Ça brûle doucement, je sais que c’est chaud, mais je n’ai pas le courage de m’éloigner. Alors j’avance, doucement, lentement, un seul souffle pourrait l’éteindre, un geste la raviver. C’est délicat, au creux de moi, un souvenir perdu, quelque chose qui était là. Inconscient, je l’ai laissé de côté, par crainte, par orgueil aussi. Je n’y pensais plus, j’avais oublié… mais c’est là, juste devant mes yeux. Et j’ai peur… mes mains tremblent, mon cœur se glace… j’ai peur de tout brisé, de tout laissé tomber. Je ne devrais pas m’en approcher, je devrais la fuir et pourtant, je n’y arrive pas. Je suis attiré par elle, mes yeux la fixe, incapable de m’en détacher. Je sais que je vais me brûler les ailes, que je suis fou. Mais c’est si intense, si fort… je ne veux pas reculer, aller ailleurs, tourner la page… je n’y arrive pas. Je n’ai pas su le faire, je crois… je ne sais plus ce que je fais. Pourquoi je suis là, c’est cette lueur qui me guide, cette sensation de fourmillement eu creux de mon ventre. Je sais que je dois être là, que c’est ma place, juste ici en ce moment. Et ça fait des mois que je n’ai pas ressenti ça. Ce besoin d’être quelque part, trouver ma place. J’aimerais le lui dire, que je me sens bien, qu’on s’en fout de savoir pourquoi, des remords qui me rongent, de la bêtise dont j’ai fait preuve. Je n’ai pas besoin de mot, juste de ses regards, de ce qu’elle n’oserait pas me dire ou ressentir. Et je suis sot, idiot de croire qu’elle pourrait être dans le même état que moi. Egoïste, je me sens déphasé et pourtant attiré. Les sons de ses rires me réchauffe à nouveau, je ne pense plus à rien. Je suis juste là, avec elle. Pour la première fois c’est elle qui ose un geste vers moi. Anodin, enfantin, elle grimpe sur mon dos pour m’empêcher de fuir mais si elle savait comme je meurs d’envie qu’elle me prenne dans ses bras. Je me sens fébrile, bien que ma tête soit à notre échange innocent, mon cœur lui me rappelle à quel point elle était importante dans ma vie. Je la laisse me fuir à nouveau, je me laisse bercer par nos rires incessants et me lance de nouveau à sa poursuite. C’est presque comme les rêves que je pouvais faire. Je la voyais, si proche et pourtant inatteignable. Cette fois ça parait réel. Et j’ai peur qu’elle s’en aille… qu’elle se réveille à son tour et me dise que c’est fini. C’est plein de crainte que je me saisis de sa main. Je voulais la rattraper, pour gagner cette fois, mais nos maladresses nous font trébucher. Je ris encore une fois, me redresse doucement alors que mon cœur rate un battement. Ces moments de flottements me vont vriller. Mon regard fixé sur ses lèvres, je me mets à espérer… J’ai envie de l’embrasser… ça cogne violemment dans ma poitrine, je n’ai pas le droit. Je ne peux pas faire ça et une part de moi le sait… mais bon sang, l’autre moitié en crève d’envie. J’aimerais pouvoir le faire, comme si c’était naturel entre nous. Je crains que les secondes ne défilent trop vite, qu’elle se rende compte de mon insistance. Je remercie brusquement une petite vague qui claque contre nos vêtements trempés. Elle me ramène à la réalité. J’ai la chair de poule tout à coup, je frisonne un peu et tends ma main à Ye Won pour la relever. « On va manger un truc ? » j’ai tout cassé, je le sais mais il faut que je sois réaliste. Alors je m’accroche à ce que j’ai prévu pour cette journée. Je lui souris, un peu triste je crois, avant de lui tourner le dos et de me diriger vers nos affaires. Je sors de mon sac des serviettes que j’avais emmené, elles ne nous sécheront pas complètement mais ça fera l’affaire. J’en tends une à Ye Won, puis prends l’autre pour me sécher un peu, mes vêtements me collent à la peau, le vent rends la chose encore plus désagréable pourtant je ne ronchonne pas, je veux me sentir bien. Je sors une couverture « Si jamais t’as froid. » J’ai tout bien pensé, moi qui d’ordinaire ne réfléchis à rien, cette fois j’ai fait un effort, j’ai presque envie qu’elle le souligne, peut-être pour remarquer que j’ai changé… j’ai envie, pour elle en tout cas… Je m’accroupi devant ma glacière, ouvre le couvercle et en sort quelques plats froids « Je t’arrête tout de suite, ce n’est pas moi qui les ai fait. » Oui, je n’ai pas changé sur tout. Je suis nul en cuisine et je l’ai toujours été. Je n’aime pas ça, bien que j’adore manger, je préfère de loin les restos ou les choses toutes prêtes. Je rigole en posant les boites sur le couvercle. Ce n’est pas un repas royal, mais au moins il y a de quoi manger. Je m’assois sur le sable, passe une main dans mes cheveux trempés et lui souris « Tu t’attendais pas à ça hein ? ». Je la taquine, avant de faire preuve de sincérité « Je… sais que tu détestes cette journée. Alors j’espère que je pourrais te la faire un peu oublier. » Et je détourne les yeux, intimidé par sa présence et ce que peut représenter ce jour pour elle. Je me saisis d’une paire de baguette avant de prendre une bouchée. Il y a tellement de choses que j’aimerais lui raconter. Je crois qu’en fait, je cherche à être tout le temps occupé, pour ne rien gâcher. 

