Un geste, si petit et à la fois si grand. Il est insignifiant pour beaucoup, mais pour moi il est impactant. C’est réel, c’est concret, un peu plus à chaque pas que je fais dans sa direction. Je ne suis pas fou, je ne pense pas qu’un simple cadeau pourra tout arranger, mais j’ai l’espoir de voir les choses évoluer. Ça prendra du temps, je le sais aussi et je n’ai pas la moindre idée de combien. Quelques semaines, quelques mois ? J’ai peur, et si finalement tout ça ne menait à rien ? A quoi bon. Je ne vois rien, tout est si flou au loin, comme indécis, inapproprié aussi. J’espère quoi au juste ? Quelque chose qui s’approche du bonheur, d’une sensation que j’ai oublié. Mon ventre se tord, je suis nerveux, j’ose à peine la regarder de peur que tout ne se brise. Mais il n’en est rien, au contraire sa sincérité me frappe le visage. Je le vois dans son regard, cette lueur, si brillante… j’aurais dût la rechercher plus tôt, en avoir envie. Pourquoi ai-je mis autant de temps à m’en rendre compte ? C’est souvent quand on perd ce qu’on a de plus précieux qu’on se rend compte de son importance. Et avec Ye Won c’est ce qu’il s’est passé. Je l’observe sans rien dire, déglutissant alors qu’elle découvre le cadeau. Elle tend son poignet vers moi, j’ai le cœur qui vrille alors que mes mains attrapent le bracelet. Je ne fais aucun effort pour éviter le contact de sa peau, laissant même ce geste s’éterniser en faisant glisser le bout de mes doigts dans sa paume encore chaude… Mon regard posé sur l’objet, j’ai presque du mal à réaliser qu’il restera là accroché à son poignet. C’est un peu égoïste je crois, mais je me sens bien à l’idée qu’une part de moi ne la quitte pas… « J’aurais dût faire ça bien avant. » je souris un peu triste, avant d’attraper le petit gâteau et lui tendre. M’asseyant de nouveau à ses côtés, je tends les mains vers le feu pour en sentir la chaleur. La nuit a déjà commencé à tomber, je n’ai pas vu les heures s’écouler. Je regretterai presque que le temps ne se soit pas arrêter pour ne jamais revenir à la réalité. Je me sens plus léger désormais, bien que je sache pertinemment qu’aucun problème ne soit réglé. Mais je fais avec, je ne peux pas changer le passé, je ne peux que vivre avec les remords et tenté d’améliorer le présent. Je pense une nouvelle fois que nous avons fait un pas l’un vers l’autre et je suis plutôt satisfait de ne pas avoir écouté cette voix qui me crierait de rester éloigner. A quoi bon ? Je n’en ai pas envie de toute façon. Ye Won m’a manqué, plus que je ne le pensais. Plus le temps passe plus je m’en rends compte et l’ignorer serait un poison. « Ye Won, je voulais te dire merci aussi. » je relève les yeux vers elle, le regard plein de sincérité « Je te l’ai jamais dit, mais tu m’as jamais laissé tomber, même dans les pires moments. » elle a tout fait pour moi, tout pour que je m’en sorte. Je ne compte plus les fois où elle s’inquiétait. Je n’ai jamais pris le temps de lui dire, et je trouve que cette occasion est parfaite. Nous sommes dans les confidences, ça n’est pas triste, c’est un remerciement sincère pour tout ce qu’elle a fait. Je m’approche un peu plus d’elle, lui demandant « T’as pas froid ? » je me saisis de la couverture encore pendante sur ses épaules, la lui tirant un peu plus sur elle pour qu’elle s’emmitoufle dedans. Je souris doucement, la frottant légèrement contre sa peau tandis que nos regards se croisent à nouveau. Cette fois-ci c’est plus intense, la lueur des flammes se reflète dans ses yeux et je trouve cette image presque irréaliste, comme sorti tout droit d’un rêve. Ma main trouve sa joue pour venir la caresser de la pulpe de mes doigts un peu froids. Je ne pense à rien, qu’à elle, cette plage, ce moment… « J’avais oublié… » un murmure, suspendu dans cet instant qui n’appartient qu’à nous. Oui, j’avais oublié tout ce qu’elle représentait. Cette sensation au creux de mon ventre quand je la regarde, son expression, son regard, sa bouche… je m’égare à nouveau sur ses lèvres, mon visage si proche du sien. On pourrait ouvrir cette parenthèse, se laisser aller à ce que nous étions elle et moi.

