Ces moments m’avaient manqués, cette ignorance… j’ai envie de me foutre de tout, de tout oublier. Mes peines, mes rancœurs et surtout mes remords. Je veux tout recommencer, tout réécrire. Et je sais qu’elle doit être là, quelque part, je ne supporte plus l’idée qu’elle ne soit qu’un souvenir. Ma vie est si fade depuis ces dernières années. J’ai l’impression d’y voir un peu plus clair, de me dire qu’enfin je peux souffler. Lâcher prise, une fois pour toute. Tant pis si demain je me foire, si je fais encore des erreurs, mais j’aurais essayé. De sauver quelque chose qui existe peut-être encore entre nous. Et ce genre d’instants me le prouve un peu… si on se détestait, on ne serait pas en train de rire ensembles, à ne plus penser à rien. A juste renouer avec ce qu’on savait faire le mieux. J’aime l’entendre rire, et voir son sourire illuminé son visage. Cette fois j’ose y croire un peu plus… je joue aux innocents, comme si un mec comme moi ne pouvait pas aimer la pop urbaine. Mais je l’avoue, je la connais par cœur cette chanson, comme bon nombre dans sa playlist. Ça fait partie du jeu, jouer à faire semblant, dire que j’ai de meilleurs goûts. On se taquine, plus complice qu’avant. C’est encore mieux que ce j’espérais. Pour être franc, je n’avais pas réfléchit aux conséquences de cette journée. J’avais juste agit comme j’en avais envie, pour une fois, à laisse derrière moi quelques doutes. Mes craintes étaient restées présentes, mais au fond… ça en valait la peine. Je suis peut-être fou, mais c’est cette fougue qui m’a poussé à agir comme je l’ai fait. Je l’aurais regretté toute ma vie si je n’avais pas essayé. Je ne dis pas que les choses sont acquises et je n’ai pas la moindre idée de ce que me réserve le futur avec elle. Je veux juste croire en cet instant, rire et continuer à plaisanter à ses côtés. « Ouais, tu peux que rire sur ces chansons. » je me moque un peu plus, me laissant bercer par la mélodie de ces sons et de nos échanges. Le reste vu voyage, je lui propose un jeu, un blind-test, et je fais semblant à plusieurs reprises de ne pas connaitre les musiques qui défilent. Ça suffit à nous occuper le reste du temps, à ne plus penser à rien. J’ai un léger pincement au cœur en voyant la ville se dessiner. Ces rues familières qui pourraient trop vite me rappeler à la réalité. Je cherche une place, me gare et récupère mes affaires. « Je connais un bon resto dans le coin. J’espère que ça t’ira. » Elle a peut-être ses habitudes, comme j’ai les miennes. Je lui adresse un sourire, puis m’engouffre dans les rues alors que la nuit est déjà bien tombée. Je n’avais pas envie d’aller près de l’université. Pas encore du moins, comme pour faire durer davantage cette journée. Je crois que c’est l’un des meilleurs anniversaires que nous ayons passés. Je n’ai pas la prétention de lui avoir offert le plus beau de sa vie, non… mais je n’avais jamais donné autant de moi pour quelqu’un. Et je ne sais pas si elle s’en rend compte. Tout ça... ce n’est pas un jeu. Arrivé au restaurant, je lui tiens la porte, amusé avant de lui faire signe d’entrer avant moi. Je jouerais presque au mec galant, encore quelque chose de nouveau. Un sourire aux lèvres, je trouve une place tout en humant les parfums de nourritures. « Ça me donne faim. » j’attrape la carte, sachant déjà ce que je vais prendre. « Commande ce que tu veux. Je t’invite. » Un nouveau sourire et un regard malicieux, je n’ai pas toujours eut les moyens de lui payer un restaurant. Heureusement, ici c’est assez pour mon porte-monnaie. Lorsque le serveur arrive pour prendre la commande « Un bibimbab, bien pimenté ! Et une bouteille de soju. » J’ai toujours adoré le piment, alors j’insiste pour en avoir plus. Je la laisse choisir, puis quand le serveur s’en va « Alors Kim Ye Won… ça valait le coup que je t’enlève ? » je me mets à rire, repensant à la scène vu de l’extérieur. J’espère qu’elle n’aura pas d’ennuis à cause de moi.

