Mes mains posées sur mon sac, j’hésite encore quelques secondes, fais la moue et regarde le temps. Il est encore tôt, beaucoup trop tôt pour le genre de personne comme moi. Je déteste le matin, et bien que j’aie cours dans deux heures je suis déjà debout à tout préparer. J’ai longtemps réfléchis à cette journée, si je devais me lancer, oublier… puis j’ai finalement comprit que je devais le faire. Non ! Plutôt que j’avais envie de le faire ! Je n’en ai parlé à personne, seulement à moi et j’étais plutôt ravi de ma décision. Ce jour concerne Ye Won... c’est son anniversaire, un jour comme les autres durant ces trois dernières années mais il s’est passé des choses dans ma tête… J’ai pensé à elle, aux questions qu’elle m’avait posées et ces phrases que je n’ai pas su lui dire. Aujourd’hui j’ai quelques réponses mais aucune opportunité pour les lui dire. Alors ça s’est instauré comme ça dans mon esprit. J’ai essayé de la croiser, mais jamais je ne trouvais la possibilité de lui parler. Je sais que c’est de la folie, que si j’en discutais avec Kitae il me dirait de laisser tomber. Mais… je suis comme ça, imprévisible. J’aime faire des choses inattendues, me lancer des défis. Et avouons-le essayé de parler à Ye Won me parait être un défi de taille. Il m’a fallu quelques bonnes heures pour me préparer, j’avoue avoir changé deux à trois fois de tenues, pour finalement revenir sur la première. Je ferme mon sac, un sourire aux lèvres avant de le jeter sur mon épaule. Mes clés de voiture en main et ma guitare dans l’autre, j’étais enfin paré pour exécuter mon plan. Dans les couloirs, je croise déjà des visages connus, mais pas celui que j’espérais voir. Connaissant quelques têtes qui trainaient avec elle, je me renseigne sur ses horaires et les prochains cours qu’elle doit avoir. Il m’a fallu peu de temps avant d’avoir ma réponse et c’est le cœur battant que je parcours le reste de l’université à la recherche de ma voiture. Mes affaires dans le coffre, je m’installe, jette un regard à l’heure et inspire doucement avant d’enclencher le contact. Je me rapproche du bâtiment où elle est censée se trouver… un peu nerveux, mes doigts claquent le cuir usé du volant alors que mes yeux cherchent désespérément sa silhouette. Puis mon cœur rate un battement en la voyant à seulement quelques mètres de là. Brusquement, j’hésite… et si elle se met à crier ? Si elle décide de me lacérer le visage ? Je ris à mes pensées, puis souffle un bon coup pour me donner le courage qu’il me faut. J’approche un peu plus ma voiture, inspire et sors rapidement. Je sais que mon attitude va paraitre étrange, encore plus lorsque mes pas accélèrent alors que j’avance d’un pas décidé vers elle. J’ai peur qu’elle m’aperçoit, alors je fais plus vite pour arriver à sa hauteur et l’interpelle « Ye Won ! ». Je lui accorde un sourire malicieux et presque un peu désolé. Parce-que je le suis… pour ce que je m’apprête à faire. Mais je ne lui laisse pas le temps de réagir, déjà proche d’elle, je m’empresse de passer mes bras autour de sa taille et la soulève comme une vulgaire poupée. « Désolé ! Tu n’iras pas à ton cours. Tu viens avec moi. » et je ris. Cette scène n’a surement aucun sens, mais je m’en fiche. Je la serre plus fort, pour éviter qu’elle ne se débatte et me précipite à nouveau vers ma voiture. Ça ressemble à un enlèvement, je suis encore plus douteux quand j’ouvre en grand la portière et la force à aller à l’arrière. Je claque fort la porte, me presse déjà à l’avant et enclenche aussi vite le contact pour démarrer en trombe. Oui, effectivement… c’est douteux, et comme je crains qu’elle se mette à crier « Je sais que tu vas vouloir appeler à l’aide, alors je t’ai piqué ça. », je lui montre son téléphone que j’ai pris soin de voler dans sa poche. Je le mets dans le mienne, alors que je lâche un nouveau rire. J’ai conscience qu’elle ne doit rien comprendre et qu’elle doit surement me haïr, mais je sais qu’elle me déteste déjà. Alors un peu plus un peu moins. « Je sais que si je t’avais demandé d’aller quelque part, tu aurais refusé ! Alors je te force à venir. » Je l’enferme dans la voiture, jetant un coup d’œil à l’arrière. J’ai presque envie de m’excuser de l’avoir un peu brutalisé, mais… je trouve la situation amusante, du moins pour l’instant. 