D’aussi loin que tu te souviennes, les instants à deux s’étaient fait de plus en plus rare, au fur et à mesure du temps. Les derniers mois avant sa disparition n’étaient fait que de lendemains de soirées houleux, à tenter de le garder sur pieds. Vous aviez déjà perdu une part de votre innocence, à ce moment-là. Vous aviez déjà perdu une part de l’essence de votre amour. Mais ça ne t’a pas empêché de continuer à l’aimer, toujours plus fort. T’en viens à te demander ce que vous auriez pu devenir, s’il ne t’avait pas évincée de sa vie comme ça. Seriez-vous toujours ensemble ? Auriez-vous vécu ce genre d’instant, perdu dans le temps ? Mais ces questions resteront sans réponse, tu le sais. Tu ne t’attends pas à découvrir la vérité, mais plutôt imaginer. Là, sur cette plage, t’aurais envie d’effacer cette période de vos vies. Là où vos chemins se sont séparés. Là où ton coeur s’est brisé, sans jamais réussir à le recoller. Ton regard perdu sur l’océan, tu tentes de faire le vide, lui réponds d’un sourire. « J’crois qu’on était trop jeunes pour se rendre compte de ce qui était important. » murmures-tu, tes mots s’échappant au rythme du vent. Toi, tu t’en foutais des cadeaux, du matériel, tant que tu l’avais lui. Tant que vous aviez ces instants à partager. Mais tu t’es rendue compte le jour de son départ, que tu n’avais plus rien à quoi te raccrocher. T’es tombée de haut, et t’y as fait face, comme t’as pu. Ces mots que tu rêvais entendre au fond de toi te parviennent, sans savoir comment réagir en fin de compte. T’avais fini par croire que t’en as jamais fait assez, t’as finis par te dénigrer toi-même en cherchant ce que t’as bien pu faire de mal. Et ça change le regard que t’avais sur votre histoire, quelque part. Son contact est doux, intense. Sa main dans ton dos créé de nouvelles palpitations à ton coeur. « Un peu, » avoues-tu à demi-mot, alors que la chaleur des flammes commence doucement à t’enrober. T’aimerais pouvoir rester ici éternellement, le passé derrière toi. Parce qu’ici, Il Kyang à tes côtés, t’as envie de tout oublier. Même si finalement, tout ne se fait pas en un claquement de doigts. Mais sur cette plage, t’as envie de croire que c’est possible. Que tu pourrais sortir la tête de l’eau. Qu’il a beau t’avoir détruite, il pourrait être celui qui t’aide à te reconstruire. Vos regards qui se croisent, son visage à quelques centimètres à peine du tien, et cette caresse sur ta joue. C’est comme une seconde suspendue dans le temps. Et tu te surprends même à vouloir l’embrasser, comme avant. Avoir la délicate sensation de ses lèvres contre les tiennes, et revivre tout ce que ça pouvait provoquer en toi. Mais tu t’y refuses, encore dans la réserve. Toujours cette pointe de douleur quand t’y repenses. Votre histoire est censée être terminée, pourtant t’as du mal à te faire à cette idée. Il serait si facile d’y succomber, mais tu as bien trop peur des conséquences d’un tel geste. Tes lèvres qui se pincent avant de te retourner, posant simplement ta tête sur son épaule. Tu ne sais pas à quoi tu joues, si tout ça est bien réel. Tu ne saurais dire ce qu’il se passe exactement en toi, mais tu le sens. Que cet amour ne s’est jamais envolé. Que les sentiments sont restés intacts. Et que c’est certainement pour ça que tu le détestes autant aujourd’hui. Parce qu’il a pris ton coeur en otage, et que tu n’as rien fait pour le récupérer. Et pourtant, tu te sens si légère aujourd’hui. Une sensation que tu n’as plus ressentie depuis trop longtemps. Tu finis par prendre un bout de gâteau, gardant ta tête nichée sur son épaule, et lui tend. Pour partager quelque chose de plus, aussi subtile que cela puisse paraître.