Tu ne t’attendais pas à ça, quand Il Kyang a débarqué de nulle part, te forçant a te glisser dans sa voiture. Tu ne t’attendais pas à autant de sa part, pas après tout ça. Pas après ces retrouvailles insensées, ni même cette soirée si étrange où tu l’as revu sur scène. Cette fois, t’as le sentiment de voir une réelle sincérité dans ses regards, ses sourires. Tu ne pensais pas pouvoir passer outre cette colère qui continuait de gronder au fond de toi. Mais la vérité est là. T’es encore capable de mettre le passé de côté, même si la douleur sera toujours présente, quelque part. Un coeur brisé peut-il réellement être recollé ? Une question qui t’a hanté pendant si longtemps, pour laquelle tu n’as trouvé aucune réponse. T’as envie d’y croire, à cet instant précis. T’espères qu’un jour, tu pourras dire que t’as réussi à panser toutes ces blessures qui t’envahissent encore trop souvent. Dans cette voiture, à cet instant, tu oublies tout ça. Tu oublies le passé, le futur, te concentres uniquement sur le présent, ce que t’es en train de vivre. Alors peut-être que demain, tes sentiments auront à nouveau changé, mais à cet instant, tu te sens légère, et c’est tout ce qui compte. Le reste du trajet se fait dans cette bonne humeur qui se fait bien trop rare dans ta vie. Et même si tu ne l’avoueras pas, ça réchauffe ton coeur, bien plus que tu ne le montres. Des souvenirs impérissables, avec lui. Même lorsque tu commences à reconnaitre les rues de Séoul défilant devant toi. « J’te fais confiance. » lances-tu, lorsque vous arrivez enfin. Tu sors de la voiture, et le suit, jusqu’à ce petit restaurant encore inconnu pour toi. Installée face à lui, tu te demandes comment vous avez fait pour en arriver là, alors que tu lui offres un sourire, comme gênée. Les odeurs de bibimbap font gargouiller ton estomac, qui a encore faim après cette journée si chargée. Et t’en ris, tu cachant derrière tes main, avant de reporter ton attention sur lui. « C’est gentil… » souffles-tu, surprise par ce geste. Ce n’est pas le genre de chose qui vous arrivait souvent, mais lorsque c’était le cas, ton coeur s’emballait, tout comme maintenant. Le serveur devant vous, tu commandes à ton tour. « Un bibimbap aussi, pas trop épicé. Et une bouteille de soju à la pêche. » Ton pêché mignon, en ce jour de fête. Et tu n’aimerais pas t’en priver, pas ce soir. Sa question te fais sourire de plus belle. C’était une surprise inattendue, et pourtant, tu ne regrettes rien. « J’dois avouer que j’suis pas une grande fane de surprise, mais celle là était réussie. » Et tu le penses, sincèrement. Ne t’en cache pas. Même si tu ne te sens pas encore prête à avouer à voix haute, tout ce qui reste au fond de toi. Cette appréhension qui peut encore être présente, à être à ses côtés. Cette question qui continue de tourner en boucle dans ta tête. Pourquoi ? Question bien trop vaste, certainement. Pourtant, tu ne t’attendais pas à autant de sa part. Ne pensais pas qu’il oserait faire le quart ce qu’il a fait pour toi aujourd’hui. Et même si ça te soulage, t’as cette peur au fond de toi que tout s’arrête, que tout ça ne soit qu’un mirage. Alors tu restes encore un peu sur tes réserves, ne voulant pas te brûler les ailes.