tenue// C’est une journée banale pour le commun des mortels. Une fin de semaine comme il y en a tant. La bonne humeur typique du jour, et le week end qui se profile à l’horizon. Pourtant, c’est un jour un peu spécial pour toi, même si à ton réveil, tu n’y prêtes pas réellement attention. T’as passé la nuit à dormir dans le canapé de la salle commune, encore une fois. T’as encore eu du mal à t’endormir correctement, et n’a réussi à trouver le sommeil qu’après de longues heures à tourner en rond. Mais les pyobeom ont l’habitude depuis longtemps, de te retrouver au petit matin un peu partout dans la maison, mais rarement dans ton lit. Machinalement, tu t’es levée, t’es partie te préparer. Comme n’importe quel matin, comme si aujourd’hui n’avait rien de particulier. Il faut dire, tu ne fêtes plus aussi bien ton anniversaire, depuis que Yejun est parti. Vous aviez l’habitude de passer la journée ensemble, juste tous les deux. A refaire le monde, à faire une liste de défis pour l’année à venir. Mais tout ça est terminé depuis longtemps, et parfois, tout devient plus fade quand tu te mets à y penser. Alors t’oublies un peu cette idée, t’habilles rapidement avant d’aller boire un café, grignoter rapidement quelque chose pour ne pas avoir l’estomac vide. Tu ne prêtes pas spécialement attention aux gens autour de toi, préférant te concentrer sur la journée qui t’attend lorsque tu prépares ton sac. Puis tu pars, ton sac à ton épaule, tes clés à la main. Un trajet en musique pour tenter de mettre un peu de bonne humeur dans cette journée qui t’attend. Parce qu’au final, ça reste quand même ta journée. Garée au parking des élèves, tu restes assise quelques secondes de plus, profite des dernières notes de musique pour laisser s’échapper un soupire, relâcher la tension que tu traînes depuis plusieurs jours. T’as besoin d’être heureuse, tu le sais. T’as besoin de sentir que tes sourires sont sincères, parce que ça n’est plus arrivé depuis trop longtemps. T’es sortie de tes pensées par ton téléphone qui sonne, un message rempli d’amour qui parvient à toi, qui réchauffe ton coeur en cette matinée. C’est ce qu’il te fallait pour te sentir prête à sortir de ta voiture, et partir en direction de ta salle de cours. Tu ne t’attends à rien d’extraordinaire aujourd’hui, ayant perdu pas mal de tes habitudes d’ado. Au contraire, la voix qui t’interpelle te fait déjà froncer tes sourcils. Mais tu n’as pas le temps de réagir que tu sens ces bras s’enrouler autour de toi, te soulever du sol. Tes yeux qui s’arrondissent sous la surprise de ce geste, mais surtout lorsque tu comprends qu’il s’agit d’Il Kyang. Son rire te couperait le souffle alors que ton coeur s’emballe. Tu ne comprends pas ce qu’il se passe, n’est pas sûre de ce que t’entends non plus. « Mais… » A vrai dire, tu ne sais pas quoi dire, comment réagir. Les mots te manquent alors que tu sens que tu ne peux pas te débattre, bloquée dans tes gestes. Et en quelques secondes à peine, tu te sens tomber sur cette banquette, alors que le bruit de la portière qui claque provoque en toi un léger sursaut. Prise par une certaine panique, liée à cette incompréhension, t’observes tout autour de toi. Il est là, déjà au volant, prêt à partir. « Qu’est-ce… C’est quoi ce délire ? » Oses-tu finalement lancer alors que tu te redresses, pouvant voir ton téléphone atterrir dans sa poche. « Mais… Venir ou exactement ? » Ta voix est presque tremblante, contrastant avec l’amusement dont il a l’air de faire preuve. Tu sais qu’il ne te fera pas de mal, mais la surprise continue de se lire sur ton visage. Tu ne t’attendais à rien, et voilà que tu te retrouves dans sa voiture, démarrant déjà vers une destination qui t’es inconnue. A croire que cette journée va être bien plus mouvementée que tu ne l’aurais cru.