Il m’a fallu peu de temps avant de me rendre compte qu’elle me manquait. Un lointain souvenir, un regard… Je me sens stupide, démuni face à cette peine qu’elle doit ressentir. Et pourtant, si généreuse en m’accordant le droit d’être là aujourd’hui. Peut-elle me pardonner un jour ? Juste oublier ? Ma présence ne suffira pas, mes mots non plus, alors je mise sur les gestes. Les actes sont finalement plus fort pas vrai ? C’est ce que je crois, du moins en cet instant en me trouvant si proche d’elle. Son visage, son souffle… j’ai envie de me perdre dans cette euphorie. On pourrait faire semblant, le temps d’un court instant pour combler ce manque dans mon cœur. Oh si tu savais Ye Won… c’est ton sourire, ton regard, tes rires… toutes ces choses, même ces petites manies, ces trucs qu’on pourrait détester, tout me manque. C’est plus intense maintenant et je n’ai plus rien de raisonné qui me vient en tête. J’ai envie de céder à la folie… mais elle se détourne de moi, comme elle doit le faire. Je me sens ridicule tout à coup, revenu à cette réalité qui me briserait presque. Mais elle pose sa tête contre mon épaule, peut-être une manière à elle de me dire qu’elle n’est pas encore prête ? Je pense à ces choses, je le sais c’est idiot… elle n’en a pas envie, pas avec moi. Je me sens presque triste, j’observe le sable, subitement passionnant alors que j’hésite à dire quelque chose. Je voudrais m’excuser, mais c’est lui avouer ce à quoi je rêvais… j’aurais voulu ce baiser, retrouver ces lèvres que j’ai tant touchée. J’attrape machinalement son morceau de gâteau, le mangeant sans oser parler. Doucement, je laisse ces idées derrière moi pour profiter de l’instant. Cette chaleur, celle du feu mais de sa silhouette contre moi. Au final, je me sens bien, et je me dis que je dois être patient. Attendre, le bon moment pour elle et moi. Oh traitez-moi d’idiot ! Parce-que désormais j’y crois. A cette chose qui grandit en moi, à cette envie, ce besoin d’être auprès d’elle. C’est triste, d’avoir attendu tout ce temps pour oser lui parler. Les choses auraient pu être différente… mais je n’ai presque pas de regret, en la voyant si apaisée à mes côtés. Je me mordille la lèvre, jetant un coup d’œil à ma guitare que j’avais posé là. Je me redresse un peu, me détache d’elle et me penche pour l’attraper. La sortant de son étui « Je… j’ai un truc à te faire écouter. » j’ai pas mal écrit ces derniers jours. Pour une raison que j’ignore, j’ai senti ce besoin de me remettre à bosser sur des sons, à écrire aussi. Plaçant mes mains sur les cordes, je lève les yeux pour lui dire « ça parle d’un mec qui veut faire les choses bien… » je baisse la tête, presque intimidé à l’idée de lui confier ça. Parce-que au fond cette chanson je l’ai écrite en pensant à elle, à moi aussi… au gars que j’étais et que j’aurais dut être. Je n’en dis pas plus, pour ne pas la brusquer encore une fois. Je ne veux pas qu’elle y voit un message décalé. J’aimerais juste qu’elle entende ces mots, cette manière que j’ai de pouvoir expliquer les choses que je ressens, sans vraiment oser les dire. Je n’ai jamais été doué pour ça… peut-être ne la prendrait-elle pas pour « nous ». Je laisse mes doigts glisser doucement sur les premiers accords. La musique finit par envahir l’espace, tandis que j’ose commencer à chanter ces paroles. chanson

T'aurais aimé pouvoir succomber. Laisser tes lèvres se sceller aux siennes. Laisser un contact aussi simple que transcendant te transporter dans cet autre univers. Celui ou vous seriez certainement encore ensemble. Ou vous continuiez de vous aimer, sans qu'aucun moment tragique ne vous ai séparé. Utopie certaine, pourtant, la réalité reste ancrée en toi. Toujours à te rappeler, l'état de ton coeur. Et t'as cette douleur dans ta poitrine qui s'éveille, alors que tu te détaches de lui, que tu poses finalement ta tête sur son épaule. Un goût d'inachevé, quelque part. Dans votre relation, dans cet instant. Sans que tu ne puisses l'expliquer. Peut-être est-ce plus simple de fuir l'évidence, la vérité. Tu l'aimes encore, au fond de toi. Cette infime part de toi n'a jamais su l'oublier, ni même ce que tu as pu ressentir à son égard. Bloqué, t'empêchant d'aimer à nouveau, autrement. T'empêchant d'imaginer toute nouvelle relation, avec qui que ce soit. Mais tu ne l'avoueras pas, ni à Il Kyang, ni à qui que ce soit. Parce que tu n'arrives par à te l'avouer à toi-même. Même si ça crève les yeux, à vous voir tous les deux sur cette plage. Mais tu restes simplement interdite, ton regard perdu sur la mer. Une beauté à couper le souffle, dont t'avais besoin en ce jour si spécial. Et finalement, ça ramène un peu de lumière dans ton quotidien. Ca te montre que l'espoir peut toujours renaître. Aurais-tu l'espoir qu'il reste près de toi ? Certainement. Pourtant, tu ne saurais le dire, le montrer. Et t'as ce pincement au coeur quand il se détache finalement de toi. T'as l'air perdue, alors qu'il fini par attraper sa guitare. Ton attention se porte entièrement sur lui lorsqu'il décide de jouer un morceau pour toi. Ca te rappelle toutes ces chansons qu'il te chantait le soir, après certains