Je reste suspendu à cet instant, voulant graver chacune de ces images dans ma mémoire. Une chose que je ne faisais jamais avant. J’avais beau profiter du présent, je ne prenais jamais le temps d’observer, de me souvenir. Cette fois c’est différent, ça me semble trop beau pour être vrai. J’ai souffert pendant trois ans, loin d’elle, de cette fille qui chamboule ma vie. Je n’étais qu’un idiot, le moi d’avant aurais tout donné pour se retrouver ici ce soir. Juste là, face à elle… je ne fais plus attention au reste, les gens qui nous entourent ne comptent déjà plus. Je n’ai d’yeux que pour elle et même si cette idée me fait vriller la tête, je tente de garder les pieds sur terre. J’ai trop peur… peur d’admettre ce que je ressens, ce qu’elle me fait. Tout chez elle m’inspire, comme une muse que j’avais longtemps mise de côté. Est-ce que c’est possible ? De me sentir aussi bien, sans en être coupable ? Je ne veux plus penser à ça désormais. Ce qui m’intéresse c’est elle et ce diner innocent. Je ne cherche rien, je ne veux pas qu’elle me remercie, qu’elle me rende la pareil. Non, je veux juste la savoir heureuse et peut-être un peu soulagé. Je l’écoute prendre sa commande, presque ahuri par ce moment aussi commun que nous partageons. Je suis satisfait de ce qu’elle me dit, elle a été surprise et c’était ce que je voulais. J’avais eu tellement peur qu’elle me rejette ou me laisse en plan. Finalement, elle avait su me faire confiance, même si sa raison devait lui dire autre chose. Je lui souris, un faux air fier sur le visage. « Tes amis savent, que tu détestes cette journée ? » ça n’a rien d’intrusif, je me demandais juste si c’est « vrai » amis étaient au courant. « Si jamais ils t’avaient prévu un truc, je veux dire. » je suis presque gêné, pourtant une part de moi est ravie. Je n’ai consulté personne pour lui organiser cette journée. Je n’ai pensé peut-être qu’à moi une fois de plus. Egoïste comme je le suis, ça ne pourrait m’en étonner. Je me flagelle mentalement, une fois de plus je remets mes actes en question. Et si juste pour une fois je pensais que j’ai fait quelque chose de bien ? C’est un renouveau, désormais je ferais les choses bien. Dans un but que j’ignore encore, même si mon cœur me lance des signes qui ne trompent pas. Les plats ne tardent pas arriver, me reculant un peu je laisse la place au bol brûlant sur la table. Mon regard posé sur mon bibimbap, je lâche un petit « hum », appréciateur. J’ai vraiment faim ! L’air de la mer ça me fait toujours ça. Me redressant, je sa boisson dans son verre et en fait autant avec la mienne. Levant mon verre je lui lâche « A ta journée qui s’achève. » un pincement au cœur, je dois l’admettre, je bois une longue gorgée de cet alcool que j’aime tant. Je ne tarde pas à ajouter ma sauce pimenté et mélanger le tout comme il se doit. 

T’as beau avoir ces réserves, tu te laisses malgré tout faire, face à Il Kyang. Cette impression qu’une certaine douceur se dégage de vous, à cet instant précis. Le passé qui refait surface, qui laisse les mauvais moments derrière vous, pour n’en garder le meilleur. La surprise est de taille. Si on t’avait dit, quelques mois en arrière, que tu passerais ta journée d’anniversaire en sa compagnie, tu n’y aurais pas cru. Si on t’avait insinué que tu passerais un bon moment en sa compagnie, que tu serais à nouveau capable de rire avec lui, tu aurais cru à une mauvaise blague. Et pourtant, tout ça vient seulement de se passer, sans que tu ne le regrettes. Il y a peut-être de nouvelles questions qui te viennent à l’esprit, mais tu n’as pas envie de tout gâcher en les posant. Alors tu les gardes pour toi, trouveras certainement un meilleur moment pour ça. Tu préfères te concentrer sur les questions qu’il peut avoir à ton sujet. Après tout, même si t’as changé, beaucoup de choses sont restées les mêmes, et il arrive encore à les deviner rapidement. Un soupire, un instant de réflexion. « Certains oui. Généralement, Hye Mi fait en sorte que personne ne me prenne la tête. Elle fait vraiment attention à tout. Puis parfois, on sort avec d’autres, mais c’est juste pour dire qu’on marque le coup. » Tu hausses tes épaules, d’un geste presque las. Pas de gâteaux, pas de cadeaux depuis tant d’années. T’as perdu le goût de cette journée particulière lorsque Yejun est parti. Parce que tu ne vois pas l’intérêt de le célébrer sans lui. Tes