sur des chiens et des chats très gentils et bien éduqués. » Déclara-t-elle avant de l’informer que, jamais, elle n’admettrait qu’il était mignon. Puis, elle se rappela les miaulements dans le dortoir et en fit part au sango. « Oui ! » S’exclama-t-elle à a suite, hochant vivement la tête. « Un film d’horreur ? » Demanda-t-elle, riant légèrement. « En quoi ça fait film d’horreur des miaulements ? » Ajouta-t-elle. « Oui, je vois. » Acquiesça-t-elle. Elle n’avait pas cette chance. Elle devait forcément rentrer pour s’occuper de son petit-frère et de la maison, son père n’ayant pas le temps avec son travail. Elle ne pouvait pas se permettre de ne pas rentrer, de rester au dortoir ou d’aller dormir chez une copine. Depuis que sa mère est morte, Jia Xin avait pris le rôle et ne comptait pas – ne pouvait pas – le quitter de sitôt. Elle rêvait de cette liberté...

Le jeune homme fronça les sourcils. « Ah, mais donc ça peut durer plusieurs jours ? » demanda t-il, un peu interloqué. Dans sa tête, c’était juste garder un chien pendant trois ou quatre heures le temps que le maître fasse quelque chose d’autre : mais si elle gardait des chats, qui eux, étaient capables de rester trois quatre heures sans être surveillés… c’est sans doute que la durée excédait les trois quatre heures. Ou que les maîtres étaient complètement gagas de leurs animaux. « La Corée est quand même très centrée sur les animaux domestiques, surtout sur les chiens. Quand je suis arrivé de Atlanta et que j’ai vu pour la première fois un petit chiot baladé en poussette, j’ai compris que c’était vraiment une nouvelle culture ! »> Aussi outrant que cela puisse paraître, même aux coréens, c’était pourtant chose commune : et plus les années passaient, plus ça devenant courant. « Tu as eu de la chance, j’espère que ça va durer... » répondit-il, sincèrement. « Bahhh, je sais pas moi ! Un démon qui miaule ! Ou un humain possédé par l’esprit d’un chat ! Ça peut faire penser à pas mal de trucs ! » Il essayait de se justifier comme il le pouvait. « Tu sais, ces trucs là arrivent toujours quand on s’y attend le moins... » dit-il, d’un ton qu’il laissait entendre qu’il s’y connaissait.

Jia Xin hocha la tête. Il ne connaissait vraiment pas le métier. « Oui, effectivement. Ça peut durer 1 semaine comme 3. Le plus longtemps que j’ai fait, c’était 2 semaines. Le propriétaire m’avait confié ses clefs et je devais passer régulièrement pour voir si tout allait bien, que son chat avait bien de la nourriture, de l’eau… » Expliqua-t-elle au jeune homme avec un léger sourire. Puis, elle haussa les sourcils, surprise d’apprendre qu’il venait d’Atlanta. Elle ne le connaissait vraiment pas bien… « Oh, oui, c’est sûr que c’est surprenant… » Dit-elle avec un léger rire. Elle n’était pas très adepte de la promenade de chiot en poussette mais, il était vrai qu’elle en croisait régulièrement. « J’espère aussi ! » Répondit-elle. Pour l’instant, elle n’avait eu que des chiens et des chats vraiment gentils et bien éduqués. Elle n’avait rencontré que des propriétaires sympathiques. La jeune femme exposa qu’elle avait déjà entendu des miaulements dans le dortoir et elle fut rassurée d’apprendre que le sango aussi. Elle ne les avait pas rêvés. Jia Xin l’écouta, la bouche légèrement entre-ouverte, un peu ébahie par ce qu’il lui racontait. Elle resta plusieurs secondes sans rien dire, avant d’éclater de rire. Un rire franc, sincère, qui emplissait la pièce. « Qu’est-ce que tu racontes là ? » Demanda-t-elle entre deux rires, ne pouvant s’arrêter tellement c’était absurde. Elle s’essuya le bord des yeux. « Et tu vas aussi me dire que les chats vont bientôt dominer le monde et toutes ses conneries ? » Ajouta-t-elle, riant toujours, sa main cachant sa bouche.

Il hocha la tête, un peu fasciné. « Et quand tu t’occupes deux semaines d’un animal, c’est pas trop dur de le quitter en te disant que tu le reverras plus jamais ? » demanda t-il, curieux. « Je dis ça parce que je serais du style à trop m’accrocher, et très vite » Il n’était pas comme ça qu’avec les animaux d’ailleurs, bien au contraire : il s’accrochait bien trop vite aux gens et ça lui avait causé pas mal de déceptions. Pour autant, il ne changeait pas, parce qu’il aimait être comme il l’était et il ne s’imaginait pas être méfiant avec les autres. Ça ne lui ressemblait pas du tout. « C’est plus que surprenant, si tu veux mon avis, c’est carrément malsain ! Un chien, c’est adorable, mais ça reste un chien... » Il disait ça en sachant qu’il deviendra complètement poule de son futur-chien : mais quand même, le mettre dans une poussette, c’était vraiment trop placer le chien à la place de l’enfant de la famille et ce n’était pas sain. Surtout que les chiens mourraient bien plus tôt que les enfants, du moins en général. Perdant son air sérieux, il se mit à rire légèrement en entendant Jia éclater de rire. Jamais ils n’avaient vraiment discuté normalement, tous les deux, et c’était la première fois qu’elle riait autant en sa présence. Il était plus que ravi de la voir dans cet état-là : non seulement son coeur battait un peu plus fort à chaque rire parce qu’elle était particulièrement belle en souriant, mais en plus il était fier d’avoir réussi à lui changer les idées, ne serait-ce que pour un instant. N’empêche que, même s’il riait avec elle parce que son rire était contagieux, il était sérieux en disant ça : il s’était vraiment imaginé de tels scénarios. « Ouh là, avant de dominer le monde, il faudrait qu’ils me battent et ça, c’est pas tâche aisée ! » dit-il sérieusement, mais sans perdre son sourire. « Mais mets-toi à ma place, j’étais seul dans ma chambre, en pleine nuit, et j’entendais des miaulements dans un dortoir où les animaux étaient interdits… forcément que c’est pas rassurant ! » reprit-il, avec une moue.