Tu te souviens, de ces années passées avec lui. Tu te souviens de celle que t’étais, en sa compagnie. Alors que le monde s’effondrait autour de toi, mais qu’il était encore là. T’as bien changé, depuis. T’as mis des barrières entre toi et les autres. Tu t’es forgé une carapace, et t’as joué un rôle, trop longtemps. T’en as oublié celle que t’étais, la gamine enjouée qui se foutait du reste, tant qu’il restait une dose de bonheur dans son coeur. Une adolescente aux rires faciles, qui savait se détacher de sa vie de pacotilles. Puis au fur et à mesure du temps, t’as arrêté d’y penser. T’as arrêté de croire que tu pourrais le retrouver. Ce sourire naïf, ce rire cristallin qui te définissait tant. Alors, sur cette plage, avoir l’image de toi à cette époque là, ça te fait tourner la tête. Comme une pointe de nostalgie qui se faufile en toi, qui n’ose pas encore s’en aller. Qui laisse échapper les mauvais moments pour te rappeler ces instants ou tu pouvais encore être heureuse. Et ça réchauffe ton coeur, de rire sans filtre, de sourire sans laisser la tristesse teinter tes traits. Tu ne penses plus au fait qu’il ai pu t’abandonner, lui aussi. Que tu ne sais plus vivre correctement depuis plus de trois ans maintenant. T’en fais abstraction, alors que l’eau glaciale vient encore frapper sur tes jambes. Un sursaut, léger, alors que tu le sens attraper ta main, un geste qui vous fait trébucher, qui laisse vos vêtements s’humidifier un peu plus au rythme des vagues. Et ton regard qui se perd dans le sien, encore une fois. Une autre seconde perdue dans le temps, où ton coeur, une nouvelle fois, n’arrive plus à battre correctement. Tu le sais, au fond de toi, que tu ne l’a jamais oublié. Que tes sentiments sont restés intacts. Que ton amour pour lui ne s’est jamais réellement envolé. Ça t’effraie, tu n’arrives pas à te l’avouer. Pourtant, force est de constater que son visage si près du tien pourrait faire l’effet d’une bombe. Que si cette dernière barrière tombait, tu te laisserais entièrement aller, à ces embrassades dont vous aviez le secret. Mais tu restes figée, encore une fois. Plongée dans son regard, perdue à travers les souvenirs de vous. Vous avez malgré tout perdu cette part de naturel qui vous définissait si bien, chacun de vous fautif à votre manière. T’attrapes finalement sa main, alors que sa voix te sort de ces pensées absurdes. Tu te relèves à ton tour, quelques frissons te parcourant déjà. La brise rend tes vêtements humides bien plus froids, mais tu n’en tiens pas rigueur. « Je te suis. » oses-tu à peine murmurer, alors que tu te sens incapable de lâcher sa main. Comme s’il allait s’échapper une nouvelle fois, et créer un nouveau gouffre en toi. Tu récupères la serviette qu’il te tend, sans rien dire. Tente déjà de sécher un tant soit peu ton haut, puis ton jean. Un sourire nait sur tes lèvres lorsqu’il sort cette couverture. Il a pensé à tout, et tu le remarques, même si tu n’oses encore rien dire. Vous étiez plus spontanés, avant. Capables de partir sans rien préparer. Rien ne vous faisait peur. Pourtant, là, tu vois qu’il a voulu faire les choses bien, et t’apprécies bien plus que tu ne le montres ce geste. Tu t’enroules dans la couverture, n’osant pas imaginer tomber malade aujourd’hui, et tu t’assois en face de lui, ce rictus bien marqué sur tes lèvres. « J’en serais presque déçue. » lances-tu dans un léger rire, alors que t’attrapes à ton tour une paire de baguettes pour te mettre à manger. « J’dois avouer, tu m’as bluffée. » avoues-tu finalement, avant de prendre une première bouchée. Tu restes silencieuse, un temps, alors que ses mots parviennent à ton esprit. Il a raison, quelque part. T’as réellement arrêté de fêter ce jour depuis son départ. Tu baisses un peu la tête, ordonne tes pensées en reprenant un peu de nourriture. « Merci Il Kyang. J’en avais besoin, je crois. » T’as du mal à te confier, c’est devenu quelque chose que tu es incapable de faire. Mettre des mots exacts sur ce que tu ressens réellement au fond de toi. De ta main libre, tu tends un bout de la couverture posée sur ton épaule. Comme une invitation à le rejoindre à tes côtés. Parce que t’as peur au fond de toi d’exprimer ce que tu veux vraiment. Alors ça semble plus facile dans des gestes, qui peuvent paraître anodins pour d’autres. Ca ne compte pas vraiment, tant que ça n’a pas été dit, à voix haute.