parents, eux, te versent un peu plus d’argent sur ton compte ce jour-là, chaque année. Comme un paiement d’avance pour continuer d’être celle qu’ils veulent que tu sois. « Mais non, aujourd’hui j’avais rien prévu, juste aller en cours. J’allais proposer à Hye Mi d’aller boire un café, pas plus. Plutôt nul hein ? » tu ris de ta propre remarque, du comique de la situation, toi qui continue bien trop souvent de sécher certains de tes cours. T’es loin de ces gosses de riches organisant les plus grandes soirées pour leurs anniversaires. Baignés dans l’exubérance de l’instant. Tu préfères amplement être là, dans ce petit restaurant, face à Il Kyang. A cette pensée, vos plats vous sont servis, alors qu’un nouveau sourire illumine ton visage. S’il n’y a qu’une seule chose que tu t’autorises réellement en cette journée, c’est de suivre tes envies. Et celles-ci vous ont menées à ce bibimbap, et ces bouteilles de soju. Tu laisses Il Kyang vous servir les boissons, et attrape rapidement ton verre pour trinquer avec lui. « Merci. » laisses-tu échapper, ton regard posé sur lui, un sourire en coin. Tu bois une gorgée, pouvant déjà sentir l’odeur de ton plat venir à toi, te donner davantage encore faim. « Ca a l’air trop bon ! » t’exclames-tu, déjà impatiente de pouvoir y goûter. « Tu sais ce qui me manque en fait ? Le bibimbap de ma grand mère. Je sais pas ce qu’elle mettait dedans, mais j’ai jamais retrouvé ça nulle part. J'suis sûre que t'aurais adoré aussi. »

Je n’ai plus besoin de rien. Est-ce que c’est mal ça aussi ? Se suffire d’un simple repas en sa compagnie ? Là, j’ai une envie folle de lui dire qu’on s’en va, qu’on laisse tout tomber. Au final, on s’en fout des autres. Qu’est-ce qu’ils nous apportent ? Rien… hormis une remise en questions, des remords, des reproches. Ah, je suis lassé de ces mauvaises pensées. C’est cette légèreté qui m’avait manqué. Juste être tranquille, sans me soucier des autres, de ce que j’ai fait. Ironique, quand je pense que cette femme devant moi à souffert de mes erreurs. Mais je suis naïf, du moins pour ce soir. Je me laisse vivre, apprécie cet instant et prend ce qu’on me donne. Je ne suis pas surpris quand elle me parle de son anniversaire. Je me doutais qu’elle n’avait pas de gros plans prévus, du moins je l’espérais. Au fond, elle n’a jamais aimé le fêter. Malgré qu’elle ait dut avoir des amis différents depuis… je souris, en l’écoutant me parler du café avec Hye Mi. Cette fille… je l’avais oublié presque. Elle et moi, ça n’a jamais été une super entente. Surement parce qu’elle me jugeait nocif pour sa meilleure amie. Je la pensais juste envieuse de notre relation, de cette fougue qu’on avait, cette liberté. Mais j’ai finis par lui donner raison… « Hum la tristesse. », je ris pour venir plaisanter. Je ne trouve pas ça triste, si ça lui permettait de se changer les idées c’était le principal. Mais en bonne fêtarde qu’elle était et est devenue, j’avais quand même du mal à croire qu’elle pouvait se contenter de ça. Lorsque les plats arrivent, je me laisse porter par mon engouement. Même encore chaud, je me précipite sur ma première bouchée pour laisser les saveurs m’envahirent. Je relève les yeux vers Ye Won, son doux sourire accroché à ses lèvres. Me redressant, je me souviens des fois où elle me parlait de sa grand-mère. Le genre de femme qui ne voulait que son bien et qui l’aurait laissé faire ce qu’elle voulait. Une personne douce, qui devait être son allié dans ce monde de requin. « J’aurais aimé pouvoir y goûter. Elle n’avait pas de carnets de recette ? Ma mère adorait ça à une époque… » Quand il n’y avait pas de soucis d’argent et quand je n’étais pas une déception pour eux. « Il faut que t’essai de le refaire. Pour moi ? » Je plisse le nez, taquin, bien que l’idée pourrait me plaire en fait. Elle le sait j’adore manger, même si la cuisine n’a jamais été son fort. Ça m’amusait, je ne l’ai jamais imaginé en parfaite femme d’intérieure. Je prends une nouvelle bouchée, savourant le goût pimenté. Puis désignant son bol avec mes baguettes « Et celui-là, t’aimes bien ? » je voulais savoir son avis. Au moins, qu’elle ne soit pas déçue. Elle m’avait si souvent de son bibimbap j’espérais pouvoir continuer à lui faire plaisir aujourd’hui. « Je trouve que c’est les meilleurs du coin. On vient souvent ici avec Kitae. » Quand je trouve le temps d’être là pour lui aussi.

