Si Hoon est rentré dans la chambre de Jia sans toquer, ce n’était pas avec des pensées étranges ou tordues. Déjà, il ne pouvait pas savoir qu’elle serait seule dans sa chambre et en plus, il venait juste de terminer le livre qu’elle lui avait conseillé il y a des jours et sous l’émotion de la fin, il avait violé la règle interdisant de rentrer dans l’aile des filles. Bon, honnêtement, cette règle il ne la respectait pas souvent. Principalement parce qu’il considérait que la chambre de Athena était la sienne aussi, quand il n’y avait pas ses colocataires. Puis, de toute façon, peu de gens respectaient vraiment cet interdit.

Bon. Toujours est-il qu’en ouvrant la porte en furie et en voyant Jia, près de son lit, il réalisa que c’était pas la meilleure approche envers une fille qui était déjà plus que méfiante à son égard. Du coup, comme un imbécile – il fallait admettre qu’il agissait souvent comme un idiot – il referma la porte, toqua, et rentra une seconde fois sans attendre de réponse. C’était complètement stupide. Certes. Mais ça lui donnait bonne conscience. « Salut ! », s’exclama t-il comme s’il arrivait en terrain conquis. « Désolé mais ça peut pas attendre, il faut que je te parle de la fin de ce livre ! » s’exclama t-il, sans être désolé du tout, en montrant le livre qu’il avait dans son autre main et en s’approchant de la jeune femme. Mais avant de se lancer dans son discours de lecteur scandalisé, son regard fut attiré par l’espèce de sac/valise que Jia était vraisemblablement en train de remplir avant qu’il ne pénètre dans sa chambre comme un sauvage. « Tu pars quelque part ? » demanda t-il soudainement, perdant le fil de ce qu’il voulait dire de base.

Jia Xin sortit son sac à dos de randonnée. Ce soir, elle allait enfin pouvoir retrouver le calme et les étoiles. Elle adorait partir en bivouac comme ça, toute seule, et être entourée par la nature. Ça ne l’effrayait pas, contrairement à certaines qui criaient dès qu’elles voyaient un insecte. L’étudiante, assise sur son lit, revoyait tout son attirail. Et puis, d’un coup, la porte s’ouvrit, la faisant sursauter. Qui entrait comme ça sans toquer ? Tournant la tête, son regard noir se posa sur… Hoon. L’étudiante souffla discrètement par le nez, prête à lui demander ce qu’il faisait là mais il sortit de lui-même, refermant la porte. Il toqua et entra de nouveau, sans même avoir attendu sa réponse. Tout ce cirque la fit légèrement sourire, amusée par l’attitude de l’étudiant. « Bonjour. » Répondit-elle, le plus neutre possible. « Ça ne peut pas attendre ? » Demanda-t-elle en se focalisant de nouveau sur ses affaires. Elle s’arrêta de nouveau et leva la tête vers Hoon. « Oui. » Répondit-elle en se levant, s’approchant de lui. « Et ça ne te regarde pas. On parlera du livre plus tard. » Dit-elle en le fixant droit dans les yeux. « Donc… Tu peux y aller. » Ajouta-t-elle. Elle n'avait vraiment pas envie de répondre à ses questions sur ce qu'elle faisait, et où elle allait.

