Un cadeau romantique de la part de Lucas ? L’idée fait sourire Jun Wan tellement elle paraît improbable. Il y a encore vingt-quatre heures de ça, il pensait qu’il ne verrait plus jamais Lucas de sa vie. Maintenant, il est devenu son petit-ami et lui a promis de lui offrir un cadeau romantique pour son anniversaire. Le renversement de situation est si beau qu’il ne paraît pas réel, mais quoi de plus réel que Jun Wan offrant un robot aspirateur à son premier petit-ami ? Son cerveau n’aurait jamais pu créer de toute pièce une situation aussi saugrenue.

Désormais installé aux côtés de Lucas, il sourit à l’entente de sa voix taquine. « Joyeux anniversaire, Lucas » répète t-il pour toute réponse. « Je pourrais te le dire sans arrêt jusqu’à ce que minuit sonne, mais je crains que ça ne devienne un peu… répétitif » En disant ça, il tend le cadeau emballé et observe d’un doux regard Lucas le déballer avec précaution, comme tous les ans. « C’est précisément en me posant cette question que j’ai pensé. Quel est l’objet dont tu as besoin mais que tu ne peux pas t’offrir. » répond-il sans perdre son sourire. Il était sur le point de se plaindre une nouvelle fois de son mauvais choix – au final j’aurais dû me contenter de quelque chose de plus romantique - quand les deux bras de Lucas viennent serrer son cou.

Clairement pas habitué à ce que ce soit Lucas qui initie un contact physique (autre que le baiser de tout à l’heure), il reste pris au dépourvu quelques secondes, son cœur loupant un battement, avant que son visage ne soit détendu par un nouveau sourire. Comme si c’était déjà automatique chez lui, il passe ses deux bras autour de la taille de Lucas pour le serrer contre lui aussi. « De rien Lucas » murmure t-il d’une voix amusée. « Je ne pensais pas que j’aurais le droit à un aussi gros remerciement, sinon je t’en aurais offert un bien plus tôt » conclut-il avec une pointe d’humour.

Lucas avait lancé ça dans le vide, mais il ne s’était pas attendu à ce que Junwan lui réponde par un autre « joyeux anniversaire ». Agréablement surpris, il finit par éclater de rire en imaginant la scène évoquée par son petit-ami, où ce dernier se mettrait à lui répéter sans cesse joyeux anniversaire jusqu’à ce que minuit ne sonne… Ennuyant. « C’est vrai… mais si tu me disais trois autres mots en boucle, je ne trouverais pas ça répétitif. » Bold. Sans rien ajouter d’autre, Lucas ne fit que glisser un sourire mesquin puis récupéra le cadeau que lui tendait Junwan, le déballant avec soin pour y découvrir un robot-aspirateur. Cadeau énorme pour un garçon pauvre comme Lucas qui avait du mal à finir ses mois sans être à découvert, il fallait évidemment un remerciement à la hauteur du cadeau. Cela dit, même en enlaçant son petit-ami et en lui répétant « merci », Lucas n’était pas certain que ce soit suffisant pour exprimer à quel point il était heureux d’avoir ce cadeau. Heureux que Junwan ait tant pensé à lui, heureux de sa présence dans sa vie, heureux de sa présence aujourd’hui.

Plus proche que jamais de Junwan, c’était vrai que ça pouvait être surprenant de la part de Lucas, qui n’était pas quelqu’un de très tactile. Il avait l’habitude de rejeter toute tentative de câlin, n’aimait pas vraiment qu’on le touche, même avec les personnes dont il était proche. Mais Junwan était différent. Junwan était le seul qu’il aimait, le seul avec qui il voulait bien se laisser entièrement aller. Alors le câlin était venu si naturellement que c’était suite à la remarque du sango qu’il avait remarqué que ce n’était pas dans ses habitudes, de faire de si grands remerciements. Lucas éclata de rire, rire résonnant juste à côté de l’oreille de Junwan. « Je ne sais pas si je t’aurais remercié de la même manière si tu me l’avais offert plus tôt, pour être honnête. » Un câlin, peut-être, mais un câlin aussi naturel, aussi proche, peut-être que non.