Tu te sens bien, ce soir, dans ce restaurant. Un repas qui te faisait envie, et une compagnie inattendue, mais qui pourtant te fait du bien. Peut-être parce qu’il te rappelle qu’on peut trouver un peu de bonheur n’importe où, même dans de vieux souvenirs. T’as cette impression qui ne te quitte pas, de retourner quatre ans en arrière. A ces jours où rien n’avait réellement d’importance. Là où vous vous laissiez simplement porter par l’instant, sans penser aux conséquences, sans réfléchir à si ce que vous faisiez était bien ou mal. Et ça t’a manqué, bien plus que tu ne l’aurais cru. Sûrement parce que tu n’as jamais su le retrouver avec quelqu’un d’autre, en fin de compte. Parce qu’Il Kyang a toujours eu cette place particulière, qu’il l’a gardée à travers les années, qu’importe tout ce qui a pu se passer entre vous. Il est et restera le premier que t’as autant aimé, le premier à t’avoir fait découvrir les émotions les plus folles qu’on peut ressentir, face à l’amour. Et tu ne l’oublieras jamais, tu le sais. Tu l’as toujours su, sans pour autant l’exprimer. Ce soir marque certainement un nouveau tournant, sans être pour autant capable d’exprimer ce que vous pourriez être l’un pour l’autre, dans un futur proche. Ce serait stupide de croire qu’une amitié puisse naître après ce que vous avez traversé. Il serait indécent de croire que quelque chose vous unis encore, un quelque chose plus fort que l’amitié. Mais tu préfères ne pas y penser, te concentrer sur lui, sur ses mots, ses gestes. C’est plus facile comme ça. « J’sais pas, faudrait que je cherche. On a encore un ou deux cartons avec ses affaires à la maison. Qui sait, j’pourrais peut-être découvrir sa recette secrète. » Ca te soulages toujours d’un poids, de penser à ta grande-mère. Elle qui a toujours faire preuve d’une gentillesse sans faille, et d’une douceur unique à ton égard, à celui de Yejun. Elle était pendant ton enfance, celle qui vous maintenait la tête hors de l’eau, la seule dans cette famille capable de vous créer de fabuleux souvenirs. Et même si elle n’est plus aujourd’hui, elle a cet impact positif sur toi, à chaque fois que tu l’évoques. « Tu sais quand même que j’suis pas la meilleure des cuisinières ! » Tu ris, t’en amuses. Tu te débrouilles, mais tu préfères laisser cet art à d’autres. A ces mots, tu goûtes enfin ton plat, tes yeux s’écarquillant à cette première bouchée. « Mais c’est super bon ! » t’exclames-tu d’un coup, un sourire sur tes lèvres. « Tu sais, on a beau dire, les meilleurs restau, c’est les endroits comme ça. Crois-moi, un repas à cent mille wons n’aura jamais autant d’authenticité que ça. Ils préfèrent juste se la jouer ‘bibimbap version occidentale’ mais c’est juste dégueulasse. » Tu pointes ton assiette de ta main libre pour souligner tes mots, avant de prendre une nouvelle bouchée, prête à savourer chacune d’entre elle. Ca te manquerait presque, de ne plus découvrir ces petits restaurants qui fourmillent pourtant dans la capitale. Pourtant, il t’a traîné dans bon nombre d’entre eux, sans pour autant trouver le courage d’y retourner sans penser à lui.

Nous n’avons pas le même milieu social, pour être franc lorsque j’ai rencontré Ye Won, je ne me suis jamais dit qu’elle était inaccessible. Parce qu’elle avait cette lueur dans le regard, cette façon d’être avenante. Pourtant, je me souviens encore de Kitae « Laisse-tomber… tu vises trop haut. » c’est vrai, un pauvre musicien comme moi, qui parcours les routes sans trop gagner d’argent. Je n’avais pas grand-chose à lui offrir, juste un peu de liberté et de moments volés. Mais au final, ça lui a suffi… je crois. Du moins, j’aime à le penser. Sa famille est riche, ce n’est un secret pour personne et même si mon ex petite amie, aime les belles choses, elle n’a jamais pué le luxe. Et c’est ça que j’aimais chez elle ! Au final, c’était une fille comme les autres, enfin… non elle était plus pour moi. C’était surement LA fille… mais je n’avais jamais réalisé à l’époque. Aujourd’hui, avec le recule ça me semble évident. Notre relation était précieuse et j’aurais dut en prendre soin. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même, j’ai gâché quelque chose d’important. Et peu importe les efforts que je ferais, cette erreur sera toujours là. Je ne suis pas triste, je crois plus que jamais aujourd’hui que je peux changer le présent. Le rendre moins douloureux, avec elle j’arrive à me débarrasser de ce fardeau sur les épaules. J’envisage les choses plus positivement. Et ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Peut-être qu’au fond, j’ai envie de me shooter à ces bonnes ondes. Et je le pense ! Ça me fait un bien fou. J’observe le moindre de ses faits et gestes, peut-être pour me rendre compte que tout ça est bien réel. Je ne l’aurais pas cru il y a encore quelques mois. Je souris à sa remarque « Je pourrais t’aider à fouiller ces cartons. ». Oh oui, revoir cet antre où je n’étais pas le bienvenu ! Il faut dire que les peu de fois où j’y suis allé, c’était toujours bref et saupoudré de regards malveillants. La pire chose qui me soit arrivé c’est de me retrouver au pas de la porte et d’avoir aperçu son père de loin. C’était furtif, juste un regard mais si j’étais un trouillard j’aurais surement prit mes jambes à mon cou. Je souris à cette simple idée, tout comme j’aime le fait de pouvoir dire qu’on se reverra. Je ris à sa remarque. « C’est vrai, mais j’ai toujours fait l’effort de manger. Quoique… » Je ris un peu plus, me souvenant des fois où elle avait cuisiné. Et une particulièrement où tout était un peu trop cuit. Au départ j’avais fait l’effort d’avaler deux bouchées, mais nos regards avaient finis par se croiser et chacun de nous avait déclenché un fou rire chez l’autre. C’était surement ma pire expérience. Gardant le sourire au coin des lèvres, je prends une nouvelle bouchée tout en l’écoutant parler de ces restaurants où je ne pourrais jamais aller. J’en ai tellement entendu parler, de ces guindages, de cet univers trop bien côté. Je n’ai jamais connu que ces petits restos de quartier et ça me suffisait. C’était d’ailleurs les seuls endroits où l’on pouvait aller elle et moi. Ne prenant pas les choses très au sérieux, je ne m’étais jamais demandé si ça lui convenait… Et je ris franchement, en l’entendant dire que c’est « dégueulasse » avant d’ajouter « Sans oublier qu’on se fait chier dans ce genre d’endroit. » je juge un peu, mais je n’ai jamais été attiré par l’argent et ce monde qui ne m’appartient pas. Je viens d’un milieu modeste, je n’ai pas toujours eut les derniers jouets à la mode, ni même des voyages avec mes parents. Mais ça me suffisait ! « Je te l’ai jamais dit je crois. Mais quand j’étais gamin j’ai écrit une chanson pour mon plat préféré. » Je reste stoïque quelques secondes avant de pouffer de rire. C’est ridicule mais cette anecdote est vraie. Je me souviens que j’avais trouvé ça très bien à l’époque, je devais avoir dix ans. « On peut pas toujours écrire des textes profonds et touchants. » je me moque de moi-même avant de lui dire « Je suis sûr que je l’ai quelque part dans un vieux cahier. Faudrait que je la retrouve. » Et je prends un air faussement pensif, comme si retrouver cette chanson aller changer le reste de ma carrière.

Tu souris à cette idée, qu’il vienne fouiller les cartons de ta grand-mère avec toi. D’un côté, tu ne sais pas si t’aurais réellement le courage de le faire toute seule. Deux simples cartons pourtant remplis de nombreux souvenirs importants. Il y reste quelques vêtements à elle que tu n’as jamais voulu jeter, sa broche fétiche aussi. Quelques jouets qu’elle vous avait acheté à toi et Yejun, des tickets de parcs et de musées d’enfants. Tu sais qu’ouvrir ces cartons te ramènera à des moments heureux, certainement les seuls de ton enfance. Ces quelques week end dans l’année, avec elle, ou ton frère et toi étiez libres de faire ce que vous vouliez. « Tu pourrais oui. » réponds-tu simplement, ce sourire teinté d’une timidité certaine sur tes lèvres. Sourire qui laisse place à un rire en entendant sa remarque. Tu ne t’es jamais considérée comme une grande cuisinière, même si ta grand-mère a tenté de t’apprendre les bases. T’as beau faire des efforts, t’arrives encore à gâcher des plats sans le vouloir, et même avec une recette. « Laisse moi deviner… Tu penses à la fois ou j’ai essayé de te cuisiner un jajangmyeon ? » Tu ris de plus belle en repensant à cette soirée, ou ni l’un ni l’autre n’avait réussi à manger ton plat, définitivement raté. « Je m’étais super bien appliquée en plus ! Mais j’ai pas le talent des grands cuisiniers… » Tu hausses légèrement tes épaules, cet air amusé qui reste ancré sur ton visage. « J’suis sûre que t’en mangeras jamais d’aussi pire que celui-là. » même constatation pour toi, d’ailleurs. Mais cette soirée reste l’un des meilleurs que vous ayez pu avoir. Vous aviez fini par commander dans un restaurant non loin, alors que tu n’osais même plus t’approcher de la cuisinière. Pour la soirée en tout cas, car malgré tout, t’as fini par cuisiner d’autres choses pour lui, bien meilleures, et bien moins cuites, surtout. Tu restes cependant sur l’idée que les petits restaurants valent toujours le détour, et qu’ils restent des valeurs sûres pour manger - bien plus que lorsque tu cuisines. Tu reprends une bouchée de ton plat, ton regard se perdant trop souvent sur lui. C’est étrange et agréable à la fois, de te souvenir de ces moments avec