Parfois, tu aimerais pouvoir remonter le temps, retourner à cette adolescence certes marquée par le départ de ton frère, mais surtout animée par cet amour que tu pensais invincible. Vous étiez heureux, libres. A n’en faire qu’à votre tête, sachant profiter de cette vie qui se dessinait devant vous. Tout a changé, le temps a fini pas absorber ces instants pour te mettre face à la réalité. Des études, un avenir à construire, une liberté qui n’en était pas vraiment une et qui s’échappe pour te laisser enchaînée à un quotidien que tu ne supportes pas. Sa question qui te fait hausser un sourcil, pendant un instant, tu te demandes si lui a gardé des photos, quelque chose de vous. T’aimes à penser que oui, pourtant tu en doutes. Même toi, tu as effacé bon nombre de photos. T’as gardé le reste dans une boîte, cachée sous ton lit, que tu n’ouvres jamais. Parce que pendant ces trois dernières années, c’était trop difficile d’y repenser. T’y as conservé des tickets de concerts, quelques photos de vous, avec ou sans vos amis, des babioles achetées à la volée pendant vos escapades. Tu voulais malgré tout garder une trace de ce premier amour qu’on n’oublie pas. Pour plus tard, certainement. Mais tu n’as pas le temps de répondre que la sonnerie du téléphone te coupe dans tes gestes. Tu laisses Il Kyang aller récupérer votre commande, en profite pour t’allonger un instant, déverrouillant ton téléphone pour regarder les dernières publications sur les réseaux sociaux. Il ne tarde pas à revenir, alors que tu te redresses, un sourire à sa remarque. « On peut manger ici non ? Ca sent trop bon ! » Tu te lèves, te dirige vers lui, prête à attraper ton sésame pour pouvoir manger. « Merci. » ajoutes-tu, déposant un baiser sur sa joue, récupérant le carton. Il ne t’en faut pas plus pour te réinstaller sur ton lit, en tailleur, l’invitant à faire de même. En quelques secondes, tu te retrouves à croquer dans cette part de pizza, bien heureuse de pouvoir manger. « C’est un régale ! » que tu lui lances, sourire aux lèvres. Une bouchée de plus, avant de frotter tes mains l’une contre l’autre, posant ton carton à côté de toi pour aller te diriger vers ton miroir. Plusieurs photos y sont coincées, des clichés avec Hye Mi, tes cousins, quelques personnes avec qui tu sors. Cachée derrière toutes ces photos, une de toi avec Il Kyang. Un souvenir que Kitae avait immortalisé à la fin de l’un de leurs concerts. Toi collée contre lui, un large sourire illuminant ton visage alors qu’il embrasse ton front. Tu la récupères pour la lui donner, presque timidement. « Il m’en reste quelques unes. » souffles-tu, te réinstallant en face de lui. Tu ne sais pas ce qu’il pourrait penser de ça, mais t’as d’un seul coup envie de lui montrer. Comme des souvenirs qui deviennent moins douloureux, et dans lesquels tu reprends plaisir à plonger.

J’acquiesce d’un signe de tête, prenant place à mon tour sur son lit. Je fais attention à ne pas faire n’importe quoi. Prenant ma première part de pizza avant d’être satisfait. Elle est vraiment très bonne, et je ne regrette pas ce choix. Prenant une bouchée, je l’observe se lever pour aller à son miroir. J’y avais déjà aperçu des photos qu’elle avait accrochées là. Celles avec ses amis et de la famille que je ne connaissais pas vraiment. Je me demande subitement ce qu’elle tient dans ses mains avant de la voir me tendre le papier. Fronçant les sourcils, je récupère la photo avant d’avoir l’air surprit. Je… ne m’attendais pas à ce qu’elle soit encore là. Cachée parmi toutes les autres… l’avait-elle gardé tout ce temps ici ? Ou seulement depuis qu’on s’était retrouvé ? La question me brule les lèvres, mais j’ai peur de la gênée. Tout comme j’aurais surement peur de connaitre la réponse. Alors je souris, me rappelant de la soirée où on avait pris cette photo. Nous sommes jeunes dessus. La première année de notre rencontre. Je nous trouve beau sur cette image. A l’abri du futur… si innocent. Je n’ai jamais été doué pour lui dire que je tenais à elle, mais parfois s’il m’arrive de croire que sur ces photos ça se voyait. « Je ne pensais pas que tu l’aurais encore… » Parce-que c’était un bon souvenir. L’un des