Après quelques temps, il finit par rompre le contact et par se rasseoir pour se concentrer sur le bijou qui était désormais sien. Examinant un peu le carton pour y lire les inscriptions dessus, il le faisait tout en prenant quelques bouchées de son gâteau au chocolat, cuillère pendant à la bouche, mine concentrée, commentant parfois quelques fonctionnalités incroyables pour lui à voix haute (la batterie tient si longtemps ! ; il peut éviter les obstacles devant lui !). Et puis, après en avoir fait le tour, il en tira une expression satisfaite, sourire aux lèvres. « J’ai trop hâte de l’essayer, » finit-il par dire, une autre part de gâteau terminée. « Hm, j’ai assez mangé. On pourra finir le gâteau demain ? » Il restait quand même une bonne grosse part de gâteau, Lucas n’avait évidemment pas pu le terminer seul (mais demain, ce sera fait).

Jun Wan fut tellement pris au dépourvu par la soudaine audace de Lucas que quand il voulut répondre, c’était déjà trop tard. Alors, à la place, il tend le cadeau et attend patiemment la réaction. Il s’est imaginé un nombre incroyable de réactions face à ce cadeau, parce qu’il ne pouvait rien faire d’autre ; pendant la période où Lucas n’adressait plus la parole à Jun Wan, il habitait toujours ses pensées constamment. Parmi les choses que Jun Wan s’imaginait dans ces moments où ses pensées étaient complètement habitées par Lucas, il y avait ce moment où il lui tendrait ce cadeau. Il s’était imaginé le regard brillant de reconnaissance, le sourire magnifique qu’il lui adresserait. Les remerciements, et aussi peut-être, la gêne ; quelque chose du genre c’est tellement cher, tu n’aurais pas dû. Il s’était aussi imaginé ne jamais pouvoir lui donner son cadeau : et si jamais Lucas ne veut plus jamais me parler. Et cette simple idée donnait l’impression d’un immense rocher lui tombant sur la cage thoracique. Imaginer ne plus jamais pouvoir passer de temps avec Lucas l’étouffait et l’effrayait plus que rien d’autre. Jun Wan ne supporterait pas de perdre une nouvelle personne à ses yeux.

Mais parmi toutes les choses qu’il s’était imaginées, les positives comme les négatives, jamais il n’avait pensé que Lucas le prendrait dans ses bras pour le remercier. Jamais il n’avait pensé qu’il sentirait sa tête blottie contre lui, son souffle contre son cou. Jamais il n’avait pensé qu’il pourrait aussi librement et naturellement passer ses deux bras autour de la taille de Lucas pour le serrer contre lui. Et encore moins pouvoir lui dire sans inquiétude ces quelques mots : « Je t’aime, Lucas ». Et pourtant, c’est ce qu’il fait ; et comme la précédente phrase de Lucas le lui rappelle si bien, quelques semaines auparavant, ça ne serait jamais arrivé. L’idée aurait pu l’attrister, lui rappeler tous ces moments d’amour à sens unique qu’il avait vécu mais la sensation de Lucas contre lui est trop satisfaisante pour permettre à une émotion négative d’apparaître.

Jun Wan laisse passer le moment sans rien dire de plus, comme si leur contact physique valait plus que dix milles mots échangés. Quand Lucas se défait de son étreinte pour s’asseoir et lire les détails de son cadeau, Jun Wan s’assied à son tour sur le tabouret à côté de lui et le regarde avec un sourire plein d’affection. Sans rien répondre, il écoute les commentaires de Lucas sur les fonctionnalités du robot et s’en amuse en silence. Enfin, quand Lucas semble récupérer ses esprits et s’adresser à lui, le sourire de Jun Wan s’agrandit encore davantage. « On peut le démarrer maintenant si tu veux, mais il n’y a pas grand-chose à nettoyer. » affirme t-il avec une voix amusée. Quand il lui demande s’ils pourront finir le gâteau le lendemain, il a l’impression d’être devenu l’espace d’une seconde le père de Lucas, mais il n’en dit rien et cette idée ne fait que l’amuser encore plus. « Oui, bien sûr que tu peux le finir demain. Je vais juste le mettre au frais. » répond-il en fermant l’emballage du gâteau. Puis, il se lève pour aller le mettre dans le frigo et revient aux côtés de Lucas quelques secondes plus tard, avec un regard semblant lui demander que fait-on maintenant ?

