Finalement, tu retournes t’installer à ton bureau, après avoir pris une dernière bouchée de tiramisu. La pause est terminée, et tu as encore ce devoir à terminer. Tu aurais pu y passer ta soirée entière, mais le fait de savoir Il Kyang à côté te motive à te dépêcher un peu plus. Tu penses naïvement que vous pourrez rester un peu plus longtemps ensemble, que vous pourrez passer un peu plus de temps à discuter, traîner tous les deux, comme vous saviez si bien le faire avant. Un dernier regard en sa direction, une moue sur le visage, et tu te concentres enfin sur les derniers résumés qu’il te reste à faire. Tu n’es pas sûre de tout comprendre, après tout, tu n’as pas fini de rattraper ton retard après ton mois d’exclusion, mais tu fais de ton mieux. Tu te doutes que tu n’auras pas la meilleure note à ce projet que tu dois rendre aussi, mais l’important c’est de le faire. Et le temps passe plus rapidement que tu ne l’aurais cru, alors que tu entends déjà Il Kyang annoncer qu’il a terminé. Un sourire sur tes lèvres, alors que tu peux le sentir derrière toi. « Quasiment ! » annonces-tu fièrement, alors que tu t’étonnes toi-même d’avoir pu boucler ces devoirs plus rapidement que d’ordinaire. Continuant de pianoter sur ton clavier, tu observes de coin de l’oeil ce qu’il fait, même lorsqu’il se dirige vers la porte. Sa question te ferait presque paniquer, alors que tu tentes de ne pas le montrer. Mais une fois qu’il a passé le pas de la porte, tu ne peux empêcher ce soupire de s’extirper de tes lèvres, te laissant tomber sur le dossier de ta chaise, le regard perdu. La simple idée qu’on puisse vous voir ensemble, dehors, te rend nerveuse, bien plus que tu ne l’aurais cru. Tu te mordilles l’intérieur de la joue, sans arriver à écrire ces dernières phrases pour boucler ton devoir, attendant finalement qu’il revienne. Tu ne saurais comme lui dire, que tu ne te sens pas prête pour ça. Que tu préfèrerais encore rester là, à l’abri du regard des autres. Et lorsqu’il revient, tu te retournes vers lui, la tête légèrement baissée. T’as peur qu’il le prenne mal, que cet instant soit gâché parce que, encore une fois, tu n’es pas prête à t’exposer aux autres, tu as envie que tout ça reste votre petit secret, un peu plus longtemps encore. « Il Kyang… ? » finis-tu par murmurer, stressée à l’idée de tout faire valser. « Ca te dit pas de … rester ici ? J’ai pas vraiment envie de sortir ce soir… » Tu préfèrerais sans aucun doute rester là, avec lui. Parler de tout et de rien, allongée contre lui. Comme avant, te laissant le temps de réapprendre à être avec lui, retrouver peu à peu cette confiance avant de t’exposer au monde.

Lorsque je passe le pas de la porte, je me sens réellement confiant. Je ne vois aucune raison qui pourrait la pousser à refuser. Elle et moi, nous sommes sur la même longueur d’onde. Et même si cela l’effraie, il faut parfois se jeter à l’eau. Je ne lui demande rien d’impossible, du moins dans ma tête les choses semblent plus claires. Je suis certain de ce que je veux et d’où j’aimerais aller. Ça ne m’était pas arrivé depuis des mois, alors oui peut-être j’use un peu trop de cette confiance. Mais j’avais réellement envie de sortir ce soir. Je me disais que ça pourrait être… notre vrai premier rendez-vous. Sans qu’on ne se prononce dans ce sens, mais qu’on donne à cette journée un air de première fois. Alors quand je reviens dans la chambre et que je vois son regard baissé, j’ai le cœur qui chavire. Comme si toutes mes convictions venaient subitement de s’écrouler. Son regard fuyant, ses mots… je sens bien que quelque chose ne va pas. Elle n’a pas envie de sortir ce soir ? C’est étrange, elle qui passe ses soirées avec ses amis… suis-je agacé ? Je l’admets oui, sa réponse me contrarie. Je me braque, malgré que je ne doive pas. J’ai envie de lui demander pourquoi. Y-a-t-il une raison valable à son refus ? Je trouve ses paroles bizarres, tout comme son attitude. L’idée de nous voir ensembles à l’extérieur la gêne t’elle autant ? Je n’en sais rien, et ça n’a beau être que des secondes, j’ai l’impression que brusquement tout s’effondre autour de moi. Je suis triste, peut-être vexé aussi parce-que je pensais qu’elle aurait envie de la même chose. « Ah euh… » C’est tout ce que je trouve à dire, prit au dépourvu. J’aimerais lui poser un tas de questions, lui demander pourquoi elle fait ça, pourquoi elle n’est pas capable d’assumer. Mais à quoi bon ? Ses mots me blesseraient, je le sais. Et je n’ai pas envie de recommencer à jouer à ce jeu. Pourtant, je suis déçu, je ne sais plus où regarder cherchant désespérément quelque chose sur quoi fixer mon attention. Peut-être aurais-je l’air moins triste, car j’ai peur qu’elle voit ma déception dans mon regard. Alors je lui tourne le dos, remets mes cheveux en place et sors mon téléphone. « En fait Kitae vient de m’envoyer un message. Et il voudrait qu’on se voie pour bosser. » Finalement