Mon conscient prenant l’ascendant sur les manifestations de ton corps. Je me décomposais à la vue de tes gestes. Mais que quelqu’un mette un terme à cette horreur ! Comment pouvais-tu toucher ma poitrine de la sorte ? N’avais-tu jamais appris le respect ? J’en étais tellement effarée que presque plus que de la colère, j’en avais envie de pleurer. Mon corps, mon intimité ainsi profanée. Non, c’était bien trop infâme ! Trop cruel ! Cela m’était insoutenable ! Je luttais néanmoins, t’attrapant par les poignets afin d’empêcher tes mains de profiter de la générosité de mes formes, tout en soupirant de tes propos. « Donc, tu es bien gay… Ou en tout cas, il est donc vrai que tu aurais préféré naitre femme. » Parfois, certaines rumeurs sont vraies. Tu t’en révélais donc la preuve. Cependant, le crabe ne nous laissa guère d’avantage tergiverser avant de nous affubler d’une bourrasque aqueuse… et que croyais-tu faire là ? De tes bras, enfin mes bras, tu m’attirais à toi, ou plutôt tu collais ton corps à mon corps, dont le nez du premier se trouva enfoui dans la poitrine du second et recommença à agir étrangement par en bas… Et nous nous retrouvâmes sur la plage. J’aperçus l’ombre menaçante se dresser au-dessus de nous. Prestement, je me retournais pour tenter de : « Attends, Crabe ! » Mais il n’en fut rien. Un nouveau faisceau de lumière s’abattit. L’instant suivant, nous voilà submergé par les flots. Mes paupières instinctivement fermées se rouvrirent pour découvrir que nous nous trouvions sous l’océan. « Est-ce que… Nous sommes des sirènes ! » Enfin, l’un de nous deux était sirène et l’autre triton… J’étais la sirène et toi le triton ! Je jubilais ! Le crabe avait jugé ton châtiment trop plaisant et donc révisé. Je l’en remercierais presque. Presque parce que cette inversion fut quand même la conséquence de son mauvais sort. J’ôtais juste présentement que dans ma jouissance, je te tenais encore tout serré contre moi…

Choqué de tes propos, je n’eus pas le temps de répondre. Quand est-ce qu’une telle rumeur avait vu le jour ? Pourquoi ? Perturbant à souhait, la suite des événements ne semblait pas jouer en ma faveur. Encore une fois, cette lumière éblouissante nous frappait et lorsque j’ouvrais les yeux de nouveau c’était avec stupeur que je constatais que je me trouvais entre deux choses parfaitement énorme. Mes yeux s’ouvraient en grand, ne comprenant rien jusqu’à ce que ta voix résonne. Enfin plutôt, n’hurle dans mes oreilles. Pourquoi ta tête était-elle aussi grosse ? Mais je prenais vite conscience d’une chose : tu n’étais pas plus grande… J’étais plus petit ! Minuscule même ! Un cri m’échappait, ressemblant à s’y méprendre à celui de l’animal dont j’avais le corps. « Non ! Le corps parfait ! » Criais-je avant de voir que je me trouvais toujours contre celui-ci. Alors ces deux bosses parfaitement rondes devaient être… Levant un regard malicieux vers ton visage, je profitais de ma taille pour me faufiler sous tes vêtements et y rester. Jamais plus je ne sortirais de là ! C’était ma nouvelle maison. « Merci craaabe » soufflais-je en m’enroulant exactement sous ton sein, seul endroit que tu ne pouvais voir bien que le bout de ma queue dépassait sur ton sternum. Certain d’être en sécurité, tu pouvais certainement sentir ma minuscule petite langue profiter parfaitement de la situation pour lécher ta peau de velours. Le paradis sur Terre vous dis-je !

Sans doute fus-je trop heureuse de renouer mon corps pour prêter attention à la petitesse de ce boulet d’un imbécile heureux en toutes circonstances : pour preuve, te voilà qui abusais encore de ma poitrine ! Je tressaillis à le sentir filer sous mes vêtements. Mon dos se cambrant sous ce contact indécent, je vis d’autant plus rouge la caresse de cette vermine à la langue pernicieuse se délecta de ma peau. Entre mes doigts, j’attrapais fermement le bout de ta queue et l’extirpais sans ménagement de ta cachette. M’avais-tu prise pour un manchot à ne pas avoir de main pour te chasser de là ? « Tu veux mourir ? » Je grondais. Te tenant par la queue, tête à l’envers, entre mes doigts pincés. Ma main libre, de l’index pointé sur ton corps minuscule, j’approchais. « Je pourrais t’éventrer d’un seul ongle, d’ailleurs, je ne sais même pas ce qui me retient maintenant ! » De mon ongle, je longeais ta silhouette, menaçante, lorsqu’une voix grave et cynique vint nous interrompre. « Bien le bonsoir, on peut vous aider… ? » Mon attention se tournant dans la direction dont elle provenait, je découvris cinq poiscailles plus ou moins humanisé à la dégaine peu engageante. Pris au creux de ma main, je te rapprochais de mon visage afin de te murmurer discrètement : « C’est moi ou c’est type ont des gueules de pirates malfamés… » Du cache-oeil à la jambe de bois, en passant pas les chicots pourris et les tricornes, ils en avaient bien tous les attributs clichés et typique en tout cas.