Tu crois que c’est possible ? Que tout peux redevenir comme avant Ye Won ? J’aimerais que tout ça ne soit pas réel. Que ces dernières années été un cauchemar… sans elles, on n’en serait peut-être pas là aujourd’hui. Tu crois qu’on serait comment ? Encore ensembles ? Amoureux ? Avec des tas de projets dans la tête ? Je n’en sais rien… quand j’y pense, je me dis parfois que ça ne sert à rien. C’est vrai, on est resté longtemps ensembles, mais des projets on n’en avait pas. Je vivais juste ma vie et el la sienne, elles se rencontraient et ça nous allait. Est-ce que c’est ça finalement une relation ? Ou est-ce que c’est rêver d’une grande maison, d’enfants ou de choses comme ça. Si j’écoute ma famille, c’est ce qu’ils me diraient, un peu comme les siens d’ailleurs. Mais plus le temps passe et plus je ne suis sûr de rien. Je me fais surprendre à penser à « nous », un mot qui n’existe plus et qui ne veut plus rien dire. Une partie de moi, se demande ce que je fais là, pourquoi jouer à tout ça, si ce n’est que pour l’aider. Je ne sais plus ce que je ressens. Et c’est pire lorsqu’elle vient me remercier. Je jette un regard vers elle, étonné, d’autant plus qu’elle me tend un bout de la couverture pour que je la rejoigne. J’hésite une seconde, je l’admets, j’ai peur de faire les mauvais choix. J’inspire doucement, me redresse avant de me décider à m’installer à ses côtés. Mon cœur rate un battement, tandis que mon esprit s’égard à nouveau sur ces souvenirs. Je lui fais un petit signe de la tête pour la remercier, sans oser rien dire, alors que mon genou vient rencontrer le sien. C’est anodin, mais ce contact a le don de me glacer. Comme un rappel pour me dire que je suis parti, que je l’ai abandonné. Avant ça ne m’aurait surement rien fait, mais aujourd’hui tout me semble décuplé. Chargé d’électricité… mais je dois être un peu maso, car je n’arrive pas à m’en détacher. C’est presque addictif de recevoir ces fourmillements dans mon ventre. Ça me rappelle notre rencontre… Je mange lentement, laissant un petit silence s’installer entre nous. « ça te plait ? » je parle du repas, même si il n’est pas génial, je sors une banalité triste parce-que j’ai peur de parler. Seulement, quand je la sens aussi proche de moi, j’ai du mal à retenir cette colère, ces remords qui me rongent. Putain ! Si elle savait comme je regrette. Ces mots n’ont pas suffi, je le sais et je n’ai pas la moindre idée de quoi faire pour me racheter. Je ne sais pas non plus pourquoi c’est si important. J’ai envie de quoi au fond ? Qu’on recommence ? De compter dans sa vie ? Et une fois de plus, je suis incapable de répondre à ma question. Ça me tord l’estomac, tandis que je déglutis difficilement. Puis sans réfléchir je finis par lâcher « Ye Won… il faut que je te parle… » Je t’en supplie ne m’en veux pas, si je viens tout gâcher une nouvelle fois. « J’ai déçu ma famille. » c’est rien, juste une fausse excuse, mais si elle savait comme ça m’a blessé. Je déteste en parler, mais je veux qu’elle sache. « Tu sais à cette période, je faisais plus attention à rien. Vous avez eu beau me prévenir, j’ai pas su m’arrêter… et il y a eu un soir… où ils m’ont ramassés sur le palier. » Je n’ose plus la regarder, je serre mes doigts sur mes baguettes, lâchant un rire désabusé « J’étais dans un sale état si tu savais… » Et elle le sait que trop bien. Elle était toujours là, quand ça n’allait pas, jamais elle ne m’a fermé sa porte. « Bref, j’ai mis du temps à réaliser, et j’ai finis par aller en cure pour eux… j’y suis resté quelques mois. Et c’est là-bas que j’ai décidé de… t’oublier… Je voulais juste passé à autre chose, faire un trait sur le passé. » mais c’était stupide, aujourd’hui je m’en rends compte. Si elle avait été là, peut-être que les choses auraient été différentes… « Quand je suis sorti, ça a été une déception de plus. Mes parents m’en voulaient, ils ne me parlaient plus… j’ai finis par avoir des nouvelles d’eux, parce qu’ils avaient des problèmes d’argent. » J’ai du mal à parler de ça, ma gorge se serre, parce-que j’ai beau me dire que ça fait trois ans, je souffre encore de cette situation, je ne peux plus rien faire. « T’as dut être surprise en me voyant à l’université. » Je ris doucement, un peu nerveux et triste. Je n’avais jamais voulu faire des études, Ye Won le savait, ce n’était pas mon truc. Moi je voulais vivre de ma musique et qu’importe le temps que ça durait. « C’est eux qui ont voulu que je rentre dans les rangs. Pour avoir une vraie situation » je relève les yeux vers elle, un petit sourire au coin des lèvres « Je bosse à côté depuis trois ans pour leur donner de l’argent. A part ça… je fais plus rien de ma vie en fait. » Et je rigole, de cet air insolent comme pour dire c’est pas grave, je m’en fous. Mais en réalité, je déteste ça. Je déteste ma vie, ce que je suis devenu et ce que j’ai fait. « Tu sais ce qui est le plus triste ? C’est de me rappeler à chaque discussion à quel point je les ai déçus. Je pensais qu’avec tout ça, je pourrais me racheter mais ça suffit pas. » Je me recule un peu, baissant les yeux sur ses doigts fins « C’est comme avec toi… j’ai merdé… ». Je soupire doucement, je ne l’ai pas laissé parler. J’avais trop peur qu’elle me coupe, qu’elle s’en aille peut-être. Alors je relève brusquement la tête et lâche « Je dis pas ça pour tout gâcher. Ou même me trouver une excuse. Je voulais juste que tu saches où j’en étais… et franchement, j’ai pas envie que tu crois que je m’éclate depuis trois ans sans toi… » je n’aurais peut-être pas dut ajouter ça. Je me sens con tout à coup, je détourne les yeux, essayant de trouver quelque chose sur quoi porter mon attention. Et si elle décidait de partir, de me dire qu’elle ne voulait pas entendre ça. Je me sens nerveux, c’est pire lorsque j’ose croiser de nouveau son regard. Je voulais juste qu’elle sache tout ce qui me ronge. 