Ça aurait été plus surprenant de voir Jia être enjouée à l’idée de lui parler que de la voir avec son air impassible sur le visage. Pour être honnête, il s’était tellement habitué à ça qu’il le remarquait à peine – il mettait toute son attention plutôt sur les légers sourires en coin qu’elle faisait de courtes secondes avant de reprendre son expression habituelle. Il crut d’ailleurs en voir un sur son visage quand il pénétra dans la chambre pour la seconde fois, mais comme il avait enchaîné plusieurs actions, il n’avait pas pu être attentif. Il faillit répondre bien sûr que non, ça ne peut pas attendre ! à la question mais comme le sac de la jeune femme avait attiré son attention, il ravala sa réponse. De toute façon, elle devait bien se douter qu’il n’était pas le genre de personne à attendre, sinon il ne serait pas rentré en furie dans une chambre qui ne lui appartient en rien. Il regarda fixement la jeune femme, perdant un peu son sourire tellement il était décontenancé. Elle était plus froide avec lui que d’habitude, non ? Est-ce qu’il s’était passé quelque chose ? Elle avait reçu une mauvaise nouvelle qui l’obligeait à quitter le dortoir quelques jours ? Le décès d’un proche ? Il s’imaginait déjà des dizaines de choses. « Comment ça ça ne me regarde pas ? Si tu m’obliges à partir, je peux au moins connaître la raison ! » dit-il finalement. C’était la meilleure excuse qu’il avait trouvé pour savoir de quoi il s’agissait. Comme toujours, ce n’était pas du tout une bonne excuse. « Ce n’est pas quelque chose de grave au moins ? Tu vas bien ? » Il enchaînait les questions, pile comme elle le détestait. En même temps, il fallait bien qu’il pose des questions puisqu’elle ne lui disait jamais rien d’elle-même.

Jia Xin n’aurait pas dû être étonnée en voyant Hoon débarquer dans sa chambre telle une furie. Mais elle l’était tout de même. Qu’avait-il de si important à lui dire pour qu’il arrive dans un tel état ? Ah, il voulait parler du livre. Il l’avait aimé tant que ça ? ça lui faisait plaisir mais ça, Jia allait le garder pour elle. Elle fronça les sourcils en le regardant. Il était bien décidé à s’immiscer dans sa vie. Mais pas aujourd’hui. Oh non, l’étudiante avait vraiment besoin et envie de ce calme, de ce silence. Elle voulait être seule, ce soir. Pouvoir profiter des étoiles, seule. Et ne pas être embêtée par Hoon et ses mille questions. D’ailleurs, elle le regarda sans rien dire, croisant les bras et attendant qu’il termine de parler pour pouvoir en placer une. Pourquoi ne lui laissait-il jamais le temps de répondre ? Ah oui, peut-être parce qu’il n’obtiendrait pas beaucoup de réponses… La sango haussa les sourcils, surprise. Quelque chose de grave ? Qu’est-ce qu’il s’imaginait là ? « Quoi ? De grave ? » Répéta-t-elle, clignant des yeux. Son cœur s’affolait un peu. Elle ne s’était pas attendu une seconde qu’il puisse s’inquiéter pour elle alors qu’il ne la connaissait pas et qu’elle le rembarrait la majorité du temps. Ça la touchait bien plus qu’elle l’aurait imaginé. « Rien de grave, Hoon. Tout va bien. Je vais bien, ne t’inquiète pas pour moi. » Dit-elle doucement avant de faire volte-face et de retourner près de son sac à dos. Elle devait le finir avant l’arrivée du bus. « Ecoute. Je… pars juste me balader en forêt. Toute seule. » Dit-elle, insistant bien sur le toute seule. Mais, ça, l'étudiante avait bien compris que ça ne serait pas possible de le rester.

Hoon ne comprenait pas pourquoi elle se comportait ainsi s’il ne s’agissait de rien de grave. Elle avait l’air extrêmement pressée, bien plus que toutes les fois où elle lui avait déjà fait comprendre qu’elle n’avait pas de temps pour lui. Et tout ça, c’était juste pour partir seule en forêt ? Il la regarda quelques secondes sans rien dire. Il ne s’était pas vraiment inquiété pour rien. Comment un petit bout de femme, comme ça, pouvait partir seule en forêt sans aucune peur ? Même sans parler du fait que c’était une femme, ce n’était rassurant pour personne. Ni lui, ni son meilleur ami, absolument personne serait rassuré dans de telles conditions. « Mais, comment ça te balader en forêt ? Tu n’as pas besoin d’habits pour juste te balader ? » dit-il finalement, perplexe. « Tu comptes dormir en forêt ? Seule ?! » Il ne pouvait ni cacher la surprise, ni l’inquiétude qu’il ressentait. La forêt, ce n’était pas du tout un endroit sans danger. En fait, c’était autant dangereux que Séoul en pleine nuit, dans les quartiers les plus crains, pour une jeune femme. Ce n’était même pas parce qu’il était peureux qu’il pensait ainsi, il avait juste entendu des histoires qui ferait comprendre à n’importe qui que les voyages seuls à l’extérieur pouvaient amener des choses vraiment indésirables. « Mais pourquoi tu fais ça ? Tu n’as personne pour t’accompagner ? » Il était vraiment perplexe. Il ne comprenait pas du tout.