premiers et l’un de ceux qui me blessaient le plus. A vouloir fuir mon passé, j’ai trouvé que les moments heureux étaient devenus douloureux. Je relève la tête vers elle, intrigué « T’en as… d’autres ? » je baisse à nouveau le regard vers la photo. J’aimerais pouvoir me replonger à cette nuit-là. J’aimerais pouvoir me dire que tout est encore possible. Le Il Kyang de la photo me manque… parce qu’il savait ce qu’il voulait et où il allait. Peu importe ce qui lui arrivait, il remontait toujours la pente. « Tu sais… j’ai pas gardé grand-chose. » croisant son regard, je suis un peu embêté par cette révélation. Mais je n’avais pas envie de lui mentir. Encore moins qu’elle croit que je me plongeais dans nos souvenirs durant toutes ces années. C’est dur à dire je le sais… mais j’ai été trop con pour ouvrir les yeux. Je n’ai réussi à le comprendre que depuis quelques mois… « J’ai seulement retrouvé deux trucs dans un vieux carnets… » Je n’ai qu’une photo et un vieux médiator. Est-ce qu’elle m’en veut d’être aussi honnête ? J’aurais pu lui mentir, lui dire que j’avais tout gardé parce-que je veux la récupérer. Mais j’ai compris que les mensonges ne mènent à rien. Alors je suis peut-être un idiot, mais un idiot sincère. « La prochaine fois, je te les montrerais. » si elle veut. Bien que mes trésors ne soient pas si conséquents. C’est peut-être une mauvaise idée de parler de tout ça. Je doute subitement. J’ai peur que cela ne lui rappelle des vieux souvenirs douloureux. Et si elle se disait que tout ça n’est plus possible ? Que nous deux, ça ne devrait rester que dans une boîte qu’on oublie caché quelque part ?

Il y a tant de souvenirs de vous, à travers les mois qui ont fait votre relation. Tant de moments passés ensemble, bons comme mauvais. Et même si pendant longtemps, ils ont été douloureux, aujourd'hui tu te sens plus sereine en y repensant. Peut-être parce que vous avez changé, que vous réapprenez à vous connaitre. Comme lors de cette soirée, l'un des premiers concerts ou tu es allée l'encourager. "C'est une de mes préférées." réponds-tu simplement, haussant tes épaules d'un geste presque las. Une certaine forme de timidité qui reprend place. Comme un nouveau secret que tu lui avoues. Un cliché resté tout ce temps accroché à ton miroir, caché parmi des souvenirs plus heureux, mais jamais loin de toi. Un geste de la tête, tu mimes un oui à sa question. Tu hésites un instant, tes lèvres qui se pincent, avant de finalement récupérer cette boîte, cachée sous ton lit. Tu l'as réouverte il y a peu, à ton retour du Japon. Ca t'a fait du bien, de revoir ce que tu avais gardé de vous. Ca t'a permis de comprendre que si vous le vouliez vraiment, vous étiez capable de retrouver cette forme de liberté qui vous caractérisait tant. "J'ai jeté beaucoup de choses, mais j'ai quand même gardé ça." oses-tu finalement répondre, à nouveau installée en face de lui. Un léger soupire, posant cette boîte devant lui. Tu ne veux pas le forcer à l'ouvrir, découvrir ces vieux billets de concerts, ces quelques clichés dont tu n'as jamais su te séparer. Tu lui lasses le choix, pourtant curieuse de savoir ce que lui, garde de votre relation. "T'as gardé quoi toi ?" Demandes-tu enfin, ton regard posé sur lui. Tu lui offres un sourire, t'espères qu'il puisse comprendre que tout ça est moins douloureux qu'hier. Mais tu manques cruellement de mots pour l'exprimer correctement. "Pendant un moment j'ai voulu la jeter aussi mais ... je suis contente de ne pas l'avoir fait." avoues-tu dans un léger sourire. Parce que les choses changent, en fin de compte. Il n'y a qu'à vous voir tous les deux aujourd'hui. Jamais tu ne l'aurais cru possible quelques semaines en arrière, et pourtant... Tu prends plaisir à l'avoir à nouveau près de toi, partager de nouveaux instants, créer de nouveaux souvenirs avec lui. Peut-être pourras-tu y ajouter d'autres photos, d'autres objets qui marqueront votre histoire. Une part de toi l'espère de tout coeur. Parce que ça voudrait dire que tu as été assez forte pour surmonter tout ça, et tout reprendre avec lui. Mais de l'autre, tu as peur de finalement vouloir tout envoyer valser, comme lorsqu'il s'était envolé.