Elle a l’air inquiet, je me mordille l’intérieur de la joue et grimace un peu. Je n’ai pas envie qu’elle angoisse, elle le sait jamais je ne ferais quelque chose de… dangereux. Même si j’ai toujours aimé prendre des risques, faire des défis stupides, je ne l’ai jamais entrainé dans quelque chose qui pourrait la blessé. Physiquement du moins… mais aujourd’hui je n’ai pas envie de penser négativement. C’est un jour spécial et aussi pour nous ! J’aimerais que ça le soit du moins, un tournant entre nous, une page qu’on arriverait à tourner tous les deux. Mais j’ai peur de lui en parler de lui dire que depuis des jours je pense à elle, à nous… à ce qu’elle est devenue. Peut-être trouverait-elle ça mal placé ? Je n’en sais rien… Je balaye d’un revers, ces mauvaises pensées, souris et tente de la regarder dans le rétro. J’hésite un instant, puis d’un air amusé « Relax, c’est une surprise ! » Est-ce qu’elle croit que j’ai oublié son anniversaire ? Je n’étais pas là les trois dernières années et je sais au combien elle trouve ce jour triste. Je n’ai jamais eu l’habitude de faire des choses démentes, ni de cadeau, ni d’endroit hors du commun. Non, les seules choses qu’on faisait, c’était un resto pas cher et quelques balades. C’était presque un jour comme un autre, je me contentais juste de lui changer les idées… Pour être franc, le premier cadeau que j’ai offert c’est à Sawan… et je trouve ça presque ridicule. Pourquoi je n’ai jamais réussi à lui offrir quelque chose de concret ? Avec Ye Won, j’ai toujours tout prit à la légère, je n’ai jamais été matérialiste, la seule chose à laquelle je tiens c’est ma guitare alors… c’est vrai, j’ai du mal à concevoir qu’on puisse s’attacher à quelque chose. Mais les années ont passés et j’ai finis par murir un peu, je crois… J’hausse les épaules, encore amusé par la situation, au feu j’en profite pour me tourner vers elle « Je te demande juste de rester tranquille et de pas tenter de t’enfuir… tu pourrais le regretter… » Je laisse un silence presque malsain s’installer entre nous avant de me remettre à rire et faire face au volant. « Je plaisante ! C’est… pour ton bien, crois-moi. » Peut-être va-t-elle pensé que je vais encore lui faire une leçon mais pas cette fois. J’aimerais juste qu’elle se détende, même si techniquement je l’ai enlevé… « On en a pour quelques heures de voiture. Si tu veux rester derrière tu peux, sinon… tu peux passer devant… si ça te dit… » J’ai presque peur de la brusquer, comme si je n’avais pas encore le droit de lui demander ces choses-là. Ce n’est pourtant rien, mais peut-être préfère-t-elle rester loin… Je me sens gêné tout à coup, je détourne les yeux et me concentre sur la route. Nerveux, je décide d’allumer la radio, pour combler un silence qui pourrait vite arriver entre nous. J’ai toujours l’habitude de mettre les musiques que j’aime. Pas fana des chansons populaires ou autre, je prends toujours soin de choisir les morceaux que je préfère… Je jette un coup d’œil dans le rétro, me mords le coin de la lèvre et trouve la musique qui saura surement nous mettre d’accord. Je sais, j’ai dit que je détestais les daubes commerciales, mais celle-là, c’était notre truc. On aimait la chanter, encore et encore, toujours amusé. Je me redresse, déjà en train de chantonner les premières paroles. 

Tu te sens complètement perdue, comme désemparée. Tu ne peux plus faire grand chose maintenant que t’es dans cette voiture, et tu le comprends rapidement. Non pas que l’idée te déplaise mais… Tu n’avais pas pensé à Il Kyang en imaginant qu’on puisse te faire une surprise. C’est d’ailleurs le dernier auquel tu aurais pensé. T’es étonnée de voir qu’il pense à toi en ce jour - du moins, c’est ce que tu crois - mais plus encore, qu’il soit prêt à te kidnapper pour t’enlever le fardeau des cours en ce jour. A l’époque, il savait que tu n’aimais plus autant cette journée, qu’elle n’avait plus le même aspect depuis que ton frère est parti. Bien sûr, qu’il était là, qu’il t’accompagnait, mais il n’a jamais rien fait de tel. Et à vrai dire, après ces derniers échanges entre vous, tu ne sais pas vraiment comment réagir à ça. Tu finis par t’allonger sur la banquette, tes jambes repliées, à observer le plafond de son véhicule. Un rire nerveux finit par s’échapper d’entre tes lèvres, comme interdite. « J’vais pas m’enfuir… » finis-tu même par lancer. Tu sais que t’as besoin de faire une pause dans ta vie, mais tu n’es pas sûre qu’il soit la meilleure personne pour le faire. Parce que tu n’arrives toujours pas à passer outre tout ce qu’il s’est passé, bien malgré toi. Tu pensais que tu te sentirais mieux une fois que t’auras définitivement tourné la page. Mais tu dois te rendre à l’évidence. Il est revenu, il fait à nouveau partie de ton quotidien. Malgré tout ce qu’il s’est passé. Malgré tout ce que t’as traversé. Ton visage se tourne en sa direction, sourcils froncés, l’inconnu qui continue de combler les questions que tu peux te poser. « Quelques heures ? T’es sérieux ? » Tes lèvres se pincent, alors que tu commences