de ses concerts. Cette façon qu'il avait de te faire sentir unique en chantant uniquement pour toi. Et il y a ce sourire qui se dessine sur tes lèvres, à nouveau. Tu t'enroules un peu plus dans ta couverture, alors que ton regard reste posé sur lui, observe ses gestes, ses expressions lorsqu'il se met à chanter. Et tu l'écoutes, avec une attention particulière. T'écoutes ces paroles qui te font remonter des souvenirs heureux, d'autres plus douloureux. Pourtant, tu restes à la merci de ses lèvres, de ses mots. Parce que ces paroles te parlent. T'as l'impression de te retrouver dans ce qu'il exprime. Le meilleur moyen pour lui d'ouvrir son coeur, tu l'as toujours su. Ta tête qui se penche sur le côté, alors que tu restes suspendue à ces accords. Tu regretterais presque que ce moment se termine lorsque tu entends finalement les dernières notes. Et tu restes silencieuse, un instant. Quelques secondes avant de te redresser, afficher un nouveau sourire, teinté d'une certaine nostalgie. « C'est magnifique... » finis-tu par lancer. Tu ne saurais dire ce qu'il essaie exactement de retranscrire dans cette chanson, pourtant, t'as le sentiment qu'il y a une part de vous là-dedans. « J'ai l'impression de te retrouver dans cette chanson. » avoues-tu enfin. Mais tu n'as plus vraiment envie de parler de vous, à cet instant. De cette relation passée. T'as envie de penser au présent, oubliant les douleurs du passé, et ce qui vous a éloigné. « T'as écrit beaucoup de chansons depuis... ? » depuis ce fameux jour ou il a disparu de ta vie. Arrêter de se focaliser sur le passé. Penser à aujourd'hui, à ces personnes que vous êtes devenues. Même si t'as ce sentiment que vous avez fini par échanger les rôles. Ironique, en fin de compte.

Je ferais les choses bien, à partir d’aujourd’hui, je rattrapais le temps qui m’a filé entre les doigts. Ce bonheur que j’avais à porter de main. Je veux le saisir à nouveau. Je veux être là pour elle, lui montrer que je peux changer. Je ne pourrais pas toujours être celui qu’elle voudra, mais je pourrais faire un effort. Je pourrais arranger le présent, pour qu’il devienne plus beau. J’ai besoin de toi Ye Won… je ne sais pas comment j’ai fait pour avancer sans toi. Peut-être est-ce pour cette raison que c’était si douloureux, si insurmontable ? Je me sens fébrile, comme un petit garçon qui lui avoue un crime qu’il a fait. Je ne la lâche pas des yeux, ma voix brise les silences et les non-dits, même si j’ai conscience qu’ils ne panseront aucune des blessures. Je ne regrette pas de lui chanter ces paroles, c’est plus intime, j’y embelli les actes, les mots aussi, pour que ça parle à plus de gens. Mais le fond est une part de moi. J’aurais dût être ce mec-là… pardonne-moi de n’avoir jamais su gérer mes émotions. Je ne suis qu’un gamin après tout, immature et irrespectueux. Je n’ai pas vu ce que j’avais devant moi. Capricieux, j’ai laissé mes envies dicter ma vie sans faire attention aux autres. Je peux me racheter une conduite, continué d’avancer. C’est ce que j’ai envie de faire, depuis quelques temps, j’ai envie de revivre au présent. De ne plus regarder en arrière, mais quand elle est là, je suis inévitablement attiré par notre passé… et ça me fout le moral en l’air. J’aimerais la voir tel qu’elle est là aujourd’hui, sans apercevoir ce cœur brisé. Celui que j’ai piétiné… Je finis de chanter, presque soulagé à nouveau. Je lui souris doucement, sans lui répondre. Parce-que lui dire que c’est de nous dont je parle, ça n’y changera rien. Il faut qu’on avance, qu’on arrive à passer à autre chose. C’est du moins ce que je tente de me dire, alors je dépose ma guitare à côté. J’arque un sourcil, une moue sur les lèvres « Bof… pas vraiment. En fait pour être franc, Kitae et moi on se dispute pas mal depuis quelques mois. » je détourne les yeux. Peu fier de lui annoncer ça. « A cause de la musique. Tu sais, je fais passer tout le reste avant. Les études et les petits jobs à la con. » Je laisse un rire désabusé franchir mes lèvres. « J’ai pas réussi à écrire des trucs potables depuis pas mal de temps… » C’est Kitae qui fait tout le boulot. Il trouve encore l’inspiration et la patience de me supporter aussi. On s’engueule souvent c’est vrai, je ne fais aucun effort. Parfois il m’arrive de me forcer, juste pour lui… « Il se donne du mal pourtant pour nous trouver des trucs. On a un festival bientôt sur une plage et… une audition pour une grosse maison de disque. » Et je devrais y croire, mais honnêtement je me trouve mauvais. Je ne suis plus aussi bon qu’avant et encore moins passionné. Alors je sais que ça sonne beau dit comme ça, mais finalement lui et moi on se prendra encore la tête. Parce-que je ne voudrais surement pas y aller à la dernière minute, parce-que je me trouverais des excuses pour fuir mes responsabilités. Malgré ça je lui souris « Je verrais bien. » je préfère rester neutre et surtout ne pas plomber l’ambiance. J’observe les alentours, m’apercevant qu’il fait déjà nuit. Et comme pour changer de sujet, je finis par me relever « ça te dit d’aller manger ton bibimbap ? On a quand même pas mal de route à faire avant. ». 