Lorsqu’elle était loin et que je parcourais le pays, il m’arrivait parfois de regarder ces photos. Sans arrière-pensée, sans avoir envie de me replonger dans des souvenirs. C’était juste une façon de la voir quand elle n’était pas là. La plupart du temps j’insistais pour qu’on se filme par webcam, lorsqu’on discutait sur nos ordis. Je me rappelle de toutes ces nuits où je pouvais prendre le temps de lui raconter ce qu’on avait fait. Des situations un peu foireuses dans lesquelles on se mettait Kitae et moi. Et toujours ce besoin d’organiser un autre moment où elle viendrait. Je m’arrangeais toujours pour faire les trajets quand je pouvais. Avec peu de sous en poche, je faisais plusieurs heures de train pour aller la voir et lui faire une surprise. C’était aussi ça ce que nous étions. Et je sais qu’aucun cliché ou objets ne pourraient retranscrire ce que je ressentais à cette époque. Je souris tout de même nostalgique. La suivant à nouveau du regard, je l’observe sortir une petite boite qu’elle met devant moi. Mon cœur rate un battement, à l’idée que ce qui restait de notre relation pourrait être là-dedans. C’est stupide je sais… mais ça me rend triste. Car si je n’étais pas parti, cette boîte serait surement bien plus grande, peut-être même inexistante. Peut-être vivrions-nous ensembles ? Cela aurait fait six années qu’on aurait été tous les deux. Peut-être aurions-nous passé ce cap. J’aurais imaginé ces photos sur notre frigo, un tableau fait par nos soins avec des souvenirs punaisés. Ouais, ça m’aurait plus je crois. Le peu de choses qu’elle a gardé est déjà bien plus que moi. Je relève les yeux un peu gêné « Une vieille photo et… » Je détourne le regard, préférant subitement mordre dans ma pizza. Prenant un air plus léger, je lâche « Tu te moques pas de moi hein ? T’imagines pas que je suis un gros romantique. » J’ai l’air d’un ado qui n’assume pas. Mais je ne me croyais pas moi-même capable de faire une chose pareille. « Le médiator que j’avais… le soir de notre rencontre. » je ne me souvenais même plus l’avoir mis de côté. Ce n’est qu’en refouillant dans des vieilles affaires que je l’avais retrouvé. Ce n’est pas digne de ce que j’étais à l’époque. « Je me souvenais pas l’avoir scotché dans mon cahier de l’époque… je devais vraiment être accro. » je lâche un petit rire, presque nerveux alors que j’ai conscience d’être encore plus attaché à elle aujourd’hui qu’avant. Je crois que ce gamin de l’époque aurait surement eut envie de rire. Finissant ma part, je reporte mon attention sur la petite boîte devant moi. Essuyant mes mains, je la prends hésitant un court instant avant de l’ouvrir. Je ne sais pas si c’est si bon de se replonger dans le passé. Nous avons finis par avancer elle et moi. Ne serait-ce pas prendre un risque ? Je n’en sais rien. La curiosité finit par avoir raison de moi. Alors je l’ouvre, découvrant rapidement des billets de concerts dont je me souviens parfaitement. Je laisse échapper un petit « oh », surprit et surement ravi de les revoir. Alors Ye Won est comme toutes ces filles hein ? Celles qui aiment garder des souvenirs de leur relation… ça me fait sourire et je dois l’admettre ça me flatte. Parce-que je sais que notre relation n’était pas qu’une parmi tant d’autres. J’étais surement la plus importante à ses yeux… tout comme elle l’était pour moi. C’est presque plein d’émotions, que je viens subitement attraper son poignet pour l’attirer vers moi. « Viens… » Un souffle, avant de venir l’embrasser amoureusement. Là, à cet instant, j’aimerais lui dire que je l’aime. Que je n’ai jamais su mettre des mots sur ce que je ressentais, mais que je l’ai toujours aimé. Tellement… si elle savait. Je regrette d’avoir peur de lui dire. Comme si ces mots pourraient tout briser entre nous…