Vous avez passé tant de temps ensemble, tu le connaissais par coeur. Tu savais à l’avance comment il pouvait réagir, tu savais deviner dans son regard s’il avait une idée folle, une envie particulière. Et ils étaient beaucoup, à dire que ce n’était qu’une simple amourette. Ils étaient nombreux à croire que votre couple n’allait pas tenir. Mais ça a été le cas, pendant plusieurs années. Forgées de hauts et de bas, mais tu l’as jamais laissé tomber. Même lorsqu’il était au plus bas, même lorsque toi, tu n’étais plus sûre d’être assez bien pour lui. T’as cru à votre amour dur comme fer, tes sentiments ont toujours été sincères. Mais ils n’ont jamais disparus. Ils sont restés ancré quelque part dans ton coeur. Même si la rengaine a pris le dessus, même si la rancune a tenté de toutes ses forces de te prouver le contraire. T’as gardé un voile sur les yeux trop longtemps. A croire que tu le détestais du plus profond de ton être. Mais si la haine est si violente, c’est parce que l’amour est toujours là, quelque part. Parce que même après tout ça, ton coeur bat plus rapidement en sa présence. Le simple fait de sentir le moindre contact entre vous te donnerait le tournis. Ça te rappelle l’innocence dont tu faisais preuve. La façon que vous aviez de faire votre vie, l’un à côté de l’autre, sans plans sur la comète. Laissant juste le temps faire les choses, laissant vos coeurs vous guider dans ce que vous vouliez faire. T’as cru toucher la liberté du bout des doigts avec lui. T’as compris que c’était comme ça, que tu voulais vivre ta vie. Sans plan préconçu comme tes parents te l’ont toujours inculqué. Sans prévoir d’être mariée avec deux enfants avant tes trente ans. T’aimais la légèreté qui se dégageait de vous, et qui amplifiait les sentiments que t’avais. Mais t’as perdu tout ça, t’es retombée bien bas. Avec un père qui revient à la charge, voulant contrôler ton quotidien. Tes études, un mariage et des enfants. T’es même pas sûre de vouloir tout ça. Si seulement t’en avais le courage, t’aurais tout envoyé balader pour continuer de vivre cette liberté. Mais t’es là, coincée dans ton quotidien douloureux. Il Kyang à tes côtés qui te rappelle ce dont t’as besoin pour être heureuse. C’est dur à encaisser, mais ça a le don de te rappeler, que t’en as été capable, quelque part. Et t’es rassurée, quand il vient finalement s’installer à tes côtés. Ton regard qui se perd vers l’horizon alors que tu continues de manger. Que tu tentes de lâcher prise, réellement. Son genou qui tape contre le tien, te fais esquisser un sourire. La nostalgie se fait un peu moins douloureuse, parce qu’il y a toujours de bons souvenirs dans tout ça. « Ça m’plait. » que tu lui réponds, ta tête se balançant légèrement sur le côté. Ça te plaît qu’il ai su t’offrir ça aujourd’hui, même si t’oseras pas lui dire. Même si te voir là, partager un plat, une couverture, pourrait en être une bonne occasion, t’arrives plus à t’exprimer. Mais c’est lui qui reprend la parole. Lui qui décide une nouvelle fois de s’ouvrir à toi. Et ton regard se pose bien rapidement sur lui. Un regard soucieux, marqué d’une certaine inquiétude. Tu n’as plus vraiment peur de ce que tu pourrais entendre, mais tu vois sur son visage qu’il a besoin de se livrer. Et tu l’écoutes, sans l’interrompre. Parfois tes yeux dérivent, avant de revenir sur lui. T’as le coeur qui se serre, tu déglutis. T’aurais envie de le prendre dans tes bras, mais t’y arrives pas. Parce qu’il y a encore cette réserve. Parce qu’il y a cette pointe de souffrance qui ne s’en va pas. T’aurais envie de soupirer, de rire avec lui. Mais tu n’en fais rien. Jusqu’à ce qu’il t’observe de nouveau, que ce regard te fasse baisser la tête, jouer nerveusement avec tes baguettes. Un silence s’installe, quelques secondes tout au plus, alors que tu n’as pas la force de relever ton visage. « Tu sais… Au début, j’ai cru que tu t’étais trouvé quelqu’un d’autre. Que t’avais fini par trouver une de ces meufs qui t’aurais encore plus enfoncé dans la drogue. » Tu ris, ironiquement, ta main venant dégager une mèche de cheveux de ton visage. « Après, je t’ai vu revenir à l’université, et j’ai pas compris. Pourquoi tu m’as rien dit, comment on en était arrivé là. J’ai gardé cette idée que… Je sais pas, j’avais fait quelque chose de mal, sans savoir quoi. » Tu marques un temps, tente de remettre tes idées en place. Pourtant, t’es bloquée dans ce que t’as toujours eu besoin de dire, sans le faire. « J’ai pas supporté te voir revenir. T’étais comme un fantôme pour moi. J’arrivais plus à oublier tout ce qui s’est passé. Toi, Yejun… Ça faisait que tourner en boucle. Et c’est encore le cas… » Tu soupires, reprends ton souffle. Tu t’es jamais réellement confiée à qui que ce soit depuis son départ, et c’est étrange que ce soit à lui que t’en parles, finalement. « Le pire, c’était de ne pas savoir. Pourquoi t’es parti, pourquoi tout le monde partait. » Ton visage se referme un peu, tu sens tes larmes monter, pourtant t’essaies de ne rien montrer. « Et même avec ça, j’me suis demandée ce qui t’as pris de t’inscrire à l’université. » Il y a ce rire que tu lâches, rempli de tristesse. Rempli d’émotions diverses. Apportant cette touche de légèreté à ce moment pourtant important. T’as pas envie de t’apitoyer sur ton sort, t’as pas envie de pleurer, ni même de ressasser le passé. Même si parfois, il est important pour comprendre le présent.

