Jun Wan acquiesce d’un mouvement de tête discret et ne fait aucun commentaire supplémentaire sur la possibilité de prendre une douche. Il ne reprend pas la parole jusqu’à ce qu’il ait ouvert le placard avec les pyjamas, et il rigole à la réponse de Lucas. « Je sais, mais autant que tu choisisses, tant qu’on y est » Il hausse les épaules sans perdre son sourire. Quand Lucas quitte la pièce pour se changer, Jun Wan se dit qu’il sera plus intelligent qu’il se mette lui-même en pyjama, car il ne prévoit pas de regarder son petit-ami dormir toute la nuit sans fermer l’oeil. Du coup, il se change lui-même pendant l’absence de Lucas et il a à peine fini quand ce dernier rentre de nouveau dans la pièce. Pendant quelques secondes, il se dit qu’ils ont échappé à un nouveau moment terriblement gênant.

« Oui, j’imagine que c’est ce qu’il reste à faire » répond-il sans perdre son sourire. Juste après, il défait son lit et se glisse sous la couette, en invitant d’un geste de la main Lucas à faire de même. Ensuite, il appuie sur l’interrupteur pour éteindre la lumière et presque trop naturellement, il entoure Lucas avec ses bras pour se blottir contre lui, les yeux fermés. Pendant un moment, personne ne prend la parole, mais Jun Wan sait parfaitement que Lucas ne s’est pas endormi. Il ne sait pas trop pourquoi, c’est son instinct qui lui dit. Alors, d’une voix suave, proche d’un murmure, il brise le silence. « Je n’arrive pas à croire que ce n’est pas un rêve. Ce matin, je ne pensais pas du tout que je finirais la journée en couple avec toi. » Même le dire, avec ces mots-là, comme ça, lui paraît totalement irréel. « J’étais tellement blessé et énervé de ne pas avoir été invité. J’étais loin de m’imaginer… comment la journée se passerait. » confie t-il avec un sourire invisible dans l’obscurité.

Loin de savoir le moment gênant auquel ils venaient d’échapper, Lucas proposa d’aller dormir, puisque c’était la seule chose qui leur restait à faire. Le garçon sourit en retour à Junwan qui alla défaire son lit et se glissa sous la couverture, incitant Lucas à faire de même. Celui-ci ne se fit pas prier et presque instinctivement, il se tourna vers Junwan, comme s’il s’attendait à ce que ce dernier le prenne dans ses bras, comme si c’était parfaitement normal alors que toutes les autres fois où ils avaient dormi ensemble, c’était dans des lits séparés, sans la présence de l’autre. Ça avait beau être la première fois qu’ils dormaient ensemble sur un même lit sans que ce ne soit provoqué par le taux important d’alcool dans le sang de Lucas, c’était si naturel que c’en était réconfortant. D’ailleurs, Lucas ne réprima pas son sourire quand Junwan l’entoura de ses bras, tandis qu’il se rapprocha davantage de son petit-ami, tête dans le cou de celui-ci. Les yeux fermés, la respiration se calma. A cet instant-là, il se sentit le plus calme qu’il ne s’était jamais senti. Il se serait presque endormi si Junwan n’avait pas repris la parole, cette fois d’une voix suave, presque comme un murmure, seul son qui résonnait dans cette immense maison. Pourtant Lucas ne rouvrit pas les yeux, trop bien installé contre lui, trop confortable pour amorcer un mouvement. Malgré tout il se mit à sourire car le sourire venait du cœur, incapable de ne pas montrer son bonheur. « Moi non plus, » avoua t-il dans un chuchotement. « Je ne voulais pas penser à toi de la journée, mais je l’ai fait. Je me demandais quand est-ce que tu allais me souhaiter un joyeux anniversaire. Si tu allais le faire, même. Si tu voulais encore de moi. » C’était vrai qu’à peine ce matin Lucas s’imaginait que Junwan ne voudrait plus attendre aussi longtemps pour lui. Il avait beau être certain qu’il aimait Junwan, il avait été incapable de savoir s’il serait capable d’être en couple avec lui. Maintenant, la question ne se posait plus. Pour tout le bonheur qu’il lui procurait, oui, il était capable d’être en couple avec Junwan. Il ne pouvait plus vivre autrement, maintenant qu’il avait goûté à cette joie. « Je suis content que les choses se soient passées ainsi. » Et il se blottit un peu plus contre son petit-ami à cette remarque.

La pièce est silencieuse, mais c’est un silence rempli. Ça n’a rien avoir avec le silence habituel de la chambre, quand il rentre chez lui après une journée de travail ou de cours, et qu’il se sent terriblement seul dans l’appartement. Non, là, Jun Wan se sent bien, comblé, relaxé, confortable, amoureux et aimé. Il n’a jamais ressenti autant de choses positives en une seule fois, ou si c’est déjà arrivé, ça fait si longtemps qu’il l’a oublié. Les yeux fermés, il se dit même que c’est trop agréable pour s’endormir ; il veut faire durer cet instant plus longtemps, et c’est dans cet objectif qu’il brise le silence. Comme il s’en doutait, Lucas n’est pas endormi, et son sourire s’agrandit en entendant sa réponse. Ce qu’il lui dit n’est pas joyeux, pourtant ça ne l’attriste pas, sans doute parce que la situation n’est pas adéquate pour ressentir un brin de tristesse. « Moi aussi » répond-il, avant de reprendre la parole, parce qu’il ne veut pas que la discussion s’arrête là. « Tu sais à quel point j’ai hésité à t’envoyer un message ? J’avais même rédigé quelque chose dans le mémo de mon téléphone, ça disait un truc du genre... » De cette façon, Jun Wan entreprend de résumer le message qu’il avait écrit sous la colère d’avoir été évité, avant de lui avouer qu’il en avait ensuite écrit un autre bien plus doux. Puis, de fil en auguille, le sujet dérive sur tout et sur rien. Pendant plusieurs heures, Jun Wan et Lucas échangent tantôt des banalités, tantôt des confidences, dans l’obscurité de la chambre où, entre deux dialogues, seul le souffle de leurs respirations brise le silence. Puis, quand la fatigue a raison d’eux, c’est ainsi qu’ils s’endorment : blottis l’un contre l’autre, un sourire sur les lèvres ; et une chose est sûre, ce soir, aucun rêve ne pourra jamais égaler leur réalité.