mon meilleur ami a bon dos. Je ne le remercierais jamais assez de m’avoir contacté une heure plus tôt. Je me retourne à nouveau, sourit faussement. Je pourrais accepter de rester, je le sais ça ne changera rien. Et puis je pourrais toujours profiter d’elle. Mais… je me sens idiot. Un pauvre crétin qui a cru qu’il pouvait oser lui proposer de sortir. J’ai vraiment pensé que nous avions franchi une étape. Mais je me suis trompé. Ye Won n’est pas prête… et je me rends compte à quel point nous sommes différents. J’ai peur subitement d’emprunter un chemin parallèle au sien. Sans jamais réussir à nous retrouver vraiment. Ais-je tords de croire en notre histoire ? Elle me fait attendre oui, plus que je ne le pensais et je crois qu’au fond ça me blesse. Parce qu’elle n’a pas assez confiance en moi pour assumer une relation. Parce qu’une part d’elle m’en veut encore terriblement… et malgré qu’elle cède parfois, elle finit toujours par gagner. Je ne peux pas rester là l’air de rien. Lui faire comprendre que ce n’est pas important, alors que je me sens vraiment stupide. Malgré tout, un malaise s’installe entre nous. Je comprends que trop bien ce que cela signifie alors je préfère fuir « C’est pour l’audition. C’est important. » Une excuse de plus. Mais faire de la musique me parait subitement être la meilleure des solutions qui s’offre à moi. Mon refuge, que j’avais trop longtemps délaissé. Je m’avance vers le lit, reprend mon ordinateur et fais un pas vers elle avant de me raviser. Je préfère garder un peu de distance, de peur qu’elle sente davantage ma nervosité dans un éventuel baiser déçu. Alors, je lui fais un petit sourire « On se reparle plus tard. Bonne soirée. » Et je fuis comme un lâche. Sortant plus vite que je ne l’aurais pensé de sa chambre pour retrouver la mienne. Je récupère mes affaires et m’en vais retrouver mon meilleur ami « Finalement je suis dispo. J’arrive chez toi. » Je ne dirais rien à Kitae, parce-que je refuse de mélanger toutes ces pensées dans ma tête. Je n’ai pas besoin d’un regard extérieur sur notre relation. Je sais où je vais… mais je ne sais pas combien de temps cela prendra.

A peine ces mots franchissent-ils la barrière de tes lèvres que tu comprends. Que tu fais certainement une erreur, que tu es en train de gâcher ce moment. Et tu t’en veux au fond de toi, de ne pas encore trouver le courage de t’exposer avec lui. Pourtant, ce ne serait qu’une suite logique à tout ce qu’il se passe depuis votre retour du Japon. Mais les doutes, les peurs persistent, tant bien que mal, même si ton coeur continue de le réclamer, encore et encore. Tu n’oses pas lui demander pourquoi il réagit comme ça, peut-être qu’au fond, la réponse qu’il pourrait te donner t’effraies. Alors tu restes silencieuse, ton regard fuyant mais qui pourtant, ose parfois l’observer du coin de l’oeil. T’as tout fait envoyer en éclat, et même lorsqu’il te dit partir pour retrouver Kitae, tu ne crains qu’une excuse de sa part pour te fuir. Le coeur qui se serre alors qu’il part déjà. « Bonne soirée. » arrives-tu à peine à bredouiller lorsqu’il quitte finalement la pièce. Tu pourrais encore le rattraper, lui dire que t’es désolée. Tenter de faire cet effort, pour lui. Mais t’es comme bloquée, tes yeux rivés sur cette porte. Tu te maudis déjà de le laisser filer, et cette fois tu le sais, t’es bien la fautive dans cette histoire. Tes mains qui passent sur ton visage, alors que tu te retrouves finalement seule dans cette chambre, encore baignée par son odeur. appuyée contre le dossier de ta chaise, tu regardes ton ordinateur, ce devoir quasiment terminé devant toi. Et dire que vous auriez pu passer une bonne soirée, ensemble, un peu plus longtemps. Mais ces craintes t’en empêchent, toujours autant. T’aimerais pouvoir les oublier une bonne fois pour tout, et pourtant. Parfois cette épreuve te semble insurmontable, alors que tu ne rêves que de pouvoir tout laisser s’envoler pour reconstruire cette histoire. Bien malgré toi, tu récupères cette carte laissée dans ta boîte, de son écriture tu reconnais la date d’aujourd’hui, et un simple mot inscrit à côté. « Ilki. » ce surnom que tu lui donnais, qui l’a suivi pendant des années. L’idée qu’il s’en souvienne pourrait réchauffer un tant soit peu ton coeur, mais il n’en est rien. Tu n’as plus vraiment le courage de finaliser ce devoir, ni de te replonger dans ces souvenirs. Alors tu finis simplement par récupérer ton téléphone, te laissant tomber sur ton lit. Le regard rivé sur le plafond, tu resteras comme ça un long moment. A retourner dans tous les sens ces quelques mots que tu as osé dire, qui ont bel et bien tout gâché. Pendant un moment, tu tenteras de trouver quelques mots à lui envoyer, à pianoter sur l’écran de ton téléphone. Mais aucun d’entre eux ne sera envoyé. A quoi bon, alors que l’as laissé s’enfuir. Tu sais de toute façon qu’il ne reviendra pas. Pas ce soir en tout cas.