Je me suis confié à peu de personne, je ne suis pas le genre de garçon qui sait mettre des mots sur ce qu’il ressent. Je souffre, je le sais, et j’ai beau essayé de me mentir, je ne vois plus le fond. Je sombre, un peu plus chaque jour dans une routine qui ne me ressemble pas. Je n’aurais pas dut lui dire, c’est mon jardin secret, je peux toujours faire semblant que tout va bien… mais je n’ai plus envie de mentir. Je ne sais pas à quoi elle pensait, et lorsqu’elle le dit ça me fait mal. Mon cœur se fend doucement à l’imaginer espérer, à croire des choses qui n’existaient pas. Comme si j’aurais pu être avec quelqu’un d’autre. Je n’ai jamais été le mec parfait, mais j’avais tout ce qu’il me fallait avec elle. Notre relation était spéciale, simple, légère et à la fois sincère. Des filles il y en avait des tas. Les musiciens c’est un truc qui plait dit tout le temps Kitae, mais pas une seule fois j’ai été voir ailleurs. Mon ami lui ne se privait pas, les soirées on les enchainait et même si j’étais loin, je n’ai jamais fauté… Je n’étais pas romantique, je ne savais même pas que je pouvais être fidèle, c’était ma première relation qui durait et je ne voyais pas pourquoi j’aurais tout gâché. Poutant, c’est bien ce que j’ai finis par faire, sans le vouloir, pour des raisons qui me paraissent désormais ridicule. Est-ce que ça en valait la peine ? Je ne le crois pas, et surtout pas après ce qu’elle avait déjà vécu. Je la fixe, sans oser répondre, alors que j’ai du mal encaisser. Quand elle parle de son frère, il y a toujours cette lueur triste dans ses yeux, son visage se crispe. J’ai toujours détesté ces moments là. Je n’ai jamais su quoi lui dire, malgré les années qui passent, sa blessure reste intacte et ça me tue… rien n’a changé, et je suis toujours incapable de lui apporter des réponses. Je souris à sa plaisanterie, lâchant un petit rire tandis que mes yeux se posent à nouveau sur ses mains. « Qui l’aurait cru pas vrai ? » je continue sur un ton léger, malgré que mon cœur devienne lourd. « Ye Won… je vois bien que t’es malheureuse… t’as l’air… » J’hésite à lui dire, je ne veux pas la blesser, ni lui faire du mal… puis sans vraiment réfléchir, je viens saisir son menton pour remonter sur visage vers moi « T’es plus aussi rayonnante qu’avant. Et ça me fait mal de te voir comme ça… » Elle pourrait me repousser, me dire que tout est ma faute et je sais que j’ai une part de responsabilité dans ce qui lui ait arrivé. Elle me l’a dit… mais c’est si dur de la voir dans cet état. Ce n’est pas un reproche, j’aimerais juste qu’elle soit à nouveau sereine, à se laisser vivre. « Laisse-moi te rendre ce que je t’ai pris… » Et même si je sais qu’elle souffrira toujours de l’absence de son frère, je veux lui rendre ce que je lui ai volé. Je lâche un soupire, avant de laisser retomber ma main « J’ai plus envie de faire semblant. Ça m’a épuisé de t’ignorer durant ces trois années. » Mon regard croise le sien, une nouvelle fois alors que je parle avec trop de sincérité. J’avais besoin de me confier à elle, comme j’aimerais qu’elle me dise tout ce qui lui pèse sur le cœur. Elle aurait pu me frapper, me gifler pour ce que je lui ai fait. Mais Ye Won est toujours sur sa réserve, comme si elle s’interdisait de me dire ces choses qui troublent son esprit. J’en sais un peu plus oui, mais elle a tellement de rancœurs… « J’aurais dut voir plus tôt que tu souffrais… ». 

Il y a une certaine rancune en toi, qui te suit, encore et toujours. Il y a cette douleur qui reste constamment éveillée. Que tu cherches encore à combattre sans savoir comment faire. T’as lutté trop longtemps. T’as tenté par tous les moyens d’oublier, sans apprendre à vivre avec. Sans apprendre à poser des mots exacts sur ce que tu ressens au fond de toi. Et ça se voit encore une fois, alors que tu oses à peine exprimer ce qui se passe réellement en toi. A croire que c’est plus simple quand on est heureux. Il en faut du courage pour oser admettre qu’on souffre, et tu ne l’as pas, cette force là. Aux yeux de tes proches, tu as toujours agit comme si rien ne t’atteignais, mais s’ils voyaient l’état de ton coeur, ils comprendraient. A quel point ils peuvent avoir tord. A quel point tu encaisses chaque jour qui passe. Et c’est pareil face à Il Kyang, même s’il en sait bien plus que les autres. Avec Hyemi et Yejun, il était le seul à qui tu arrivais à te confier. Pourtant aujourd’hui, ça reste encore bloqué au fond de toi. Parce que ces retrouvailles sont encore trop récentes. Parce tout est encore trop frais dans ton esprit, embrouillé. Tu ris un peu plus, mimant un oui de la tête, avant que sa main n’attrape ton visage pour le relever vers lui. Tu sens ce frisson te parcourir à ce simple contact, c’est plus fort que toi. Parce que dans le fond, ça t’avait manqué. Mais surtout, aujourd’hui, t’es prête à entendre ce qu’il a à te dire, sans te braquer. Sans y voir des reproches, sans y voir d’animosité. « Tu pouvais pas le voir. » oses-tu à peine murmurer. Il y a ces larmes prêtes à s’échapper, que tu retiens de toutes tes forces. Il y a cette part de rancoeur qui s’évapore, quelque part. « Mais on peut pas revenir en arrière. » Tu ne peux pas être celle que tu étais, avant. Tu n’as pas encore assez de courage pour ça. C’est difficile à admettre, mais quelque chose s’est brisé, et tu n’es pas sûre que ça puisse être réparé. Il y a cette fêlure que tu ne saurais soigner. Qui te fait à nouveau baisser la tête. Un soupire qui se glisse entre tes lèvres, alors que tu n’oses plus vraiment te montrer. « Tu sais, c’est difficile de faire comme si rien ne s’était passé. » Ça le sera encore longtemps, si tu continues de te morfondre autant. Si tu laisses encore le temps passer, sans rien faire pour le changer. Garder espoir ne fait pas tout. Mais tu t’es laissée entraîner dans cet engrenage qui te prends désormais au corps, qui ne s’en va pas. Une main qui passe sur ton visage, qui tente maladroitement d’effacer cette tristesse certaine sur tes traits. Ça ne change rien pourtant, ça n’efface pas ce que tu t’efforces de cacher. Surtout, tu n’oses pas avouer, que tu n’as pas réussi à l’oublier. Ça reste coincé là, ton esprit te convainc que si tu le dis, tu te montreras encore faible. Pourtant, ça sonne comme une évidence quand on voit les regards que tu lui portes. « Ça m’a épuisé aussi, tu sais. » finis-tu par ajouter. Ton attention se reportant à nouveau sur lui. Tes lèvres qui se pincent, alors que tu ne sais plus comment réagir à tout ça.  