sérieusement à te demander ou il pourrait bien t’amener. Rien ne te vient. Aucune destination particulière qui pourrait effleurer ton esprit. Tu ne dis rien de plus, jusqu’à ce que la musique commence à retentir dans la voiture. Sans que tu ne puisses vraiment le contrôler, un sourire se dessine sur tes lèvres. Tu reconnais cette chanson, vous l’avez écoutée tant de fois. Vous passiez votre temps à la chanter, même. Aussi stupide soit-elle. Tu l’as toujours considérée comme étant « votre » chanson, même si tu ne l’as plus réécoutée depuis son départ. Et c’est étrange, quelque part. Étrange mais amusant. Ça te rappelle de bons moments. Ça te rappelle vos rires à tout bout de champ. Et aujourd’hui, t’as pas envie de te prendre la tête avec le reste. Alors tu restes concentrée là-dessus, finissant même par te mettre à chanter à ton tour. Jusqu’à lâcher un nouveau rire, plus sincère cette fois. Tu te redresses sur tes coudes, ton regard se posant sur lui. T’as le coeur qui bat un peu plus vite, sans réellement comprendre pourquoi. Sûrement parce que ça t’a manqué, tout ça. Parce que vous étiez bien trop proches, vous vous aimiez sincèrement. Et ça s’oublie pas en un claquement de doigts. T’attends la fin de la chanson, un nouveau feu rouge, pour te faufiler à l’avant, prendre place à ses côtés. Ton regard reste posé sur lui, encore un peu plus. « Pourquoi tu fais tout ça Il Kyang ? » C’est la seule question qui te reste en tête depuis quelques minutes maintenant. Tu ne cherches pas à savoir ou il a décidé de t’emmener, tu le découvriras bien assez tôt. Mais t’as envie de savoir. Pourquoi il a voulu t’embarquer comme ça. Pourquoi aujourd’hui. Pourquoi après tout ce que t’as pu lui dire. « J’peux fumer une clope ? »

Je me sens nerveux en chantonnant ces paroles, je crois même un instant qu’elle ne me suivra pas et puis, pour une raison que j’ignore elle finit par le faire. C’est court trois minutes, mais c’est assez pour me faire sourire et oublier toutes ces rancœurs. Je me sens serein tout à coup. J’ai besoin de ça, je crois… retrouver cette complicité qu’on avait autrefois. Ça… me manque… Je reste concentré sur la route, pourtant mon regard se détourne souvent sur le rétro. Je le guette, j’espère le voir arriver… et enfin il est là, sur le coin de ses lèvres à illuminer son visage. Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu sourire, mon cœur se serre doucement, alors que je regarde à nouveau la route. C’est idiot je sais, une chanson ne pourra pas tout arranger. Mais je refuse d’être en colère aujourd’hui. Je ne veux pas me battre. Lorsque la musique s’arrête, j’ai subitement peur que tout se brise à nouveau. Mais à ma plus grande surprise elle finit par me rejoindre devant. J’esquisse un sourire, serre davantage le volant contre mes paumes… Encore une question ? Une qui demande des réponses sincères. Je pousse un soupir « Tu poses trop de questions. Laisse-toi vivre un peu. » comme on le faisait à l’époque. Ce n’est pas un reproche, je cherche juste à lui faire comprendre qu’elle devrait lâcher prise. Et surtout avec moi… Même si je sais que notre relation est complexe, que je ne m’explique pas ce soudain retour dans sa vie. Je sais juste qu’aujourd’hui je veux être là pour elle… peut-être comme elle l’a été pour moi. Ce qui compte c’est maintenant et cet instant qui me semble subitement précieux. Mais d’un air léger je rajoute « T’allais pas aller en cours quand même ? » comme si elle pouvait aimer les études. J’ai beau ne pas avoir partagé sa vie durant trois ans, j’ai du mal à l’imaginer en parfaite étudiante. Quant à moi… je suis loin de l’élève modèle. Je déteste ça, être enfermé derrière un bureau… c’est un enfer ! « Quand j’y pense ça fait des mois que je n’avais pas sécher les cours. » Parce-que je me force comme je peux à y aller et tenter d’apprécier cette cage dans laquelle on m’a enfermé. Je suis surprit en l’entendant me parler de cigarette… « C’est nouveau, tu fumes maintenant ? » mon ton est un poil trop interrogateur. Ce n’est pas un reproche, alors je m’empresse de me rattraper. « Vas-y. », je lui ouvre déjà la fenêtre même si je suis un peu intrigué par cette Ye Won que je ne connais pas. Ma curiosité me pousse à l’observer du coin de l’œil… cette image n’est pas banale, ses jolies lèvres colorées sur cette clope à peine entamée… Je trouve ça... malgré moi nos regards se croisent. Je détourne aussitôt les yeux, prit sur le fait. « T’as faim ? », un nouveau feu me permet de me pencher vers la boîte à gant. Je m’approche d’elle, l’effleurant à peine pour tenter de trouver un paquet de bonbons acides. Je n’en mangeais pas quand on était ensemble. Mais depuis que j’ai arrêté la drogue, j’en suis devenu accro. Le paquet déjà entamé, j’en prends plusieurs et les fourre dans ma bouche avant de le poser. Puis l’air de rien je lâche « ça te donne un air… sexy. » et je me mets à rire, bien que je ne me moque pas. En fait je le pense… cette cigarette et elle, ça va presque bien ensembles. Je ne suis pas là pour la juger. Pas cette fois. 