Jia Xin soupira. Définitivement, elle ne pourrait pas partir si elle ne lui disait pas. Elle leva les yeux vers lui et ancra son regard au sien. « Oui, dormir, seule, en forêt. » Répondit-elle en reportant rapidement son attention sur ses affaires. Elle n’avait pas le temps de traîner. Elle devait prendre le bus dans une demi-heure et rien n’était vraiment prêt. Surtout qu’Hoon la retardait avec toutes ses questions. Elle ne pouvait pas se concentrer sur ce qu’il lui restait à mettre, et elle ne savait même plus ce qu’elle venait de vérifier avant son entrée. L’étudiante souffla par le nez son agacement et tourna de nouveau la tête vers le sango. « Non, je n’ai personne pour m’accompagner et ça me va très bien comme ça. Je n’ai besoin de personne. » Dit-elle en tentant d’accrocher sa tente à son sac à dos. Mais les fils lui résistaient. « Ecoute. J’aime me balader seule. Dormir toute seule dans la forêt. Et observer les étoiles. Dans le silence. Au calme. Maintenant que t’es au courant, tu peux me laisser me préparer ? » Demanda-t-elle, tout en s’agaçant contre les fils de son sac à dos qui avaient décidé de se bloquer et de ne pas se détendre. Super. Elle posa la tente sur le côté. Tant pis, elle la prendrait à la main si elle n’arrivait pas à l’accrocher dans le bus. Elle s’occupa de revérifier une énième fois son attirail.

Jia Xin était soit inconsciente, soit stupide pour Hoon. Il optait silencieusement plutôt pour la première option. Même si elle gardait quasiment toujours le même visage et qu’elle ne parlait pas beaucoup, à force de la côtoyer, Hoon avait étonnement appris à la connaître. Elle adorait le silence, détestait quand il lui posait dix milles questions, passait beaucoup de temps à lire et était une personne très solitaire et très calme. C’était son total opposé à quelques détails près. Ainsi, pour quelqu’un comme elle, bien sûr que regarder les étoiles en pleine nuit, dans le silence de la forêt, était une option intéressante et plaisante. Cela n’enlevait pas pour autant les risques. Sans parler des risques de croiser quelqu’un mal intentionné, il pouvait lui arriver n’importe quoi – se blesser, par exemple, tomber – et en étant seule, dans une forêt sans réseau, les circonstances pouvaient être terribles. Si Hoon n’était pas un garçon qui réfléchissait beaucoup avant d’agir, il avait tendance à beaucoup plus penser aux risques quand cela concernait quelqu’un qu’il appréciait. Et il appréciait Jia. Il réfléchit quelques secondes à ce qu’il devait faire. Il ne serait pas tranquille de savoir que Jia serait toute seule, toute la nuit, dans un endroit isolé. D’un autre côté, il était évident qu’elle n’attendait de lui que son départ. Ça faisait bien longtemps qu’il avait oublié la raison pour laquelle il était venu dans la chambre. « Mh… est-ce que je peux t’accompagner ? » L’idée n’était pas de s’imposer, même si au fond il allait le faire. Il ne voulait pas ordonner à Jia de venir avec elle, mais il y avait peu de chance pour qu’elle arrive à le convaincre de ne pas le faire maintenant. « Je te promets de ne pas parler puisque tu veux du silence mais… en te sachant seule dans un endroit autant isolé, je pense sincèrement pas pouvoir rester serin, tu vois ce que je veux dire ? » Peut-être qu’elle ne voyait pas, songea t-il. Après tout, elle était solitaire. « Je veux dire par là que ça m’inquiète de te savoir toute seule. Et en disant ça, je ne sous-entends pas que tu as besoin de quelqu’un parce que tu es incapable de survivre seule. C’est juste que les accidents arrivent vite et qu’en étant seul, ils peuvent avoir des conséquences beaucoup plus graves. » Pour une fois, Hoon était sérieux. Ça n’allait sans doute pas durer très longtemps, en revanche.