Tu te souviens encore de toutes ces fois où, attendant encore un message de sa part, tu étais prête à jeter cette boîte dans la poubelle, avant de te raviser. Toutes ces fois où tu l’as jetée contre un mur, avant de tout remettre à sa place. Mais elle est restée là, sous ton lit. Au fur et à mesure des mois, tu as fait comme si elle n’était plus là. Sans l’oublier pour autant. Sans la mettre définitivement à la poubelle. Peut-être que dans le fond, c’était aussi un moyen de garder le peu d’espoir qu’il te restait, une façon de ne pas totalement tourner la page sur celui qui a été le premier grand amour de ta vie. C’est comme ça que tu essaies de voir les choses, te raccrochant à l’idée que t’as peut-être eu raison de la garder. Parce que ce soir, il n’y a pas que ces souvenirs devant toi, mais lui aussi. Alors certes, vous n’êtes plus vraiment les mêmes qu’avant. Vous avez grandi, évolué chacun de votre côté pendant un temps, mais vous arrivez à vous retrouver, à vous apprivoiser l’un l’autre, lentement mais sûrement. « Quoi ? Celui du concert ou on s’est vus la toute première fois ? Quand Min nous a présentés ? » Un léger sourire qui se faufile sur tes lèvres sans que tu ne le contrôles, comme amusée par cette révélation, mais touchée aussi. « Ca c’est digne d’un mec ultra romantique. » Tu le taquines, comme pour cacher quelque part ces palpitations que provoquent ces mots à ton cœur. Assise devant lui, tu observes sa réaction lorsqu’il ouvre finalement cette boîte. Tu n’as pas envie de t’en cacher, même si tu passes certainement pour l’une de ces filles mielleuses qui aiment tout garder d’une histoire d’amour. Mais celle-ci a été la plus importante de toutes. Elle montre ce côté fleur bleu que t’as toujours tenté de cacher, mais qu’il a certainement remarqué il y a bien longtemps déjà. Et après tout ce que vous avez traversé, tu te rends compte à chaque fois que regarder ces tickets, ces photos, devient moins douloureux. Ça te rappelle à quel point vous étiez heureux, ça te donne cet espoir fou de l’être à nouveau avec lui. T’es surprise de le sentir t’attirer vers lui, mais te perd rapidement dans ce baiser qu’il t’offre. Si seulement tu arrivais à lui dire tout ce que tu as sur le cœur. A quel point tu l’aimes, et que tu regrettes parfois, d’être devenue celle qui le fait attendre. Ces doutes qui persistent encore alors que tu n’aurais qu’à lâcher prise pour que vous puissiez retrouver tout ça. Tu te redresses face à lui, remettant en place une mèche de cheveux, avant de te tourner, coller ton dos contre son torse. T’as le sentiment d’être à ta place, même après tout ce temps. Et dans un geste, tu récupères le premier ticket qui te vient, l’observe un instant, un sourire aux lèvres. « Tu te souviens de ce soir-là ? J’avais séché les cours pour venir vous voir, j’étais persuadée d’être à l’heure, et je suis juste arrivée à temps pour votre dernière chanson. J’étais tellement dégoutée, mais tu m’as rejoué les chansons une fois qu’on était rentrés. »

]Est-ce triste de résumer une relation à cette boîte ? Je ne crois pas, peut-être fut un temps oui. Mais aujourd’hui les choses sont différentes. Qui aurait pu croire que nous serions tous les deux à regarder ces souvenirs ? Ensembles… cela donne un nouveau goût à ces objets, ces petites choses qui nous faisaient être nous. J’ai un brin de nostalgie en les parcourant, tout comme j’ose parler de notre première rencontre. En réalité, j’étais trop insouciant pour m’apercevoir de l’impact qu’elle aurait dans ma vie. Pourtant à l’époque déjà, j’avais réellement été troublé par elle. Je me souviens de tout. De chacun de nos regards avant qu’on ose se parler, de chacun de ses gestes alors que j’étais encore sur scène. Cette fille je la voulais, pas comme un trophée mais dans ma vie. Il n’y a pas une seule minute où je regrette d’avoir eu le courage de demander à Min de nous présenter. Je n’aurais surement pas imaginé cette histoire pour nous. Mais finalement, c’est elle qui fait ce que nous sommes aujourd’hui. D’un petit signe de la tête j’acquiesce. « Tu te souviens de ce que t’as pensé quand tu m’as vu ? » c’est bizarre comme question. Mais je ne lui ai jamais posé en réalité. ça m’intrigue subitement. Peut-être que je n’étais pas le genre de garçon qui lui plaisait. Je ris à sa remarque, me justifiant comme je peux « Je l’avais juste oublié là… » Je fais le fier puis laisse échapper un petit rire. La retrouver me fait tellement de bien. Dans ces moments-là le fait qu’elle n’est pas sûre de nous. Que quelque chose la tracasse encore pour enfin me dire « oui ». Je l’accueille contre