Un instant je me croyais en sécurité, totalement imaginaire, je sentais tes doigts attraper ma queue. Je me retournais en criant avant de gigoter devant tes yeux tel un animal pris au piège. Ton ongle menaçant m’amenait à bouger d’avantage, désireux de vivre un peu plus longtemps lorsqu’une voix venait sauver ma vie… Mais son propriétaire n’était pas du tout rassurant ! Sauvé de la mort temporairement, tu m’approchais de ton visage et j’en profitais pour grimper sur son épaule, tel un perroquet sur l’épaule de son capitaine pirate. « Je sais pas qui me fait le plus peur… » Soufflais-je avec honnêteté au creux de ton oreille. Je me dressais sur mes pattes arrière bien que ma queue rendait les choses bancales, toisant les poissons du regard avec les bras croisés sur mon torse. « Poissons, poissones ! »  commençais-je avant de retomber sur mes quatre fers, l’air suppliant d’un coup. « Vous connaissez un moyen de redevenir humain ? … Sans l’être à moitié. » Je voyais bien l’utilité de préciser vu leur dégaine, à croire qu’ils s’étaient louper en faisant la manœuvre… Un grand silence régnait avant qu’ils ne se mettent à rire comme si je venais de raconter la blague du siècle.

Que tu en doutes m’offensa presque ! Entre ses brigands et ma personne, j’espérais bien être celle dont être dont tu redoutais le plus le courroux ! Certes, je ne possédais leur apparence peu ragoutante mais justement ! Ma colère égalait ma beauté ! Tout comme ton absence de charisme égalait présentement la tienne. Parce que oui, je ne te le dirais probablement jamais, mais les traits de ton visage m’apparaissaient digne d’un prince charmant. En homme-poisson tu aurais pu être très séduisant si tu n’avais pas été apparemment croisé avec une crevette. L’hilarité grasse de nos interlocuteurs provoquée par ta piètre performance, les mains sur les hanches, je m’apprêtais à les rappeler à l’ordre, lorsque le meneur de bande répondit à mon impatience : « Pourquoi vous rendre humain quand on peut vous vendre plus cher comme ça ? » Vendre ? Me vendre ? Je ne croyais pas mes oreilles entendre ineptie pareille ! « Enfin, toi, tu vaux pas grand chose… » Il te désignais, toi et ta petitesse avant de s’adresser à ses compères : « Attrapons-les ! » Non mais, ils s’imaginaient quoi là ? « Parce que vous pensez pouvoir me capturer ??? » Et telle Méduse, d’un seul regard, je les changeais en statut de pierre. « Non, mais ! » Moi, Zhang Hera, une marchandise ? À moins de posséder le monde, nul ne saurait m’acquérir ! Et non, pas même ton subjuguant sourire ! Certainement pas !

Choqué de leur propos, ma bouche s’ouvrait sans qu’un son n’en sorte. Moi ? Aucune valeur ? « Je suis délicieux grillé vivant avec une sauce soja et assaisonné avec des épices ! » m’offusquais-je avant de me rendre compte de mes propos. Venais-je de leur demander de me griller vivant pour ensuite être mangé ? Alors que je me giflais mentalement, tu te permettais de les changer en pierre… Me convaincant alors que je ne devais t’énerver sous aucun prétexte. « Et on fait quoi maintenant ? » demandais-je alors que je quittais ton épaule pour nager vers eux et bouger les fesses sous leur nez sans qu’ils ne puissent faire quoi que ce soit. Moi ? Enfant ? Jamais de la vie voyons ! « Si y a du trafic de… » Je te regardais de haut en bas avant de continuer ma phrase. « Sirène, tu ferais mieux de mettre un truc pour te cacher. » Avec difficulté et surtout lentement parce que non habitué à ce corps, je nageais vers ce qui semblais être des algues. « Ça ! Mets ça le temps de trouver mieux ! » Si ces types avaient des jambes en bois et tout l’attirail, c’est qu’il devait y avoir des endroits où trouver des tenues. En attendant… Il fallait bien faire avec les moyens du bord.