lui. De partager de nouvelles choses aussi. « Tu t’en rends même pas compte ! Faut pas parler trop fort, faut pas faire de bruit avec ses baguettes. Même la musique est vraiment pourrie, et là, même toi tu pourrais pas me contredire là-dessus ! » Une certaine malice dans le regard, alors que tu continues de manger, savourer ce plat devant toi. « Sérieusement ? Et c’était sur quel plat ? » Tu pouffes légèrement de rire à cette idée. « J’veux bien l’écouter à l’occasion en tout cas, si tu la retrouves. » Pas pour te moquer, mais pour voir ce qu’il était capable d’écrire à cette époque là. Cette curiosité toujours présente, quand il s’agit de lui, finalement. Curiosité qui revient de plus en plus, au fur et à mesure de ces instants que vous passez ensemble. Qui au final, arrivent à te faire oublier les épreuves du passé.

Cette banalité me réchauffe, et me rassure. J’aimerais me dire que ça peut devenir une habitude. Quelque chose qui n’a plus de secret pour nous. Cette fois je le vois, c’est différent de ce matin. J’avais encore tellement de doutes en tête, de l’appréhension. Mais maintenant, je me sens libre de pouvoir lui parler et d’échanger comme si j’en avais le droit. Et lorsque nous évoquons ce passé commun, plus rien ne me semble triste. C’est presque salvateur de le partager, de s’en souvenir ensembles. Je ris un peu plus, me souvenant de cette fois comme si c’était hier. Mais c’était l’une des meilleures soirées que j’ai passé avec elle. Simple, tranquille, dans notre petit monde à nous. Je n’avais pas besoin de plus. Juste de nos délires et de sa présence. « Je ne pense pas que tu puisses faire pire. » je l’espère en tout cas, et je ne cache plus mes rires. Je trouvais ça mignon à l’époque, qu’elle tente de cuisiner des choses. Je n’ai jamais été très doué pour la cuisine non plus, je l’avoue ma mère sait se débrouiller et fait de bons plats. Alors je n’ai jamais cherché à faire mieux. Sur les routes avec Kitae, on dépensait dans les restaurants, les nouilles instantanées. Je continue de manger, tout en l’écoutant me parler des restaurants guindés. Je souris à ses mimiques, ses mots. L’ambiance est différente désormais, elle aussi semble beaucoup plus détendu, moins sur la réserve avec moi. Je me rends compte que ça fait des années que nous n’avons pas parlé de cette façon. C’est réconfortant, je me sens encouragé dans ce que j’ai fait. Le résultat me parait probant, presque immédiat. Alors oui, je l’avoue, je suis plutôt fier qu’on n’en soit arrivé là ce soir. J’ai peut-être réussi à percer sa carapace qu’elle gardait pour se protéger. Même si il reste du chemin à faire. Une moue pensive sur les lèvres, je finis par dire « Je crois que c’était du tteokbokki. J’aimais tellement ça. Si tu savais. » Je passais mon temps à en demander à ma mère. Elle n’avait pas toujours l’opportunité d’en faire mais il m’arrivait souvent de rentrer de l’école et d’en avoir. Finalement, il m’arrive aussi de repenser à ma famille, sans avoir l’air triste. C’était un bon souvenir lui aussi. « Ça fait longtemps que j’en ai pas mangé d’aussi bon. » Je lui souris, puis termine mon plat avant de déposer le bol devant moi. « Je retrouverais ça. J’ai gardé tous mes carnets de musiques. » Et il a parfois quelques dossiers. Surtout des essais de chansons quand on est gamin. J’ai su très tôt jouer de la guitare, je n’ai pas eu besoin de prof, un autre avantage à mon don il parait. Tout comme je serais capable de jouer n’importe quels instruments. Mais je n’ai jamais eu plus d’affinité avec un autre. Ma guitare, c’est une partie de moi, du moins ça l’était. Je l’ai souvent boudé ces derniers temps et y avoir retouché me rappelle à quel point j’aimais ça. J’attrape mon verre, bois une gorgée « J’ai une idée… » le lorgne sur son plat, pour voir ce qui lui reste. Voyant qu’elle n’a plus grand-chose, je lui propose de payer pour y aller. Je n’avais pas prévu de partir de suite, mais j’avais envie qu’elle teste quelque chose. Le tout réglé, je me lève, l’incite à me suivre et remercie les serveurs avant de sortir. L’air est un peu plus frais maintenant qu’on a mangé. Je frissonne légèrement avant de la regarder « Viens avec moi. Tu vas adorer ! ». Un sourire malicieux au coin des lèvres, je continue mon chemin jusqu’à arriver devant un glacier traditionnel français. Je me tourne vers elle « Il parait que c’est comme en France, même si j’y suis jamais allé. Tu vas voir c’est une tuerie. » elles sont un peu plus cher que les autres, mais leurs goûts est tellement différent. « Un pot pour deux ? » pas que je sois radin, mais je trouvais ça un peu plus sympa de partager. Je la laisse faire son choix, me disant que de toute façon je ne suis pas difficile.