moi, un sourire aux lèvres alors qu’elle me reparle d’une soirée. « Je m’en souviens oui… t’avais l’air si triste. On a passés la nuit à parler et refaire le monde. » Je nous revois encore allonger sur le lit, jouant avec nos mains pendant qu’on parlait de tout et de rien. Je ne voulais rien manquer de sa vie. Quand vivait toujours à cent à l’heure. J’aimais rattraper le temps où elle n’était pas là. « Et tu te souviens du festival où il pleuvait tellement qu’on pouvait même plus dormir dans la tente ? Elle était remplie d’eau, toutes nos affaires étaient trempées. » C’était vraiment une misère. On n’avait même pas pu jouer il y avait tellement de pluie. On avait passé la nuit à trembler dans la voiture. « Le lendemain Kitae avait prit le volant en sous-vêtements. Je le revois encore crier j’en ai marre de ces affaires qui collent aaaah. » C’était drôle à voir, alors qu’elle et moi étions sur les sièges arrières avec une veille couverture. On avait eu tellement froid ! Mais on en avait ri. J’aimerais pouvoir me rappeler de ces choses-là encore longtemps. Tout comme j’aimerais pouvoir en écrire des nouveaux.

La première fois que tu l’as vu, tu t’en souviens comme si c’était hier. Un concert avec des amis, de ces sorties entre ados pour boire ses premiers verres, imaginer des vies heureuses et sans encombre. Tu te rappelles de ces discutions que tu avais eu avec l’une de tes amies, parlant du prince charmant, drôle et aventureux que tu désirais tant. Et lorsqu’Il Kyang est monté sur scène, pendant un court instant, tes yeux se sont focalisés sur lui. Comme si le destin avait mis sur ta route celui que tu cherchais. Ta timidité aurait pu te bouffer toute entière quand, pour couronner le tout, Min vous aviez présenté. Et tu retrouves finalement cette même timidité à en parler face à lui, de tes lèvres pincées et ton regard qui pourrait le fuir. « J’me suis dit ‘qu’il est beau…’ puis ‘j’serais jamais son genre de fille’ et puis Min a débarqué pour nous présenter, et je savais plus ou me mettre. » des gestes pour appuyer tes propos, digne de la jeune femme que tu étais à cette époque, et un rire pour ponctuer ta phrase. « J’crois que je savais déjà qu’on se retrouverait. » avoues-tu enfin, tes joues se teintant légèrement de rose. Tu n’en avais jamais parlé, il n’y a que Min qui se souvient de ce moment, alors qu’il t’a charrié avec pendant de longues semaines. « Et toi ? T’as pensé quoi ? » Oses-tu demander. T’as le sentiment de te mettre à nue devant lui, avouant ces petites choses que jamais vous n’aviez osé vous dire. Et t’aimes ça, parce que replonger dans ces souvenirs avec lui rend les choses moins douloureuses, plus concrètes. Comme des secrets que vous aviez gardés trop longtemps, et dont il est nécessaire parfois de se remémorer. Pour se rappeler que le bonheur pouvait se trouver partout où l’on voulait bien le voir. « C’était l’une des meilleures nuits qu’on ai passé. » souffles-tu finalement, profitant de ce simple contact. Un nouveau rire qui s’échappe de tes lèvres en repensant à cet autre souvenir de concert. De ceux qui ornent le plus votre histoire, alors que tu tentais, aussi bien que possible, de le suivre partout ou il allait. « Oui ! Il a pas arrêté de râler pendant tout le trajet ! Même le chauffage n’arrivait pas à nous réchauffer, on a tous finis malades le lendemain. » Des éclats de vie dont tu te délectes, qui te ramènent à ce temps où tout était si simple. T’aimerais pouvoir retourner à ces année-là. Tout paraissait bien plus simple. Il y avait moins de questions à se poser, plus de moments à vivre, sans avoir à penser au lendemain. Une simplicité telle qu’elle te manque bien plus que tu ne l’aurais cru. Une photo qui glisse entre tes doigts, alors qu’à la voir, ta tête se tourne vers lui dans un sourire. « On était heureux quand même… » Finis-tu par murmurer, dans un souffle rempli de nostalgie. Vous l’étiez, parce que vous ne faisiez que vivre cette vie, au lieu de vous prendre la tête pour des futilités. Et même si les mots manquaient souvent pour vous dire que vous vous aimiez, vous n’aviez pas besoin de vous le dire. Il n’y avait qu’à vous voir, et n’importe qui pouvait le deviner.