Tu restes suspendue à ses lèvres, comme à chaque fois qu’il se met à chanter pour toi. Une vieille habitude perdue ces dernières années, mais qui revient, bien trop naturellement. Comme si, finalement, rien n’avait changé. Pourtant tu le sais, tu le ressens, dans ses paroles, dans ces souvenirs qui restent ancrés dans ta mémoire, que quelque chose s’est brisé entre vous, le jour où il est parti. Pas seulement ton coeur, mais ce petit quelque chose, qui faisait ton bonheur, votre bonheur. Tu n’es pas sûre de pouvoir le retrouver un jour. Parce que tu te connais trop bien pour ça. T’es parfois bien trop rancunière, trop portée sur le passé, bien qu’il soit derrière toi. Tout ça t’empêche bien trop souvent d’avancer correctement. Parce que tu n’arrives pas à panser tes blessures comme il le faudrait. Parce que tu n’as plus ces piliers dans ton quotidien. Mais sur cette plage, aujourd’hui, t’as envie de croire que tu pourrais retrouver l’un d’entre eux. Malgré cette infime partie de toi réticente à cette idée. T’essaies de te détacher de toutes ces idées, même si ça reste compliqué. Un soupire, mêlant bien être et appréhension qui s’échappe d’entre tes lèvres lorsque la mélodie se termine, et ton regard qui reste posé sur lui, inlassablement. Les choses changent entre vous, vous même avez changé, ça se voit, ça se ressent. T’es malgré tout surprise par la révélation qu’il te fait. Fut un temps, tu le connaissais par coeur. Tu n’avais pas spécialement besoin de mots pour savoir ce qu’il pensait. Vous étiez capable de vous comprendre par de simples regards. Et certainement que tout ça te manque aussi. « J’aurais pas cru… » souffles-tu, d’une vois à peine audible. Tu te souviens d’Il Kyang comme ce gamin rêveur qui faisait toujours passer la musique avant, ne pouvant t’empêcher de te demander comment a-t-il pu faire pour reléguer cette passion au second rang. Mais tu n’oses pas l’exprimer à voix haute, par peur de le froisser, sûrement. « Tu … n’as pas envie de passer cette audition ? » cette question que tu regrettes d’avoir posé à peine l’entends-tu s’échapper d’entre tes lèvres. « J’veux dire, l’autre soir déjà, et cette chanson-là, elles sont uniques. Elles pourraient toucher du monde. » Tu n’es pas une professionnelle dans le domaine, pourtant, c’est l’impression que t’as eu, en les entendant. Ta tête qui fini par se baisser, comme interdite. « En tout cas, c’est mon avis. » Tu ne penses pas être celle qui faut, pour lui donner cet engouement qu’il avait, avant. Tu n’estimes pas avoir la bonne place pour ça, au fond de toi. Le temps à coulé sous les ponts, et il faut faire face à la vérité, lui comme toi, n’avez plus la même position dans la vie de l’autre. Cette constatation qui peut raviver cette douleur dans ton coeur, bien vite effacée de ton esprit quand tu le vois se relever, lorsque sa voix parvient à nouveau à tes oreilles. Tu lui offres un sourire à ton tour, avant de te relever, observer une dernière fois autour de toi. « Ca m’va. » que tu lances l’air de rien, voulant graver cet instant dans ta mémoire. Parce que finalement, cette escapade de quelques heures te fait aussi du bien. Elle te permet de sentir que l’espoir peut revenir, à sa manière. « Mais j’veux qu’on mette de la musique sur le trajet. » Un léger rire à ces mots, presque anodins. T’as envie de sentir encore cette légèreté en toi, celle que tu as perdu il y a bien longtemps. Un regard vers l’océan, avant de l’aider à ranger vos affaires, manger ce dernier bout de gâteau qui traîne devant toi. Tu le sais déjà, tu garderas un souvenir particulier de cette journée. Parce qu’elle vous a permis de discuter de ces choses importantes. Elle a laissé entrevoir la lumière, et te permet de comprendre qu’avec le temps qui passe, on peut continuer d’espérer que les blessures du passé ne deviendront un jour qu’un lointain souvenir.