C’est étrange ce qu’il se passe. Mais tu n’as clairement pas envie de te prendre la tête, pas aujourd’hui. Pas alors que cette journée est tienne. Alors oui, ça semble trop étrange pour y croire, d’être avec Il Kyang, mais t’y fais abstraction. Même si c’est difficile, même si ton coeur voudrait encore crier ta haine et ton désespoir. C’est pas le moment pour ça. On croit que c’est plus simple de tout laisser de côté, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît, mais là encore, t’as simplement besoin d’oublier. Que ton frère n’est toujours pas là. Que cette séparation définitive ne change rien à ce que tu ressens. Alors même si c’est lui, tu préfères te laisser porter. La réponse qu’il te donne te ferais presque froncer tes sourcils, mais tu ne relèves pas, observe juste à la fenêtre le paysage qui défile devant toi. L’idée de quitter la ville pour la journée ne te déplait pas, même si tu adores Séoul, que tu ne te verrais pas vivre ailleurs. Mais parfois, t’as besoin d’une pause, c’est certainement le meilleur jour pour ça. Ton regard se tourne à nouveau vers lui à sa question, qui te surprend un peu quelque part. Même si vous aviez l’habitude quand vous étiez ensemble. Même si tu séchais tes cours beaucoup trop souvent pour t’occuper de lui. « J’avais un peu que ça à faire aujourd’hui… » Tu hausses lentement tes épaules, jouant nerveusement avec tes mains, ta tête baissée. T’as du mal à te dire que t’en es arrivée là. Dans un quotidien que tu trouves pitoyable, en fin de compte. Pourtant, tu ne fais rien pour le changer, ces derniers temps. Tu continues simplement à te perdre dans l’alcool et la crimson, comme un faux échappatoire à tout ça. « Ca fait quelques temps déjà. » Que tu réponds, sans aucune réelle conviction dans tes paroles. Tu fumes des clopes la journée, pour mieux te droguer le soir. Un cercle vicieux qui s’est installé au fond de toi. T’attrapes rapidement ton paquet de nicotine, allume une cigarette tout en le laissant ouvrir la fenêtre. Mais une fois de plus, tu sens ton coeur t’emballer lorsqu’il te frôle pour récupérer des friandises dans sa boîte à gants, tentant du mieux possible de cacher tes émotions. Faire comme si de rien n’était, t’es devenue douée pour ça, mine de rien. « Un peu. » souffles-tu entre tes lèvres, ton regard continuant inlassablement de vagabonder entre le paysage et lui. « J’ai envie de bibimbap. » Ajoutes-tu l’air de rien. Comme si cela n’allait rien changer. Tes yeux plongés dans les siens, quelques secondes tout au plus, t’as l’impression de te perdre dans un lieu que tu ne connaissais pas avant. Un certain côté libérateur, malgré cette rancoeur qui te bouffe encore. Tu ris à sa remarque, tirant une taff sur ta cigarette, laissant la fumée s’échapper d’entre tes lèvres. « Sexy ? C’est la première fois qu’on me la fait celle-là. » T’essaies de rire, même si t’as encore du mal pour ça. Ta tête qui retombe sur le fauteuil, tu observes la route. Aucun indice pour savoir ou tu vas. L’aventure. T’as jamais vécu ça avec lui. Partir vers l’inconnu, ne serait-ce que le temps d’une journée. T’as l’impression de rattraper des choses que vous n’aviez pas pu faire avant. Même si ces instants n’auront sûrement pas la même saveur. Mais les souvenirs seront présents, si t’arrives encore à te détendre, et profiter pleinement de cette journée qui est tienne.

Je jette un coup d’œil dans sa direction, pour être honnête j’ai du mal à la croire. Il est évident qu’elle doit se faire draguer à toutes ces soirées où elle va. D’ailleurs, je me demande brusquement si elle n’a pas quelqu’un en ce moment. Je veux dire, je ne l’ai vu avec personne en particulier, mais après tout qu’est-ce que je sais de sa vie aujourd’hui ? Pas grand-chose et je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. C’est moi qui aie tout fait pour l’ignorer durant tout ce temps… Je m’en voudrais presque, mais je préfère chasser ces idées une fois de plus. Après tout, si quelqu’un d’autre devait lui souhaiter son anniversaire… tant pis ? Comme une piètre récompense à tous ces malheurs que je lui ai faits. Je ne veux pas lui attirer des ennuis, mais j’avoue n’avoir pensé qu’à elle… et moi. Dans mon arrogance, je me permets de croire qu’elle n’aurait passé la soirée qu’avec de vulgaires amis, à boire et peut-être même prendre quelques substances. Dans le fond, je suis plutôt content qu’elle n’ait pas cherché à s’enfuir… une part d’elle, doit encore me faire confiance ? Cette nouvelle femme à côté de moi m’intrigue, je dois l’admettre elle n’a plus rien à voir avec celle que je connaissais. Je pourrais être déçu à trop espérer la retrouver, mais une part de moi se sent prêt à la découvrir... Oh, je ne cherche pas à comprendre ce qui se passe dans ma tête. Tout est si… flou… la seule chose dont je suis certain c’est que j’en ai ras le bol de toujours bien me comporter, réfléchir aux conséquences et être ce que je ne suis pas. Avant j’étais libre de mes choix, de ma vie et c’est un peu de ça que j’ai envie de retrouver avec… elle. J’aimerais qu’elle se souvienne de ces moments volés et même si tout n’est pas parfait, je voudrais qu’elle se rappelle à quel point elle peut être libre aussi. Je ne sais pas ce qui s’est passé durant ces années, la seule chose dont je suis certain c’est que son frère est encore absent aujourd’hui… et même si elle garde un semblant de sourire, cette plaie est toujours ouverte. Je souris à sa remarque, me concentrant à nouveau sur la route. Les douces mélodies, finissent par rythmer notre voyage. Ce silence entre nous est loin d’être pesant, en vérité il me fait du bien. Je me sens serein à ses côtés.