Je t’aime, Lucas.
Phrase semblant sortir de nulle part et qui secoua vivement le cœur de Lucas, cœur qui rata un battement à cause de la surprise. Les joues se colorèrent immédiatement de rouge en réponse et ce fut à cet instant-là que le garçon fut ravi d’être contre Junwan, rien que pour que ce dernier ne voie pas à quel point il était en train de rougir (il n’y avait plus qu’à espérer qu’il n’entende pas ses battements de cœur, mais vu leur proximité, il était peut-être en train de prier pour rien). Un sourire vint ensuite se peindre sur ses lèvres, il ne pouvait définitivement rien faire contre tous ces signes de bonheur qu’il ressentait actuellement. Papillons dans le ventre et chaleur agréable qui se répandait dans le corps, ce matin il avait été loin d’imaginer qu’il vivrait ça avec Junwan le soir même de son anniversaire. Vraiment, Lucas était peut-être un peu trop heureux ce soir pour que ce soit normal, lui qui passait toutes ses journées à se battre contre la vie, mais là il n’avait en tête que Junwan. La chaleur de Junwan, son contact, sa voix, son odeur. Il le serra un peu plus contre lui, quitte à complètement dévoiler ses battements de cœur rapides. « Je t’aime aussi, » murmura t-il sur un ton un peu moins assuré mais qui venait du cœur.

Contact physique qui dura encore quelques temps avant que Lucas ne décide de rompre le moment (au moment où il sentait que les rougeurs de ses joues avaient disparu, en fait) et de s’intéresser à son cadeau. Garçon qui ne s’y connaissait absolument pas dans tous ces appareils électroménagers, il ne pouvait s’empêcher de s’extasier face à la beauté de la technologie à laquelle il avait rarement accès. Alors oui, il avait peut-être l’air d’un gosse mais il n’en avait pas grand-chose à faire, il était juste trop content d’avoir ça.
Lucas rit légèrement, secoua de la tête à la proposition de Junwan. « T’en fais pas, je l’essaierai demain chez moi. » Évidemment, il ne se privera pas de prendre des vidéos et photos du moment et de les lui envoyer, d’en faire profiter sur tous ses réseaux sociaux en fait, parce qu’il voulait vraiment immortaliser ça.
Part de gâteau finie, Lucas n’avait plus envie d’en manger et demanda à ce qu’ils finissent le gâteau demain. Il ne se dit absolument pas que ça avait l’air d’une question qu’un enfant aurait posé à son père (et s’il s’était fait cette réflexion, il aurait pensé à son père, ce qui aurait déteint sur son humeur ; alors heureusement qu’il ne se la fit pas). « T’en voudras pas ? » demanda t-il, relevant le « tu » que Junwan avait employé en arquant un sourcil. Il tenait quand même à ce que Junwan goûte son propre gâteau.

Le regardant ranger le gâteau dans le frigo, le voilà de retour auprès de lui quelques temps après.
Et maintenant ?
Lucas attrapa son téléphone pour regarder l’heure. Minuit et quelques.
Il sourit.
« Ce n’est plus mon anniversaire. »
Il tourna sa tête vers Junwan, ignorant délibérément toutes les notifications qu’il avait reçues. « Tu veux aller dormir ? » Il commençait à se faire tard et mine de rien, Lucas avait des choses à faire demain. Il n’avait pas du tout prévu qu’il allait passer sa soirée du samedi avec Junwan alors ça changeait un peu tous ses plans.

La confession de Lucas créé dix milles sensations à l’intérieur de lui, tellement de choses qu’il ressent en même temps qu’il lui est impossible de décrire tout ce qui se passe. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il ne s’est jamais senti aussi heureux de toute sa vie. Il a l’impression d’être dans une univers parallèle où rien ne peut venir le perturber : tout ce qui l’attriste en temps normal semble si lointain. Comme si tout n’était qu’un rêve et qu’il venait de se réveiller – ou plutôt, malheureusement, comme si il vivait dans un rêve éloigné de sa triste réalité.