L’avouer me fait du mal, en vérité je n’en parle jamais. Je le sais, je le vois bien, les choses sont différentes entre Kitae et moi, mais le dire c’est le rendre plus réel. Je déteste cette situation, mais pour être franc, j’ai mis quelques temps, voir même des mois à m’en rendre compte. Il a eut beau me crier dessus, m’interpeler, je suis resté comme un idiot, buté dans mes mauvais choix. J’en suis arrivé à un point où je me déteste. A toujours repenser au passé, à ce que j’aurais pu faire de différent. Et je suis lassé, aujourd’hui, j’en prends conscience sans pour autant pouvoir y changer quelque chose. Mais à la différence de mes parents Kitae ne me lâchera pas, pourtant je crois le mériter. Je ne suis qu’un petit con qui pense à lui… alors je suis surpris d’entendre Ye Won me dire ça. Surement parce qu’une part de moi sait qu’elle a raison. Je n’ai pas la prétention de changer le monde avec ma musique et encore moins d’écrire des textes qui touchent. Mais fut une époque où il n’y avait que ça qui comptait. Où je me foutais de l’avis des autres, je faisais ce que j’aime, je vivais, je respirais pour ça. Aujourd’hui, je ne suis plus que l’ombre de moi-même et je déteste cette sensation. Je suis peu convaincu de mon talent. Ces chansons je les ai écrites pour elle en quelque sorte, je ne suis pas certains qu’elles aient leur places aux côtés de celles de Kitae. Quand j’y pense, cela fait une éternité que nous n’avons pas bossé tous les deux. Je détourne les yeux, presque triste « Ce n’est pas que j’ai pas envie… c’est qu’on est pas au meilleur niveau. Alors ça ne sert à rien. » Je suis catégorique. Je ne compte plus les fois où Kitae m’a engueulé en me disant de passer à autre chose. D’essayer ! Que la musique c’est nous et le reste on s’en fout. Mais je suis un gamin contrarié, qui pense ne plus savoir faire quelque chose de ses dix doigts. Je crois que j’ai peur… peur de l’emmener avec moi, lui qui est si passionné. Je lui souris, presque rassurant avant de lui proposer d’y aller. Rassemblant déjà les affaires « Tout ce que tu veux. » et je ris. Parce-que écouté de la musique, j’aime ça, heureusement ça ne m’a pas quitté. Le tout sous le bras, je plie la couverture et m’avance vers la voiture. Au coffre, je jette mes affaires et m’installe pour démarrer. J’allume la radio « Tu veux quoi ? Je te laisse choisir, c’est encore ta journée. » Je l’invite à explorer mes playlists et met le contact. Je n’ai pas envie que cette journée se termine. J’ai l’impression d’avoir regoûter à quelque chose qui me plaisait. Cette liberté, cette innocence parfois. Et ce « nous », qui n’existe plus. Au final, j’ai réussi à passer outre et profiter de l’instant. Me confier m’a fait du bien… j’ai beau le faire avec Sawan, je me rends compte que avec Ye Won c’est différent. Parce-que elle était là avant… parce qu’elle sait qui j’étais et connait mon passé pour y avoir assisté. C’est un peu égoïste de ma part, ça m’adoucit, ça laisse de côté ces troubles qui me torturent l’esprit. J’ai un sourire au coin des lèvres qui ne me quitte plus. Je me sens léger tout à coup, avec une folle envie de me dire « aller c’est bon, profite, laisse tout ça derrière toi. » et je vais le faire. Du moins pour ce soir et ça me suffit. Cette parenthèse m’apporte beaucoup. En conduisant, j’en profite pour venir lui demander « T’écoutes quoi en ce moment ? On va voir si t’as meilleur goût qu’avant. » je la taquine, parce-que nous n’avons pas toujours aimé les mêmes choses. Et je crois aussi que c’est ça qui me plaisait. 