Les paysages défilent, et les minutes aussi. Au loin on aperçoit déjà la côte, et je pense qu’elle doit comprendre où nous nous rendons. Le temps est plutôt correct, pas de grande chaleur, assez de soleil pour encore en profiter. Je ne la regarde pas, poursuivant mon chemin à la recherche d’une place. Je sais, ce n’est pas la meilleure époque pour aller à la mer, mais j’avais envie de l’emmener ici. Ye Won a toujours adorer aller à la plage, alors j’avais pensé que c’était une bonne idée. A cette période de l’année il n’y a pas grand monde et c’est cette impression de grandeur, de solitude aussi que je recherchais. Je finis par trouver une place non loin de la plage, ne disant rien jusqu’à l’arrêt du moteur, je finis par lui adresser un petit sourire et m’empresse de sortir pour aller lui ouvrir la portière. Je ne suis pas galant, ça fait parti de la mise en scène après tout. « Tadam ! Mademoiselle est arrivée. » je la laisse descendre pour aller au coffre. Pour être franc, j’ai ramené que quelques affaires. Mon sac à dos, ma guitare et une glacière. J’avais tout de même prévu de quoi manger, je ne suis pas fou. Le tout en main, je m’approche près d’elle pour venir lui dire d’un air amusé « Happy birthday. » et je ris doucement, tout en me dirigeant vers la plage. Je l’invite à me suivre, mes pieds foulant déjà le sable. J’inspire doucement, tout me parait subitement grand face à ma chambre universitaire. J’ai l’impression d’avoir passé des mois enfermé. Depuis combien de temps je n’ai pas prit le temps de me poser tout simplement ? Je souris, tout en déposant mes affaires dans un endroit que je juge digne de nous accueillir. Je m’étire lentement, pour décontracter mes muscles. Je me tourne vers elle « Le dernier arrivé à l’eau, à un gage. » et comme je ne veux pas perdre, je la bouscule en arrière pour me dépêcher et la dépasser. Je cours, tout en riant en direction de la mer. Je n’ai pas l’intention de me baigner, mais je compte bien me mouiller les pieds.

Il te faut un moment, avant de finir par te détendre réellement. La présence d’Il Kyang reste étrange pour toi. Parce que, à part ces quelques discussions que vous avez eu, au cours de ces soirées, vous n’avez pas vraiment passé de temps ensemble. Tu fais en sorte de le fuir la plupart du temps. Tu fais en sorte de ne pas être au dortoir trop souvent, surtout quand tu sais qu’il y est. Tu fuis bien malgré toi la douleur qu’il provoque encore à ton coeur. Même après cette dernière conversation, ce point final à votre relation. Pourtant, aujourd’hui, tu te laisses finalement faire. Ce sentiment absurde qu’il saura, à sa manière, détendre l’atmosphère, même après tout ça. Qu’il saura ce qui te fera plaisir, même après toutes ces années. Ton regard qui se perds sur la route qui défile, tes pensées qui s’échappent au fur et à mesure des kilomètres parcourus. Tu finis par te laisser aller, ta tête posée sur la fenêtre, la musique te laissant un tant soit peu te reposer. Parce que c’est ça aussi, qui te permet d’oublier la tension, la pression à laquelle tu fais face chaque jour. Un silence entre vous, que t’apprécies. Moins violent que tous les mots que vous avez pu vous échanger. Plus appréciable que ces tortures que vous avez pu vous infliger. Et enfin, tu apprécies ces heures de route, à ses côtés, sans le voir venir.
C’est sa voix qui te fais sortir de tes rêveries. La voiture qui s’arrête enfin, laissant ton regard observer tout autour de toi. Et tu comprends, tu découvres l’endroit ou il a décidé de t’emmener. Et un sourire se dessine lentement sur tes lèvres, sans que tu ne puisses le contrôler. Toi qui a toujours aimé la plage, les grands espaces, te retrouves comblée par ce spectacle. Tu oublies l’étonnement qui pourrait se dégager de toi, sur ces petites choses à ton sujet dont il se souvient. Sur l’idée qui lui est venue pour ce jour spécial. T’as les yeux qui pétillent, le coeur qui bat un peu plus vite. Surtout lorsqu’il se rapproche de toi, ces quelques mots qui te font rater un battement. « Merci. » oses-tu à peine murmurer, ne sachant pas comment réagir. Tu sens tes mains trembler légèrement, alors que tu oses enfin t’avancer vers la plage. Tu ne peut t’empêcher de prendre une grande inspiration, sentant cette petite brise sur tes joues qui prennent déjà quelques couleurs. Ton regard se pose sur Il Kyang, alors qu’une certaine vague de bonheur te prends. Un rire qui s’échappe d’entre tes lèvres lorsqu’il te pousse finalement en arrière. « Mais tu triches ! » Il ne t’en faut pas plus pour enlever aussi vite que possible tes chaussures, et te mettre à courir vers la mer à ton tour.