Tout ça lui importe peu pour l’instant. Grand sourire sur les lèvres, il acquiesce quand Lucas lui dit qu’il l’essaiera demain quand il rentrera chez lui, et demain lui semble si loin qu’il ne réalise même pas que c’est seulement dans quelques heures qu’il devra se séparer de Lucas. Pour lui, l’idée est inimaginable, comme si le temps s’était arrêté et qu’ils resteraient ainsi chez eux pendant une éternité. « Oh, si, je goûterai, mais une petite part… une toute petite » répond-il en rigolant. « Je te laisserai le terminer, c’est ça que je veux dire. Après tout, c’est ton cadeau » complète t-il en rangeant le gâteau frigo. Puis il se place à côté de Lucas et attend ses instructions. D’un regard tendre, il l’observe sortir son téléphone pour surveiller l’heure et rigole quand il souligne que son anniversaire est passé. Le silence s’installe pendant quelques secondes après la proposition de Lucas, silence pendant lequel Jun Wan se demande ce qu’il doit comprendre dans la question. « Euh… Oui ? » demande t-il d’un ton incertain, et cette scène lui paraît être du déjà-vu. « Je… te prépare un lit ou... » ou on dort ensemble ? Jun Wan n’y connaît rien en couple, ne sait pas si les gens dorment ensemble dès le début ou si c’est trop rapide. « Enfin, je veux dire, on peut dormir ensemble sans qu’il ne se passe rien, je sais juste pas ce que tu préfères » dit-il en augmentant son débit de parole. Il parle si vite qu’il ne sait pas si Lucas a bien tout compris. « Ah, il te faut un pyjama aussi. » souligne t-il de la manière la plus naturelle possible.

Le garçon avait beau adorer le chocolat, il aimerait quand même que son petit-ami goûte à sa propre merveille. Mais bon, il n’allait pas lui forcer la main s’il n’en avait pas envie. « C’est juste que je ne suis pas sûr de pouvoir le finir tout seul en tant que petit-déjeuner, demain. Et puis, c’est mon cadeau, mais c’est surtout toi qui l’as fait. Ça ne me dérange pas de partager mon cadeau avec toi, t’en mérites bien une part. » Il esquissa un petit sourire joueur, d’humeur taquine.

Minuit passé, il était l’heure d’aller dormir. Proposition innocente de la part de Lucas, le garçon n’y vit que du feu alors que ce fut l’esprit de Junwan qui se mit à fonctionner à toute vitesse. Ce fut lorsque ce dernier répondit sur un ton qui lui semblait familier que les neurones de Lucas s’activèrent, sans qu’ils n’aient le temps de traiter toutes les informations qui passaient par ses oreilles. Le débit de parole de Junwan était trop rapide, Lucas avait du mal à tout saisir. Mais il avait saisi le plus important : quelque chose avait été définitivement mal interprété. Déjà-vu par rapport à la scène de tout à l’heure, la réalisation frappa subitement Lucas alors qu’il se mit à rougir, pensées s’aventurant ailleurs. « Shit, » lâcha t-il sans y réfléchir avant de mettre ses coudes sur la table et d’enfouir son visage dans ses mains. « Je suis désolé, j’enchaîne les boulettes aujourd’hui... » Quelques secondes de silence se passèrent alors que Lucas s’occupa de garder son calme, calme qui ne revint pas facilement (difficile d’être calme avec Junwan à côté de lui). Finalement, il laissa son visage de nouveau à découvert, n’osant malgré tout pas regarder son petit-ami dans les yeux. « Je peux dormir avec toi… sans qu’il ne se passe rien. » Phrase sortie sur un rythme un peu étrange mais il espéra que Junwan ne le relèverait pas. Le problème était surtout que s’il se passait quelque chose, ça ne le dérangerait pas non plus.