Cette tristesse sur son visage me rend fébrile. Je n’arrive pas à me faire l’idée que tout a pu dérappé. C’est comme si pendant ces années j’avais tout mit de côté, pour reprendre ma vie aujourd’hui. J’ai tout mit en stand by, attendant ce moment qui ne viendra jamais… ça me rend triste aussi tout à coup. Bien sûr que j’aurais pu le voir et ce depuis plus longtemps. Déjà à l’époque où je me droguais, j’aurais dû me rendre compte de ce que je faisais et qu’on en arriverait là si je continuais. J’ai le cœur lourd, encore plus lorsque son regard croise le mien. Je ne sais plus quoi lui dire, je le sens, je le vois, elle n’est pas prête à tout pardonner et encore moins à tout me confier. Je ne peux pas lui en vouloir, c’est ma faute. Je ne peux pas attendre qu’elle me dise les choses comme si c’était normal, comme si nous étions des… amis… Je retiens un soupire, alors que mon regard fixe ses lèvres pincées… ça lui fait du mal, pas vrai ? De parler de tout ça… et je m’en veux maintenant, car je ne voulais pas la rendre aussi triste pour ce jour-là. Alors je ne pense à rien, ni à ce que j’ai le droit de faire ou pas. Je m’avance vers elle, le souffle coupé tout en attrapant son visage dans ma main. Puis dans un geste tendre, je dépose mes lèvres sur son front. C’est de la douceur que j’ai envie de lui apporter, même si mon cœur me cri de l’embrasser, je refuse d’y céder. Je veux qu’elle voie, qu’elle sente qu’elle peut compter sur moi. Les choses ont changés Ye Won, ce n’est plus comme il y a un mois, quand je faisais semblant de t’ignorer, quand je pensais que c’était mieux ainsi. Je n’en suis plus capable et je le sens, c’est tout mon être qui se met à trembler quand elle est là. Nostalgique peut-être un peu au début, mais ce qui tourne dans ma tête n’a rien à voir avec des souvenirs. C’est quelque chose que je ressens, qui est présent juste là… Je me recule doucement et lui offre un petit sourire qui sera peut-être réconfortant. Je tiens assez à toi pour ne pas te brusquer, pour ne pas te dire à quel point je perds pieds quand t’es là. J’ai dit que j’en avais marre de faire semblant, mais en vérité là maintenant je te mens… et je me mens à moi-même aussi quelque part. Je me relève, déposant le reste des boîtes sur le couvercle. Les minutes ont passées sans que je m’en rende compte. Et j’avoue qu’avec mes vêtements trempés, j’ai de plus en plus froid. Alors je me mets à sourire et lance « Je te fais un feu ? » j’arque un sourcil amusé, pour détendre l’atmosphère. J’ai toujours adoré ça, les soirées au coin du feu, en forêt, sur la plage ou dans une baraque bien trop cher pour moi. Avec Kitae on avait l’habitude de vadrouiller un peu partout, c’était le seul moyen de dormir au chaud parfois. « Attends-moi là. » et je m’éloigne déjà pour récupérer quelques morceaux de bois qui trainent ci et là sur le sable froid. J’en prends quelques-uns, tentant de balayer mes craintes et mes doutes. Je ne peux pas la forcer, elle est distante… mais je me rassure en me disant qu’au moins on a pu parler normalement. Sans se disputer, sans penser avoir plus raison que l’autre. C’est déjà ça n’est-ce pas ? Hum, j’hausse les épaules et vais la retrouver. Je jette les morceaux, les installe et fait ça de façon moderne avec du papier et un briquet. Je lui lance un regard « J’ai un truc pour toi. », me redressant je viens fouiller dans ma poche avant de m’assoir à nouveau à côté d’elle. Un sourire aux lèvres, je tends ma main « Tiens, cadeau. ». C’est un petit coquillage que je viens de ramasser sur la plage. Il n’a rien d’extraordinaire pour être franc, mais j’avais envie de lui faire une plaisanterie. « J’espère que t’aimes. » et je ris un peu plus, parce-que honnêtement, c’est plutôt idiot comme cadeau. On n’est plus des enfants, peut-être à une époque j’aurais pu lui offrir ce genre de choses. Parce-que je n’avais jamais aucune idée. Et puis je ne cherchais pas… mais cette fois c’est différent. 