T’oses pas vraiment l’avouer, pas maintenant. Mais cette parenthèse, c’est ce dont t’avais besoin, au fond de toi. Respirer un nouvel air, reprendre tes esprits bien loin de la capitale et de tous les problèmes que t’y rencontres. Et tu ne penses plus à ce qui a bien pu se passer entre Il Kyang et toi, t’en as pas spécialement envie. Parce que ce sourire qui s’étire sur tes lèvres est sincère. Parce que ça fait bien trop longtemps que tu n’as pas pris le temps de ressentir des choses aussi insignifiantes, et ça te fait du bien. Tes pieds qui finissent par toucher l’eau, et ton rire qui prend place dans l’espace. Voilà un moment que tu n’oublieras pas de sitôt. Voilà un instant que tu graves dans ta mémoire. L’image de deux gamins qui veulent seulement profiter. Deux gamins qui se retrouvent, vivent ce qu’ils n’ont pas pu vivre avant. C’est l’image que tu te dessines. Celle que tu veux voir lorsque, plus tard, tu repenseras à ce jour. Et c’est cette idée qui se faufile en toi, oubliant la peine et le coeur qui se serre lorsqu’il se retrouve trop proche de toi.

Je me sentais fébrile, mes mains tremblaient alors que mon esprit planait. J’avais du mal à retomber de là où je me trouvais. C’était toujours aussi intense, un brouillard dans ma tête tandis que tout tournait. J’aimais ça à l’époque. Cette sensation de perdre pieds, ne plus savoir où je me trouvais. Mais parfois il y avait ces moments, trop poussés, trop forts sur lesquels je n’arrivais plus à revenir. J’étais à bout, parti trop loin… et puis il y avait cette voix lointaine, la sienne qui savait un peu me raccrocher à la réalité. Longtemps son sourire à disparu de son visage, je n’ai plus osé y songer. Comme si l’imaginer pouvait être criminel, moi qui lui avait effacé. Et pourtant aujourd’hui, je suis égoïste, à la recherche insatiable de cette image qui me manque tant. Je l’avais vu apparaitre, discrètement au coin de ces lèvres que j’avais longtemps désirées. Mais cette fois c’est une image sincère, un petit rien qui change toute ma journée. J’ai jeté mes baskets au cours du chemin, me foutant de tout, je voulais juste pouvoir sentir l’eau sur ma peau. Glacée mais son sourire réchauffe mon cœur, mes remords aussi. Je souris à mon tour, mon regard inlassablement attiré vers elle et cette image que je veux graver dans ma mémoire. J’ai l’impression d’avoir vingt ans, comme lorsqu’on était avant. Un rien nous suffisait, on se fichait de tout et cet instant est presque magique. Je ne vois plus rien autour de nous, mes mains trouvent l’eau que j’effleure du bout des doigts. J’hume avec insistance ces odeurs iodées, laissant le vent fouetté ma peau. Je me sens bien ! Et c’est la première fois depuis des mois, voire même des années que je peux le dire. Je me sens à ma place. D’humeur taquine, je lui lance un peu d’eau pour venir jouer avec elle. Je ne suis qu’un gamin, qui veut profiter de l’instant. Je sais qu’il ne fait pas très chaud, mais ne pas se mouiller serait un crime en étant ici. Je ris un peu plus fort, la provoquant davantage sans pour autant la submerger d’eau. Je veux juste qu’on s’amuse. Je me mets à courir un peu plus loin, pour ne pas être touché, en oubliant presque que je porte un pantalon déjà trempé jusqu’aux genoux. Mais je m’en fous ! On ne perturbera personne ici aujourd’hui, à part peut-être quelques passants et je me réjouis de n’avoir que cet endroit pour elle et moi. Parce-que ce moment nous appartient, il est à nous et je ne veux le partager avec personne. Un peu plus complice, je décide de m’approcher d’elle. Un sourire malicieux sur les lèvres, je jette un regard à sa silhouette « Je suis désolé… » et cette fois ça n’a rien à avoir avec ce que je lui ai fait vivre. Je ne lui laisse pas le temps de s’échapper, je me jette déjà sur elle pour venir la saisir à la taille et la soulever. Taquin, je l’attrape de façon à ce qu’elle se retrouve au-dessus de l’eau. « Est-ce que tu crois que je devrais te lâcher ? » Elle sera toute mouillée si je fais ça. Je suis soudainement partagé entre le fait de le faire et de ne pas le faire. Mais j’ai envie de jouer alors, je m’amuse à faire semblant de la laisser tomber. Je ris sincèrement, puis finis par la déposer. A contre vent, ses cheveux se perdent autour de son visage apaisé. Je laisse ma main lui retirer une mèche qui cache ses yeux alors que mon regard croise une nouvelle fois le sien. J’aimerais m’y perdre pendant des heures comme on le faisait avant. Je me souviens de ces instants, juste posés elle et moi à se regarder. On laissait nos doigts jouer ensembles, pendant que les minutes s’écoulaient. Dans ces moments-là il n’y avait que nous… tout comme aujourd’hui. J’inspire doucement, me penchant un peu vers elle pour venir lui souffler « Tu m’as manqué… ». Ma voix se perd, comme si j’avais peur qu’elle entende ce que je viens de lui dire. J’ai peur de la brusquer, peur qu’elle ne fasse demi-tour. Alors je recule brusquement et trouble vient interrompe cet instant en lui jetant à nouveau de l’eau. Je ris à nouveau m’enfuyant en craignant sa vengeance. 