À la remarque amusée de Lucas, Jun Wan se contente de répondre avec un sourire. Il sait que Lucas ne l’empêcherait jamais de goûter le gâteau s’il le veut, et il goûtera probablement son œuvre pâtissière le lendemain, par curiosité, sans pour autant être capable de dire si oui ou non c’est réussi. Il mange si peu souvent du sucré qu’il n’a pas matière à comparer, c’est aussi pour ça que savoir que Lucas trouve son gâteau bon lui suffit pour être persuadé qu’il a réussi.
Après avoir rangé le gâteau, quand l’étudiant lui dit qu’il est l’heure d’aller dormir, Jun Wan est pris d’une soudaine panique incontrollable. Il ne sait pas ce qu’il a voulu dire par aller dormir et ne sait donc pas quoi répondre à sa question, bien qu’en fait, quel que soit le sens de la question, la réponse aurait été positive. L’idée de dormir avec Lucas, au sens figuré comme au sens littéral, ne lui est pas désagréable ; en revanche, l’idée de ne pas savoir ce qu’il a voulu dire l’est.
Tout seul, il s’emmêle les pinceaux et tout seul, il essaie de se calmer, en engageant le sujet neutre du pyjama ; mais ça ne sert à rien quand, en face de lui, Lucas réalise le malentendu qui s’est glissé et se met à rougir très visiblement. Pour être honnête, il se sentirait presque rougir lui-même quand Lucas lui répond ; peut-être parce que le silence qui s’installe alors est lourd, palpable, comme si, par sa réponse, Lucas lui indiquait que c’était à lui de choisir le sens que prenait sa phrase. Ce qu’il a dit ne veut rien dire : il peut dormir sans qu’il ne se passe rien, mais est-ce que c’est ce qu’il veut faire ? Est-ce que c’est ce qu’il avait prévu de faire ? Quelle est l’idée qui lui plaît le plus ? Toutes ces questions lui passent par la tête et il se sent submergé par une pression inconnue, celle de savoir ce qui se fait en temps normal.
Jun Wan a passé sa vie à se demander ce que Lucas attendait de lui et à agir en conséquence, mais là, dans l’immédiat, il n’a pas la réponse : quelle réaction Lucas veut de lui ? Est-ce qu’il est supposé se contenter d’un hochement de tête, sans rien rajouter – mais dans ce cas-là, le sujet risque de ressurgir quelques minutes plus tard, au seuil de la chambre. Est-ce qu’il est supposé prendre une décision ? Dire : d’accord, ne faisons rien ce soir ; ou au contraire : je préfèrerais qu’il se passe quelque chose ?
Il ne sait pas combien de temps est passé quand il reprend ses esprits et qu’il réalise qu’il est immobile, en train de fixer Lucas dans les yeux. Il a l’étrange impression que les prochains mots qu’il dira décideront de l’ambiance de la suite de la soirée, et ça lui met une pression monstre. « D’accord » répond-il d’un ton incertain. Mais il devine que ça ne suffit pas, qu’il ne peut pas juste dire d’accord et rester immobile comme ça. « Ne t’en fais pas, je n’appellerais pas ça une boulette… de toute façon, la question aurait fini par se poser à un moment » Il hoche la tête d’un air entendu en disant ça, comme pour montrer qu’il est d’accord avec ses propres mots, mais il est tellement troublé qu’il ne s’en rend pas compte. « Pour être entièrement honnête, je ne sais pas ce qu’on est supposé faire maintenant. Ça m’est plutôt égal, en fait, la façon dont on passe notre nuit. Mais je ne veux pas décevoir tes attentes ni t’obliger à quoi que ce soit, alors je ne sais pas ce qui est le mieux. » confie t-il avec une voix plus sûre de lui maintenant, parce qu’il exprime quelque chose dont il est certain : ses propres sentiments.

L’atmosphère se faisait lourde alors que quelques secondes avant, elle était si légère. Mais dès qu’il s’agissait de questions de couple, Lucas perdait ses moyens. Il ne s’était pas encore tout à fait fait à l’idée qu’il était en couple avec Junwan, qu’il n’était plus son ami, alors certaines questions ou remarques pouvaient être interprétées différemment sans qu’il ne s’en rende compte. Et puis, des dizaines d’autres questions se soulevaient aussi avec cette nouvelle étape dans leur relation : les choses qu’ils devraient faire, ne pas faire. En l’occurrence, Lucas avait déjà été en couple alors il s’y connaissait un minimum, sans pour autant être un expert. Après tout, il n’avait jamais été du type à mener la danse ; c’était plutôt lui qui se faisait traîner, l’exemple parfait étant sa relation passée avec son ex. Ça avait toujours été elle qui l’avait mené par le bout du nez, qui le maîtrisait comme elle le voulait. Et puis, la transition entre amis à couple avait été plus facile, ils ne se connaissaient que depuis quelques mois quand ils avaient commencé à sortir ensemble. Là, il avait connu Junwan en tant qu’ami pendant quatre ans et c’était moins facile de passer à un autre statut de leur relation, bien trop nouveau pour que Lucas et Junwan tous les deux s’y fassent.