 

Il y a une certaine légèreté qui se dégage de toi quand tu sens ce baiser qu’il dépose sur ton front. Un sourire qui se fait timide, mais qui ose se dessiner sur tes lèvres. Tu as ce sentiment que votre relation prend un autre tournant. Qu’il y a encore une part de toi qui garde sa colère, mais une autre qui souhaite s’en défaire. T’es capable d’entendre ce qu’il a à te dire sans te braquer. T’as capable de comprendre le sens de ses mots sans pour autant y chercher le négatif. Les choses changent, même si tout ne se fera pas du jour au lendemain. Même si la douleur règne encore en toi. Tu peux enfin voir la sincérité qu’il dégage de lui, tu peux enfin comprendre que rien n’a été facile pour chacun d’entre vous. Ça fait sûrement une différence, ça défait l’image que tu te faisais de lui pendant tout ce temps. Celle du mec qui t’a simplement abandonnée. T’en découvres les raisons, t’en vois les conséquences. Autant sur lui que sur toi. Mais ça n’efface rien. Ces images de toi en train de l’attendre. Ces idées folles qui ont pu traverser ton esprit. Ces heures d’angoisse, et ces nuits de tristesse. Mais t’as fait un pas en avant, en fin de compte. Même si tu ne te l’avoue pas encore, encore moins lorsqu’il part chercher quelques bouts de bois sur la plage. T’es dans ta bulle, ton regard posé sur lui. Tu te rappelles ces moments de liberté partagés. Le bonheur que tu ressentais. Tes pensées divaguent, tes yeux le suivent. Sans t’en rendre compte. T’as ces papillons qui viennent chatouiller ton ventre, comme au début. L’impression stupide de le redécouvrir, en fin de compte. Et tu chasses cette idée de ton esprit alors qu’il revient vers toi, déposant quelques brindilles devant vous. Tes sourcils se froncent lorsqu’il reprend la parole, tes lèvres s’étirent en voyant le coquillage qu’il te tend. Tu l’attrapes, presque fébrilement, l’observant rapidement. « Merci. » oses-tu à peine murmurer alors qu’il prépare déjà le feu. C’est étrange pour toi, ce simple geste, mais tu l’apprécies, bien plus que tu ne le montres. T’attends que les flammes commencent à jaillir devant vous, qu’il se réinstalle à tes côtés, avant de reporter à nouveau ton attention sur lui. « Ça me rappelle une fois ou on s’était retrouvés sur la plage après un de tes concerts. J’avais séché les cours pour venir te voir, et tu m’en avais offert un. » Il y a une pointe de nostalgie dans ta voix. Ces moments ou tu n’avais rien besoin d’autre que sa présence pour te sentir mieux. C’est étrange de voir ce que vous êtes devenus. Etrange de voir à quel point tu n’arrives pas à passer outre les embûches sur ta route. Même s’il le faudra bien un jour. Tu finis par baisser ta tête, ce léger sourire figé sur ton visage. T’observes ce coquillage dans tes mains, joue nerveusement avec. « J’suis contente que tu m’ai emmenée ici aujourd’hui. Et que t’ai eu le courage de m’dire tout ça, je sais que c’est pas facile. » Tu pousses un léger soupire, n’ose pas encore le regarder. « C’est… bizarre, mais c’est bien, je crois. » finis-tu par avouer, presque fébrilement. Pourtant, tu n’as pas envie de rester sur ces mots, bien qu’ils resteront gravés quelque part en toi. T’as envie, besoin même de vivre cette journée avec une certaine naïveté, perdue depuis trop longtemps. Faire abstraction du passé, ne serait-ce que pour quelques heures. « Et tu vas devoir m'emmener manger mon bibimbap en rentrant. » lances-tu enfin, ton regard se posant à nouveau sur lui. Le rire au bord des lèvres, comme prête à oublier tout ce qu’il s’est passé, aujourd’hui tout au plus. Parce que finalement, il y a quelque chose de différent à l’orée du soleil. Un sentiment que tu ne saurais expliquer, mais qui te donne une certaine envie de te libérer. De ce poids sur tes épaules, de cette souffrance qui te colle à la peau. Alors, peut-être que tout ça sera de retour demain. Mais tu n’as pas besoin de penser au futur, simplement de profiter de l’instant présent.

C’est comme avant, comme lorsque rien ne pouvait nous atteindre. Je ne voyais jamais le mal, j’étais toujours positif dans tout ce que je faisais. Reculer, je ne le faisais pas, me poser des questions encore moins. Je me contentais simplement d’être là et de vivre ma vie. Il y a parfois des gens qui croisent notre route, ceux qui marquent et qui ne nous lâchent pas. Ye Won en fait partie. J’étais loin de m’imaginer qu’on en arriverait là tous les deux. Je ne sais pas à quoi ça rime, mon cœur bat plus vite lorsque je la regarde, ça tambourine dans mes tempes dans un  rythme addictif. J’aimerais lui dire à quel point elle compte pour moi, mais ces choses-là ne se disent pas. Bien trop pudique, surtout maladroit, ça ne passerait pas. Alors je m’interdis ces mots, pour lui faire simplement comprendre ce que je cache au fond de moi. Sa voix est douce, ce moment plus tendre aussi et ma crainte de tout briser s’évapore lentement lorsque je l’entends mon remercier. Ma gorge se serre, évoquant un passé qui ne nous ressemble plus. Je suis triste un peu, car c’est en parti de ma faute si tout s’est brisé. Elle était fragile, je le savais mais à l’époque je ne m’étais rien juré. Pas une seule fois je n’ai pensé que je devais prendre soin d’elle, que je devais être un type bien. J’étais ce que j’étais et ça suffisait… avec le temps je regrette, je comprends aussi. Les années passent et je deviens peut-être un peu plus mature ? La vie ce n’est pas simplement profiter c’est aussi savoir s’arrêter sur des paysages, des instants, des personnes… et bon sang, j’aurais dut le faire avec elle. Plutôt que d’avancer, de tracer une route sinueuse et sans fin, j’aurais dut la voir… attraper la main qu’elle me tendait pour partir avec elle. On n’en serait pas là aujourd’hui, à ressasser un passé qui ne tord le ventre. Ye Won… j’aimerais que tout s’arrange entre nous. Je souris à ses souvenirs, parce-que c’est plus facile que de les détester. Au fond, je les aime ces petites anecdotes, celles qui me rappellent que nous étions deux. Je l’écoute, sans oser rien dire. Un instant suspendu entre nous, mais qui nous fait du bien. Je le sais, plus tard ça nous servira. Alors c’est le cœur réchauffé que je la regarde, un sourire aux lèvres en entendant sa demande. « Tu me proposes un rencard Ye Won ? » je l’observe, amusé en laissant mon rire brisé ce nouveau silence. Je ne la brusque pas, c’est pour plaisanter ! Je ne veux pas non plus la mettre mal à l’aise, alors je m’empresse d’aller fouiller dans ma glacière et lui dire « Ferme les yeux. ». J’en sors un petit gâteau, un truc tout simple qui fera l’affaire. J’avais presque pensé à tout, sauf à la bougie… alors je peste contre moi, tout en saisissant un paquet bien emballé. J’ai le cœur qui bat plus vite, nerveux, j’ose à peine me poster devant elle. J’inspire doucement, dépose le gâteau près d’elle et sors un briquet en guise de flamme. « Tu peux les ouvrir… » ce n’est pas terrible, je me doute que des hommes ont dut faire bien plus pour elle… mais je fais avec ce que j’ai et j’y mets toute mon attention. Je me mordille la lèvre, détourne les yeux gêné « J’ai que ça. Désolé. » J’aimerais qu’elle fasse un vœu, qu’elle rêve d’un monde meilleur pour elle. De mon autre main je viens lui tendre le paquet, angoissé à l’idée que cela ne puisse pas lui plaire. Cette fois c’est le vrai cadeau, celui que j’ai pris le temps d’aller acheté et choisir. Si elle savait… c’était presque une épreuve pour moi. Je déteste faire les boutiques, choisir un cadeau est un défi que j’ai relevé pour la première fois. Je n’avais pas la moindre idée de ce qui pourrait lui plaire Ye Won est le genre de femme qui s’habille bien, des fringues de marques, un charisme presque insolent. Je n’ai pas été capable de lui prendre quelque chose de très cher, avec le peu de moyen que j’ai. Alors j’espère au fond que ce petit bracelet lui plaira. Je l’ai pris lui parce qu’il avait une lune dessus et je trouvais que ça la représentait. Une femme de la nuit, mystérieuse et inaccessible. J’espère une fois de plus qu’elle verra mes efforts, c’est le premier cadeau que je lui offre alors pour moi ça compte beaucoup.