L’excitation, un grand sourire aux lèvres tandis que j’enroulais mes doigts autour de ma guitare. Le cœur battant, je jetais un coup d’œil à Kitae. Plus impatient que moi, il avançait le premier sur la scène. Les lumières étaient tamisées, nous n’avions pas un grand public mais juste assez pour nous donner envie d’être les meilleurs. Mes pas assuré, l’adrénaline réconfortante au creux de mon ventre et ces premières notes qui se jouaient. Tout me laissait croire que c’était une soirée comme les autres. J’allais jouer pour vivre, jouer pour être écouté… puis lors d’une chanson, un refrain que je chantais, mon regard a croisé le sien. Juste là à quelques pas de la scène. Jamais je n’avais eu ce genre de sensation, une attirance impossible à contrôler, tandis que mes yeux ne pouvaient la lâcher. Une de ces scènes qu’on voit dans les films. Le musicien tombant éperdument amoureux de la fille parmi la foule… j’aurais pu en rire, si mon cœur n’avait pas raté un battement. Malgré moi mes yeux la cherchait, j’espérais pouvoir lui plaire, attirer son attention. Lorsque je descendis de scène, juste un coup de coude, un geste de la tête vers Kitae… lui trouvait qu’elle était parfaite, trop pour moi. Et même si je l’ai pensé, j’ai saisi l’opportunité. J’avais l’audace à l’époque, celle de croire que tout était possible. Si Min ne nous avait pas présenté, je me serais imposé dans sa vie. Parce-que ce soir-là je l’avais décidé. Alors je souris à se remarque, repensant à cette rencontre comme si c’était hier. Un genre de fille ? Je n’en ai jamais eu, car aucune de mes relations précédentes n’avaient comptés. Ce n’était que des flirts, des filles parmi tant d’autres. Mais quand je l’ai rencontré, c’était différent. Plus évident à mes yeux…. C’était elle et pas une autre. Je n’ai jamais su ce qu’elle pensait… « Je me suis dit que t’étais trop bien pour moi… mais que je te voulais… » Avec la même ferveur qu’aujourd’hui. Je me suis dit que si cette fille disparaissait de ma vie, je le regretterais. Je n’avais peur de rien à l’époque. Aujourd’hui, j’ai la trouille de la perdre… peur qu’elle ne revienne plus, qu’elle s’éloigne… parce-que prendre conscience de ses sentiments c’est aussi créer cette frayeur et devenir plus fragile. Je le regrette quelque part, car tout me paraissait plus facile avant. Et se remémorer ces souvenirs me fait du bien, même si cette nostalgie pourrait être nocive pour nous. Ne doit-on pas se concentrer sur aujourd’hui ? Je ne sais pas… ces moments passés, font partis de nous. Ça nous rappelle qu’on pouvait être heureux. Je ris encore, me rappellent des râles de Kitae, de l’état dans lequel on était. Oui on était heureux… et j’ai tout gâché. Le pense-t-elle maintenant ? Je ne sais pas et je n’oserais prononcer ce qu’on se dit tout bas. Alors, je lui souris à nouveau, et attrape subitement le tiramisu. Je n’ai pas envie d’éviter le sujet, mais j’ai peur que cela aille trop loin dans nos souvenirs. Que la suite logique nous reprenne au dépourvu et qu’on en vienne à se revoir souffrir. A subir toutes ces nuits horribles et sans aucun sens… « On le mange ? » mieux vaut parfois éviter certains sujets n’est-ce pas ? J’ouvre déjà la boîte, lui tendant une cuillère avant d’en manger une bonne bouchée. Le posant entre nous, je récupère les photos laissées dehors pour les glisser à nouveau dans cette boîte. Malgré ça, je garde l’un d’elle entre mes mains. Puis me levant, je dépose le contenant sur son bureau, le laissant ouvert avant de venir accrocher la photo sur son miroir. A une place plus visible cette fois « C’est mieux là non ? » malicieux, j’aime à penser que ma place est à nouveau parmi les gens qui comptent. Je lui imprimerais une photo de nous tous à Sapporo aussi. Parce-que notre groupe