A voir voir, c'est comme rien ne s'était passé. Que la vie avait continé son cours, sans aucun abandon, sans aucune douleur. Pourtant, tout ça est bien présent, reste coincé quelque part dans ton esprit. Ca laisse une certaine réserve, que t'essaies d'occulter, pour profiter pleinement de l'instant. Ce matin encore, tu ne pensais pas finir ta journée ici, même lorsqu'il t'as kidnappée alors que tu te rendais en cours. Pourtant, t'apprécies l'instant, ça se voit. Tu oses rire de bon coeur, alors que ça ne t'étais pas arrivé depuis si longtemps. T'oses parler du passé, de ces souvenirs égarés pendant toutes ces années. Cette douleur disparaît, peu à peu, en fin de compte. Elle s'amenuit au fur et à mesure de ces échanges. Banale soirée dans un restaurant aux yeux du monde, mais c'est bien plus que ça, pour toi. Tu sens certaines blessures guérir, peut-être. Se soigner davantage, en tout cas. Alors tu fais en sorte de profiter de cete légèreté que tu ressens. Qui sait combien de temps cela pourra durer ? Tes yeux posés sur lui, ce sourire sur tes lèvres, tu continues de manger, de rire, au rythme de vos échanges. « Une chanson sur du tteokbokki... C'est original quand même ! » Tu serais presque taquine, même si tu n'oses pas l'être totalement. « J'compte sur toi pour la retrouver, j'ai vraiment envie de l'écouter maintenant ! » ris-tu de plus belle. Ton assiette est désormais presque vide, et t'es surprise de le voir se relever aussi vite, payer la note avant de t'inviter à le suivre. Tes sourcils que tu fronce, sans savoir ce qu'il se passe exactement. Tu bois une dernière gorgée de soju avant de te lever à ton tour, et sortir du restaurant. La brise vient caresser tes joues, alors que tu croises tes bras sur ta poitrine, sentant un frisson te parcourir. « Qu'est-ce que t'as comme idée derrière la tête encore ? » lances-tu, sur le ton de l'humour. Mais tu le suis, sans vraiment réfléchir. Sans appréhension, mais une part de curiosité. Le chemin est relativement court, avant que vous n'arriviez devant un glacier. Ton regard s'illuminerait presque, ta gourmandise mise à rude épreuve face au stand. « Comme en France ? Là tu m'fais plaisir ! » Tu ne mesures pas forcément l'impact de tes mots, laisse l'engouement prendre le pas sur le reste. Tu ne pensais pas pouvoir passer une journée d'anniversaire aussi riche en émotions, aussi agréable, surtout. « Va pour un pot. On choisi un parfum chacun ? Je prendrais bien parfum vanille déjà. » Il y a ce sourire qui ne te quitte pas, comme impatiente de goûter à ce dessert imprévu. Une façon quelque part de prolonger encore un peu plus cette journée, cette soirée. Et tu te laisses faire, sans réfléchir, sans penser à ce quotidien désenchanteur. L'instant présent compte plus que le reste, finalement. « On peut manger le dessert en baladant dans le quartier ? J'ai envie de marcher un peu. »