Tout semble plus simple sur cette plage, à l’abri des regards. Pourtant, tout se confond dans ton coeur. La rancune que tu peux encore ressentir, l’amour que tu lui as toujours porté malgré tout. Tout est trop confus, ton esprit pourrait bien ne pas tenir le coup, et ça t’est difficile de faire le tri, alors que ton regard reste inlassablement posé sur lui. T’aurais envie de pouvoir tout effacer à cet instant, mais pourtant tu sais, que c’est impossible. Tu sais à quel point tu peux être rancunière, compliquée. Et tu le sens à cet instant précis. Qu’il y a encore une part de douleur dans ton coeur quand tu l’observes. Qu’il y a ces moments tristes qui reviennent à ton esprit. Pourtant, tu tentes encore de les laisser de côté, préfère te concentrer sur ceux qui exprimaient votre bonheur, avant. C’est Il Kyang qui arrive le mieux à te faire oublier, le temps d’une journée, tout ça. Aussi ironique que cela puisse paraître. Ça se ressent, alors qu’un rire explose à sa question. Léger, sincère. « Dis pas d’conneries. » lâches-tu en guise de réponse, ta tête vacillant sur le côté. Et tu n’arrives pas à cacher ta surprise, alors qu’il te demande de fermer tes yeux. Une moue sur tes lèvres, il ne te faut pas plus de quelques secondes pour t’exécuter. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il prépare davantage encore pour toi, pourtant il semblerait que tu te sois trompée. Et lorsque tu les ouvres enfin, ton coeur pourrait bien exploser. Tes mains qui se posent d’un geste fin sur ta poitrine, ton regard qui s’illumine. Tu ne pensais pas qu’il ferait autant pour toi, pas après ces échanges houleux que vous avez pu avoir ces dernières semaines. Ta bouche s’entrouvre sans que tu ne saches quoi dire réellement. « T’as… vraiment fait tout ça pour moi ? » Il y a une certaine émotion dans ta voix. Toi qui ne célèbre plus aussi bien qu’avant ce jour. T’aurais envie de faire un voeu, sans vraiment savoir ce que tu peux espérer. T’aurais envie de le prendre dans tes bras pour le remercier, sans vraiment en avoir le courage. A croire qu’il arrivera à te faire pleurer avant la fin de la journée, en fin de compte. « Je m’attendais pas à autant… » que tu murmures, tes yeux vagabondant entre lui et ce qu’il tend en face de toi. « J’dois faire un voeu. » ajoutes-tu, te concentrant quelques secondes avant de souffler sur la flamme de son briquet pour l’éteindre. Il est simple, il peut paraître stupide. Mais tu oses suivre la tradition. En soufflant, tu souhaites trouver le bonheur quelque part dans ton quotidien. T’hésites encore un temps, avant de prendre le cadeau qu’il t’offre, l’ouvrir. Tu n’as pas le souvenir d’avoir réellement eu de cadeau de sa part, et ça t’étonne encore un peu plus. Tu découvres un bracelet simple, pourtant très bien choisi. T’y observes les détails avec attention, ne pouvant t’empêcher de penser qu’il a su très bien choisir. « C’est magnifique … » Sans un mot de plus, tu lui tend le bracelet et ton poignet pour qu’il puisse te le mettre. « Je sais pas quoi dire… Merci… Vraiment. Merci pour tout. » souffles-tu, avec honnêteté et surprise. C’est comme si tu ne savais plus vraiment ou te mettre à voir toutes ces attentions à ton égard. T’as ce frisson étrange qui te parcours, cette sensation qu’il n’est plus le même, et que tu le découvres sous un nouveau jour. Tu vois, tous les efforts qu’il a fait pour que cette journée soit unique, et tu sais, au fond de toi, que tu t’en souviendra. Parce qu’à cet instant précis, il apporte de la lumière à ce quotidien trop sombre. Il apporte une part d’espoir, quelque part. Et tu ne pensais pas ça possible, encore moins venant de lui. Pourtant, force est de constater que malgré le temps qui passe, il te connait toujours aussi bien. Il arrive à te montrer qu’il a changé. Que c’était possible, malgré votre histoire.