peu à nouveau être reformé… Pointant la boite du doigt « Tu pourrais la laisser ouverte. Pour y ajouter les prochains souvenirs. » Parce-que il y en aura d’autre. Pas vrai ? Dis-moi que t’y crois encore Ye Won. Car je n’ai jamais été aussi sûr de moi. D’ailleurs je m’amuse à attraper la petite carte du restaurant d’aujourd’hui. Prenant un stylo sur son bureau, j’inscris « Ilki » un surnom dont elle se souviendra peut-être suivis de la date d’aujourd’hui. Puis sans lui demander, je la laisse tomber dans la boîte. « Un voilà déjà un. » même si ce n’est pas le plus beau, et qu’il n’est pas aussi signifiant. Il marque un tournant dans notre relation. J’en suis persuadé, car aujourd’hui nous n’avions aucune excuse pour nous voir si ce n’est simplement l’envie d’être avec l’autre. Prenant une nouvelle cuillère de dessert, je finis par dire la bouche pleine « On devrait finir nos devoirs. » avant de rire à nouveau. Même si l’envie n’est pas toujours présente, au moins je me dis que si on termine on pourrait en profiter plus après. Peut-être pourrions-nous envisager de faire quelque chose ensembles ?[b]

Il te voulait… T’aimes entendre ces mots. Ils ont un sens si particulier, qui fait rater un battement à ton coeur. Ils te prouvent que dès le départ, chacun de vous savait, que vous serez liés. Peut-être qu’en ce temps-là, vous n’imaginiez pas en arriver là, mais vous saviez que quelque chose allait découler de ces regards. Qu’une histoire allait naître de cette soirée. Pour l’heure tu préfères de concentrer là-dessus, sur cette rencontre fortuite, ces souvenirs que vous avez amassé à travers les mois, les années. Ceux qui ont fait de vous les adolescents les plus heureux, les plus libres et sincères que vous étiez. Aventureux, souvent, mais toujours amoureux. Il n’y a nulle besoin de retourner à ces semaines ou l’obscurité a eu raison de vous. Parce que ce qui compte le plus à tes yeux, c’est finalement tout le positif qui a pu ressortir de votre histoire. Tu réponds d’un sourire, avant de finalement te détacher de lui. Tu récupères la cuillère qu’il te tend pour goûter à ce dessert tant de fois partagées. Ton regard qui suit ses gestes, l’observant accrocher cette photo à ton miroir. Elle se démarque des autres, pourtant, elle y trouve sa place, peut-être mieux qu’avant. Ce sentiment que si vous arrivez enfin à passer au-dessus de tout ça, plus rien ne pourrait vous atteindre, en fin de compte. « Beaucoup mieux. » avoues-tu d’un enthousiasme certain, qui ne s’était plus révélé depuis bien longtemps. Une note qu’il ajoute dans ta boîte, t’aimes voir ce geste venant de lui. Tu te rends compte une fois de plus qu’il a changé, sur certains points. Pas sûr que le Il Kyang d’avant ai pris la peine de le faire, pourtant la scène se dessine sous tes yeux admiratifs. Pourtant, tout ne se résume pas à ce qu’il se trouve dans cette boîte, tu le sais. Mais t’aimes à te dire que vous pourrez ajouter d’autres souvenirs ensemble. Alors tu restes sur cette note, prend une nouvelle bouchée de tiramisu alors qu’il s’installe de nouveau devant toi. Une moue sur tes lèvres, même s’il faut retourner à cette dure réalité. Celle de deux étudiants devant encore terminer leurs devoirs. « J’ai pas envie… » grimaces-tu, cet air enfantin sur le visage. Tu sais que tu n’es pas l’élève la plus sérieuse, pourtant tu te dois de bosser plus dur encore. Il en est certainement de même pour lui, et tu ne te pardonnerais pas d’être celle qui entache l’avenir qui l’attend. T’en as toujours été persuadée, il ira loin, qu’importe le chemin qu’il emprunte. Malgré tout ce que vous avez traversé, tu as encore à coeur de le voir évoluer dans la musique, réaliser ses rêves. Tu n’as plus qu’un seul espoir, être là pour le voir de tes propres yeux.