Il y a ces rires qui se perdent dans le ciel, ces regards que tu lui portes. Il y a comme un poids qui disparait de tes épaules, sans que tu ne saches pourquoi, ni comment. Tes pieds qui frôlent l’eau, qui te ramènent à ces moments de bonheur que vous avez pu vivre, que vous pourriez encore vivre s’il n’y avait pas autant de rancune en toi. Et tu veux la laisser de côté, au moins pour aujourd’hui. T’apprécies à nouveau voir ce sourire sur son visage, celui que t’as imaginé pendant longtemps, dont t’avais oublié la sincérité. T’as l’impression d’être dans un rêve, où il ne serait jamais parti, et où vous continuez à être ces gamins perdus dans leur bulle. T’as l’impression de retrouver ce que vous étiez, avant. Et ça te fait du bien. Ça t’aide à oublier le désastre de ton quotidien, la douleur qui s’éveille encore trop souvent dans ton coeur. Tu fais abstraction du mal qui t’entoure pour ne vivre que l’instant. Comme magique, qui te transporte dans cette vie que t’as toujours voulu. Et t’es là, à rire, à jouer, sans faux semblant. A lui jeter de l’eau, à lui courir après ou à le fuir dans cet amusement que t’avais oublié, aussi. Et ton rire s’intensifie lorsque tu le sens te porter au dessus de l’eau. Tes mains qui frappent sans aucune force son dos. « Non ! Me lâche pas ! » lances-tu, la peur de te retrouver trempée sans rien avoir demandé. Puis, il y a cette seconde, perdue dans le temps. Lorsqu’il te repose, lorsque vos regards se croisent. Des frissons qui te gagnent lorsque ses doigts effleurent ta joue. Et ton coeur qui s’emballe lorsque tu entends ces mots. Tu ne saurais pas réagir à ça. Tu restes interdite, figée sur place alors que tu ne saurais détacher ton regard de lui. Quatre mots pour te perturber, pour te rappeler que ce « vous » n’existe plus, bien qu’il aurait pu être beau. Quatre mots pour te rappeler, ce que vous étiez, ce que tu voulais continuer de ressentir, lorsque tu étais à ses côtés. Cette seconde qui s’échappe trop rapidement, alors qu’il s’éloigne déjà, qu’il laisse son rire parvenir à tes oreilles. Et un nouveau sourire nait sur tes lèvres, alors que tu te lances de plus belle à sa poursuite. Que tu tentes malgré toi de lancer de l’eau en sa direction. Tu finis par courir à ton tour, réussissant à le rattraper. Tu t’accroches à lui, grimpant sur son dos. « Tu m’auras pas comme ça ! » que t’ajoutes dans un rire, alors que tu te tiens à lui comme tu peux, en évitant de tomber. Un court instant, avant que tu ne retrouves le sol, et lui lance de l’eau à ton tour. Tu prends la fuite, aussi loin que possible. Ta tête reste tournée en sa direction, on peut voir sur tes traits qu’à cet instant, tu te sens bien, réellement. Qu’il n’y aucun rôle que tu joues, que ta carapace disparaît peu à peu. Cette carapace formée à travers les années pour ne plus souffrir, pour ne plus t’approcher trop près de ceux qui pourraient te détruire davantage encore. Mais à cet instant, les barrières disparaissent. Comme si rien ne pourrait vous distraire. Comme si rien ne pourrait briser le moment. Et te retrouver seule avec lui, sur cette plage, c’est sûrement la meilleure chose qui pourrait t’arriver aujourd’hui, en fin de compte. Parce que même à travers les années, à travers les épreuves, il sait encore comment te faire rire. Aussi étonnant que cela puisse paraître. Il a une force incomprise sur toi, il a cette façon de te faire sentir importante, et c’est tout ce qui te manquait pour retrouver celle que tu étais, celle que tu rêves de retrouver depuis tout ce temps.