Un silence suivit, silence qui dura bien trop longtemps, silence dans lequel Lucas s’était posé bien trop de questions ; se demandant ce que Junwan voulait, lui. Et les yeux revinrent croiser les siens quand il prononça son « d’accord », d’accord qui ne voulait rien dire. D’accord quoi ? Pour qu’ils dorment ensemble ? Mais qu’est-ce que ça voulait dire, après ? Qu’est-ce qu’ils allaient faire ? Lucas se mordit la lèvre inférieure, hocha la tête d’un air distrait comme pour approuver les paroles de Junwan et s’en arrêter là. La tension était trop forte, Lucas aimerait qu’elle disparaisse. C’était en train de jouer avec les cordes de son cœur et elles n’allaient pas tenir longtemps si ça continuait. Heureusement, Junwan fut honnête, ce qui fit relâcher toute la pression chez Lucas. Simplement parce qu’à cet instant-là, Lucas l’avait trouvé mignon. Un rire s’échappa de sa gorge alors que le garçon se relaxait doucement. « C’est surtout comme tu veux. Il n’y a rien qu’on est supposé faire maintenant, si ce n’est faire ce qu’on a envie de faire. Je n’ai pas d’attentes particulières. Sois toi-même et ça ira. » Il esquissa un petit sourire, regard tendre qui se posa sur Junwan. « Du coup, mon pyjama ? » Avec cette question, il écartait la piste qu’il se passe quelque chose entre eux cette nuit. Junwan n’avait pas d’expérience, Lucas préférait y aller tranquillement, mettre son petit-ami complètement à l’aise avant d’oser faire ce genre de choses.

Entendre l’éclat de rire de Lucas soulage Jun Wan d’un poids très lourd, et d’un coup il se demande ce qui a bien pu le mettre dans un tel état tendu quelques secondes auparavant. Ça paraît évident que Lucas ne lui en voudrait pas juste parce que Jun Wan ne savait pas quoi faire, et il se demande même comment il a pu penser ça une seule seconde. Cependant, la suite de la réponse de Lucas le met dans le flou : il n’a pas la moindre idée de ce que ça veut dire, être lui-même. Qui est lui-même ? Et la question lui paraît ridicule, alors il préfère chasser cette pensée avec un mouvement de tête et un sourire amusé. « Oui, le pyjama » Il répond à Lucas de la même façon qu’il aurait saisi une bouée de sauvetage en pleine noyade.

Immédiatement, il reprend possession des membres de son corps et se met à marcher en direction de sa chambre, en se doutant que Lucas le suit de près. « Je ne sais pas si tu veux te doucher ? » demande t-il en effaçant de ses pensées les dizaines de scènes romantiques où la question est posée avec un tout autre sens. Pour être certain que le sujet ne soit pas engagé de nouveau, il fait de son mieux pour ne pas croiser le regard de Lucas. À la place, il rentre dans sa chambre et ouvre le placard où sont rangés ses pyjamas. « Prends celui que tu préfères. » dit-il avec la même intonation que s’il lui proposait de choisir entre divers modèles de montres très chères.

A deux doigts de replonger dans un autre épisode de tensions, Lucas choisit de ne pas le faire, de ne pas faire de sous-entendu. « Non, je me doucherai demain matin, ne t’en fais pas. » De toute manière, le garçon était habitué à prendre ses douches à des heures hasardeuses, que ce soit le matin ou le soir, selon son emploi du temps et sa fatigue du jour. Et puis, ne pas se doucher maintenant les préservait d’un long épisode de gêne que Lucas ne put s’empêcher de remarquer malgré lui, en voyant que Junwan n’avait pas tourné sa tête pour le regarder en lui posant la question. Étrangement, Lucas le trouva un peu mignon ; mais il retint cette remarque et se contenta de le suivre.

Une fois rendus dans sa chambre, Lucas souffla du nez quand il vit le choix qu’il avait. « Tu sais, tu pouvais juste m’en passer un, ça me serait très bien allé. » Il n’avait pas besoin de lui faire choisir, quoi. Malgré tout, Lucas s’approcha du placard et regarda rapidement les pyjamas qui lui étaient proposés, rien que pour faire plaisir à Junwan. Il finit par en sortir un, le secoua un peu en se positionnant face à Junwan, petit sourire sur les lèvres. « Je prends celui-là. » Il baissa ensuite le pyjama, se tourna vers la porte. « Je vais me changer. » S’il avait été plus audacieux il aurait fait le sous-entendu qu’il aurait pu se changer dans la même pièce, mais c’était sûrement trop tôt pour ce genre de remarques (et il n’avait ni envie de s’embarrasser ni d’embarrasser Junwan). Il quitta alors la pièce, alla se changer.

Quelques minutes plus tard et le voilà habillé du fameux pyjama, aux manches un peu trop longues mais ça lui allait quand même. Le pyjama portait l’odeur de Junwan, qui lui était d’un réconfort malgré lui. De retour dans la chambre, il posa ses vêtements dans un coin de la chambre puis vint se poster face à Junwan. « On va dormir ? » Cette fois, question posée sans aucune ambiguïté.