Je reprends place sur le lit, retrouvant à nouveau mon ordinateur pour terminer ce devoir. Je n’ai pas envie de m’y remettre. Je préférais de loin rester là à discuter avec elle. Mon bras vacille entre mes touches et le tiramisu que je pose sur le coin de son bureau. Me motivant, je trouve toutes les raisons pour me dire qu’une fois finis je serais libre. Un échange de regard complice, je finis par me concentrer à nouveau pour la rédaction. Je remets mes idées en places. Je ne vise pas une note très bonne. Juste suffisante ça m’ira. Je n’ai pas besoin de briller, je fais le nécessaire pour avoir la moyenne dans toutes les matières et c’est déjà bien assez. Alors que je suis en train d’écrire je reçois un message de Kitae. « Je t’ai envoyé par mail mes arrangements. On peut quand même essayé de se voir tard ? » Je fais la moue. Je n’ai pas encore finis ce devoirs et je suis plutôt bien avec Ye Won. Devrais-je être égoïste une fois de plus ? Je l’avais pourtant prévenue que j’étais occupé. Alors d’un geste discret je lui réponds « Je ne pense pas. J’ai pas finis… je te rappelle plus tard. ». Je ne suis pas certains d’être dispo plus tard. J’aimerais pouvoir faire autre chose quand mon devoir sera fini. Cette idée me brûle les lèvres… et si on sortait après ? Je veux dire, rien que tous les deux. Ensembles dehors pour la première fois depuis longtemps. Je pense que notre relation a assez avancée n’est-ce pas ? Ça serait légitime de lui demander. Je ne sais pas ce qu’elle en penserait. Mais je garde ça dans un coin de ma tête, alors que je cherche déjà sur internet des films. Pourquoi pas aller au cinéma, je sais que Ye Won aime regarder des films. Alors ça pourrait être sympa, puis on serait ensembles tout en étant dans le noir. Et moi ça me va parfaitement. Je m’imagine surement lui tenir la main à l’abri des regards. Cette idée me plait, je jette un rapide coup d’œil sur les films sortis. Peu importe en réalité lequel on ira voir. Un petit sourire au coin, je regarde l’heure et avise le temps qu’il me reste. Je m’arrange et organise mes pensées pour terminer ce devoir. Je vais à l’essentiel, me pressant un peu plus pour ne pas perdre trop de temps. C’est après une heure de plus que je peux enfin souffler. « J’ai finis. » un grand sourire au coin des lèvres, je ferme mon ordinateur et m’étire. Je ne dis pas avoir fait le meilleur boulot du monde. Mais ça fera largement l’affaire ! Curieux, je me redresse pour venir derrière elle « Et toi ? » je récupère le reste de nos boites vides. Les rassemble et les prends en mains « Je vais aller jeter ça. » m’avançant déjà vers sa porte. Je me tourne brusquement sans réfléchir « Est-ce que tu veux qu’on sorte ? On pourrait se faire un ciné. » Je la regarde, sans trop savoir ce que je fabrique. Est-ce que j’ai bien fait de lui proposer. Je ne sais pas, d’ailleurs je m’empresse d’ajouter « Je descends, tu me donnes ta réponse quand je remonte. » Je lâche un rire nerveux, avant de sortir de la pièce. Je ne sais pas pourquoi j’ai demandé ça. C’est pourtant banal, mais j’ai l’impression que c’est trop. Je ne sais pas… où en sommes-nous dans notre relation ? Je pense que après cette journée, on avait fait un vrai pas l’un vers l’autre. Pas besoin d’excuse bidon pour se voir. On voulait juste être ensembles. On se parle normalement, on évoque des souvenirs, on se prend dans les bras l’un de l’autre. Alors au fond qu’est-ce qui nous en empêche ? Je ne suis pas certain pourtant de ma proposition. Arrivé en bas, je jette le tout dans les grandes poubelles, prenant une bonne inspiration. Pour me motiver surement. Mais je suis certains qu’elle acceptera… je ne vois aucune raison qui la pousserait à refuser. Je remonte, convaincu qu’elle me dira oui.