T’aurais du mal à croire à ces mots, après l’avoir vu aussi confiant en son art. T’es pas si douée que ça, avec les passions, toi qu’on a toujours interdit d’en avoir. Pourtant, t’arrives à le ressentir, d’une certaine manière. Que la musique l’a toujours aidé à avancer, avec Kitae. Et tu n’as jamais tenté de séparer ce duo qui a toujours si bien marché à tes yeux. « Hmm… D’accord. » murmures-tu simplement, même si tu sens peu sûre de toi. Difficile de croire que tout ai autant changé en si peu de temps. Même s’il te le prouve quelque part aujourd’hui. Peut-être parce qu’il y a trop de choses à assimiler, trop de différences avec les souvenirs que t’as toujours gardé de lui, de son duo avec Kitae. Mais aussi, parce qu’en l’entendant, aujourd’hui tout comme ce soir-là au bar, tu n’arrives pas à croire qu’il compose moins, qu’il ne se sente plus autant à l’aise avec la musique. Ce n’est pas ce que tu vois, de ton regard extérieur. T’y vois quelqu’un qui pose ses maux sur des accords, qui arrive à trouver les mots juste pour toucher en plein coeur, sans forcément le voir. Mais tu laisses tout ça de côté, alors que tu te relèves à ton tour, pour ranger tout ce qui se trouve autour de toi. Tu laisses Il Kyang récupérer la couverture encore sur tes épaules, et le suit jusqu’à la voiture. Cette fois, tu t’installes directement à l’avant, côté passager, tes lèvres qui restent étirées en un léger sourire que tu ne saurais dissimuler. « J’sais pas… Quelque chose qui bouge, qui met de bonne humeur. » réponds-tu finalement, sans idée précise sur ce que tu aurais envie d’écouter dans l’immédiat. Tu regardes dans ses playlist quelque chose qui pourrait retenir ton attention. Pourtant, vous n’avez pas spécialement les même goûts, et tu devrais avouer ne pas connaître tous les titres qui s’y trouvent. Mais tu ne dis rien, reste concentrée sur les possibilités qui s’offrent à toi. Après quelques minutes à chercher, sans rien trouver qui puisse t’intéresser, tu tournes ton regard vers Il Kyang. « J’peux récupérer mon portable pour le brancher ? J’vais plutôt mettre quelque chose de ma playlist. » Un sourire, empli d’une certaine malice reste figé sur tes traits. « De meilleurs goûts ? J’ai toujours eu de très bons goûts musicaux ! » Tu ris de ta propre remarque, sachant à quel point vous pouvez être différents à ce sujet. T’as beau écouter beaucoup de musiques commerciales, ça ne t’empêche pas de savoir apprécier des artistes méconnus, et qui pourtant mériteraient d’être sur le devant de la scène. Un peu comme Ilmatic, quelque part. Tu finis par récupérer ton sésame, et cherche dans tes dossiers quelque chose qui pourrait correspondre à ce que tu as envie d’écouter, même si au fond de toi, tu sais déjà qu’il n’appréciera certainement pas. Cette idée te fait rire, alors que tu restes concentrée quelques instants de plus. Tu te décides alors à lancer l’un des cartons de cette année. De la musique américaine comme tu adores en écouter. « Ah ça, c’est bien ! » que tu lances, laissant tes épaules bouger au rythme de la musique qui commence à s’engouffrer dans la voiture. Bien différent de ce qu’il peut composer, à l’opposé même de ce qu’il fait. Mais c’est ça aussi, que t’as toujours aimé chez lui. Cette faculté qu’il avait à te faire prendre d’autres chemins, à te faire découvrir tant de nouvelles choses. Et la musique, ça en faisait partie. Ca faisait partie de toutes ces choses qui composaient votre couple. Et à cet instant, tu te souviens, toutes ces fois ou tu as pu lui faire écouter ces chansons qu’il pourrait détester, mais qu’il laissait à la radio simplement pour te faire plaisir. L’impression de retourner à ces instants ou vous étiez encore heureux. Peut-être l’es-tu ce soir, à cet instant. Pourtant, tu refuses la simple idée d’y penser, laissant simplement ton esprit s’envoler, dans de nouveaux souvenirs que vous vous créez.