A t’entendre t’offusquer, ma main me démangea. Soit de me facepalmer, soit de t’envoyer valdinguer d’une pichenette. Tu eus de la chance que j’avais mieux à faire de ses brigands. Bien qu’à te voir t’amuser sous leur nez de granit, je m’interrogeais quant à mon erreur de ne pas éjecter avant. Mon dépit ne fut que renforcer lorsque tu prônas ta brillante idée de me déguiser en algue géante mouvante : « En fait, ton cerveau est a rapetissé avec tout le reste… A quel moment tu as imaginé des algues pouvoir cacher ça ?! » J’agitais ma queue de poisson qui de toute façon, ne passerait jamais inaperçue. « Et puis, il est hors de question que je me cache comme une fugitive ! Nous n’aurons qu’à être discret… » Ma phrase en suspend, je te jetai un regard en coin septique. « Enfin, si tu en es capable. » J’en doutais assez. Heureusement finalement que tu étais devenu si petit, cela limiterait peut-être les dégâts. Peut-être. J’aperçus alors au loin des panneaux d’indications et commença à nager dans leur direction, me retournant ensuite pour vérifier que tu suivais bien. Te sentant vaguement à la peine, je t’attrapais et t’invitais à te nicher dans mes cheveux où tu trouverais bonne prise. En route, j’ajoutais : « Et pour info, tu n’as pas besoin d’être grillé pour être à croquer. » Non, je ne rougissais pas de cet aveu.

Commentaires que je ne relevais pas, proposition rejetée. Je me sentais un peu comme une chaussette dont la paire avait pris un voyage à Bora Bora : inutile. J’attrapais un morceau d’algue entre mes minuscule dents pour le manger, réaction instinctive de mon corps, incapable de le contrôler c’est en sentant ce gout immonde dans ma bouche que je le recrachais. « Je sais être discret ! » criais-je aussi fort que possible pour que ma voix atteigne tes oreilles déjà si loin. Je me mettais en marche, enfin en nage, vers toi, ondulant mon petit corps dans l’eau. Bien que difficile, on pouvait dire que je commençais un peu à m’habituer mais tu semblais clémente. Assez pour me porter dans tes doux cheveux de sirène, alors je m’y attachais comme je le pouvais avant d’ouvrir en grand les yeux sous l’étonnement. « Je savais que t’aimais ma longue queue. » répliquais-je sérieusement. Je parlais bien entendu de ma queue de triton, l’autre étant… L’autre étant où d’ailleurs ?! Je baissais la tête pour voir ce qui restait de ma... de mon...

Je lâchais prise soudainement, l’air triste. Replié sur moi-même alors que ma fierté en prenait un coup. J’aurais pleuré… Si j’avais pu. Mais même ça je ne pouvais pas. Il n’y avait plus rien… Pas même un petit bout proportionnel à ma taille… Rien du tout… Pourquoi ? Etait-ce mal d’aimer se cacher dans une jolie paire de seins ? Je jetais un regard vers toi puis vers les panneaux, l’air déprimé. Pire qu’une amoureuse dont le copain venait de la plaquer, pire qu’un cookie sans chocolat, pire encore qu’Overwatch sans avoir de Mercy. Pire que tout ! Je venais de perdre mon bien le plus précieux. « Je veux retrouver mon corps… » Soufflais-je soudainement d’une voix basse, certain qu’une fois en humain je pourrais de nouveau avoir le loisir de vivre ce genre de choses.

Pourquoi t’avais-je lâché ce compliment ? Je le regrettais aussitôt après l’avoir prononcé et t’entendre sortir une telle stupidité. Il y avait vraiment des pichenettes qui se perdaient. Si de toi-même tu n’avais pas lâché, je t’aurais chassé de ma chevelure. Puis, je te fis t’apitoyer sur ton sort. Tu étais vraiment long à la détente, non ? C’était maintenant que tu prenais conscience du corps qui était devenu le tien présentement ?  « Crois-moi, tu n’es pas le seul ! » Je n’avais peut-être rien perdu de ma beauté mais je n’aspirais pas à vivre toute ma vie sous l’océan avec pour compagnon un triton. Et surtout pas cette version du triton. Encore, tu te serais transformé en Apollon des océans peut-être aurais-je revu mon jugement, mais là… Bon, concentrons-nous plutôt sur les panneaux de directions. L’un indiquait Chez Swag, non qui me rappelait fort celui de ma tortue. Sur le second s’inscrivait : Au bon Kraken. Lequel devrions-nous suivre ? Pas le temps d’en décider qu’un courant soudain vint nous emporter pour trancher la question :



Réussite : Direction Chez Swag.

Échec : Au bon Kraken.