Je l’admets, je n’écoute pas des musiques joyeuses. En vrai, je suis plutôt branché rock, des musiques profondes avec des paroles qui ont du sens. Je n’ai jamais été très pop, au contraire de Ye Won. Je me souviens des chemins qu’on a parcourus à écouter ces chansons que je détestais. Ces fois dans des hôtels où je profitais qu’elle soit sous la douche pour changer et mettre quelque chose qui me correspondait. C’était un peu notre jeu, se bagarrer pour des musiques, tout en faisant découvrir à l’autre ce qu’on aimait. J’avais beau ne pas apprécier, en réalité je finissais par m’y habituer et quand elle n’était pas, je m’amusais à les écouter, pour avoir un peu d’elle à mes côtés. Je ne lui ai jamais dit, ça serait lui avouer qu’elle avait pu me convaincre et aujourd’hui, ça n’aurait plus le même sens. Je grimace quand elle me demande son téléphone, mais j’abdique rapidement en lançant « Ah mes oreilles vont saigner. » je prends un faux air désespéré et me met à rire. J’arque un sourcil peu convaincu, sur ses goûts. Je me fais prendre au jeu, attendant même qu’elle choisisse cette chanson si merveilleuse. Le cœur léger, je relâche doucement la pression. Je me sens libéré d’un poids… et je crois que c’est grâce à elle. Comme une envie de croire à nouveau à mon présent… Elle trouve enfin quoi écouter, et dès les premières notes, je laisse mes épaules retomber. D’un air dépité, je la regarde et me mets à rire « C’est ça que t’appelles bien ? » je ris un peu plus, cette fois moqueur. Je connais cette chanson, j’ai beau ne pas l’écouter, je ne suis pas ignorant. Et franchement… elle me fait rire. Je jette un regard à Ye Won qui bouge déjà au rythme de la musique, me faisant sourire de plus bel. Alors je me prends au jeu, et me mets subitement à chanter les paroles du refrain. Je ne me prends pas au sérieux, je fais même exprès d’avoir une grosse voix pour me moquer. J’aime cette légèreté entre nous. Comme un calme qu’on aurait su retrouver. Finalement, le passé peut parfois être oublié. C’est années n’auraient peut-être pas eut raison de nous tout compte fait. J’aime y croire et me dire que ça en valait la peine. Si on veut quelque chose on peut l’avoir, pas vrai ? Et si c’était elle que je voulais ?... je m’interdis d’y penser, continuant à déblatérer les paroles de la chanson. Je fais semblant de jouer les gros caïds dans ma voiture. Et je profite d’un feu pour farfouiller dans la playlist de Ye Won « Hum… c’est pire qu’avant. » je relève les yeux vers elle, amusé par ce petit jeu de provocation. A l’époque j’aimais lui envoyer des chansons que j’aimais, surement pour refaire sa culture musicale comme je lui disais. « Toutes ces années d’apprentissages pour rien finalement. » je fais la moue, puis ris à nouveau tout en démarrant. 

Vous pouvez être si différents, et pourtant, vous aviez trouvé le moyen de vous compléter. De tout connaître de l’autre, d’apprendre de l’autre, toujours plus. C’est ce qui faisait votre force, finalement. Être si différents, mais savoir apprécier tout ce qu’il pouvait t’apporter. Vous étiez de complet opposés qui s’étaient attirés, comme des aimants. Et qui n’ont pas su se détacher, jusqu’à ce qu’il ne disparaisse du paysage. Et aujourd’hui particulièrement, tu te souviens avec une certaine douceur de ces moments qui faisaient votre vie. Et la musique en a été le centre. Ca vous a apporté des moments de joie, de peine, des disputes, des rires. C’était son moteur, c’est un peu devenu le tiens, pendant ces années là. Et là, assise dans cette voiture, c’est comme vous revoir plusieurs années en arrière, sur les routes, à caricaturer ce que tu écoutes la majeur partie du temps, à vous disputer pour choisir quelle ambiance mettre. Ces instants où vous étiez libres de tout, et ou votre amour vous a porté loin. Tu ris à sa remarque, bouge au rythme de la musique. Tu te mets même à chanter, même si tu n’as pas une aussi belle voix que lui. Ce sourire sur ton visage se fait de plus en plus grand, alors que ton regard reste posé sur Il Kyang, qui se prend au jeu. « Mais oui ! Me dis pas que t’aimes pas, j’te croirais pas ! » Pourtant, tu sais que c’est bien loin de ce qu’il écoute habituellement, mais t’as envie de le charrier, comme avant. Tu te lâches, en fin de compte, sans penser au passé, sans penser à ces blessures qui te tordent encore trop souvent le coeur. Pendant quelques minutes, rien n’a d’importance, juste le moment que vous vivez, ensemble. Tu te sens bien, en le voyant se prendre au jeu, rire avec toi. Cette insouciance perdue il y a bien longtemps. Et tu ne t’offusques même pas de sa remarque, préfère en rire. « Pire qu’avant ? C’est encore mieux oui ! » Ce que tu ne dis pas, c’est qu’à côté t’as gardé toutes ces musiques qu’il a pu t’envoyer. Tu ne les avait plus écoutées depuis longtemps, parce qu’elles te ramenaient à chaque fois à votre histoire. Mais depuis quelques temps, certaines parviennent à nouveau à tes oreilles, en secret, sans rien dire à personne. Tu t’abstiens de lui avouer, ça serait au fond avouer qu’il a su te donner de sa culture musicale. Et au final, vos disputes à ce sujet ont toujours été assez drôles pour garder ça pour toi. « Avoue qu’au moins, tu peux t’amuser là-dessus. On peut pas déprimer avec ça. » Tu ponctues ta phrase d’un clin d’oeil amusé, une sorte de provocation, comme tu en avais l’habitude avant. Et c’est étrange, de te retrouver à ses côtés, comme si de rien n’était. Pourtant, cette pensée ne t’effleures pas l’esprit, trop amusée par ce qu’il se passe. Ca faisait trop longtemps sûrement, que tu n’avais pas réussi à te libérer autant, et ça prend le pas sur le reste, en fin de compte.