Jia Xin ne s’attendait pas à le voir partir à sa demande. Oh, à force, elle commençait à bien le connaître. Il n’allait pas la laisser tranquille, pas de suite. Il était tenace, et se moquait bien qu’elle le rembarre tout le temps. D’ailleurs, parfois, l’étudiante se demandait s’il n’était pas un peu masochiste… Enfin, bon, elle n’était pas non plus horrible avec lui. Mais pas des plus sympathiques. Et il continuait de venir la voir. Lui poser des questions. Trop de questions. Elle avait toujours l’envie folle de lui coudre les lèvres pour ne plus l’entendre. La sango écarquilla les yeux à sa proposition. « Quoi ? Non ! » S’indigna-t-elle. Et son silence ? Son calme tant attendu ? Jamais elle ne l’aurait s’il était à ses côtés. Et puis, elle l’avait toujours fait toute seule. Pourquoi cela devrait changer aujourd’hui ? Non, hors de question, et c’était catégorique pour la jeune femme. Mais ça l’était aussi du côté de Hoon et elle le savait. Il allait finir par l’accompagner, elle en avait bien conscience. Cependant, Jia Xin allait tout de même tenter de l’en dissuader. « Toi ? Ne pas parler ? » Dit-elle avec un sourire amusé, pouffant presque de rire. Impossible. « Hoon… Je l’ai déjà fait un bon nombre de fois. Toujours toute seule. Et je suis toujours en vie. » Peut-être que ça l’inquiéterait encore plus de savoir ça… Mais elle n’avait pas besoin d’être chaperonnée. « Je serais prudente. Je te le promets. » Ajouta-t-elle avant de regarder rapidement l’heure sur son téléphone. Elle fronça les sourcils. Elle allait finir par vraiment louper son bus si elle continuait de discuter avec lui.

Même si elle n’avait pas dit non avec autant d’insistance, il aurait bien compris qu’il était indésiré par la jeune femme. Pas besoin d’être aussi sèche. Enfin, Hoon était habitué à ça et il n’avait pas proposé sa compagnie en s’imaginant qu’elle en serait enchanté. Il savait juste qu’il avait raison et que c’était dangereux, beaucoup trop risqué pour qu’elle y aille seule. Les arguments qu’elle enchaîna n’eurent pas vraiment d’effet sur la ténacité de Hoon. « Tous les gens à qui il arrive de malencontreux accidents disent avoir été prudent mais ne pas avoir pu contrôler la situation. » répondit-il simplement. Pas besoin d’en dire plus, elle avait sans doute compris où il voulait en venir. « Et je sais me taire ! Avec toi je ne me tais pas sinon tu ne parles pas non plus et du coup, personne ne parle. Si personne ne parle, je ne peux pas apprendre à te connaître. Mais autrement, je sais me taire. » Ce n’était pas un mensonge, il savait se faire plus ou moins silencieux. Plus ou moins, là était la nuance. Il finirait toujours par prendre la parole, par dire quelque chose d’inutile sans forcément attendre de réponse avant de se taire de nouveau. Il était de nature bavarde et expressif, après tout. Ça ne signifiait pas pour autant qu’il était forcément toujours très bavard et ennuyant. Il savait s’adapter. « Je te promets que je serai silencieux et je t’autorise à me frapper si je parle trop. » Après tout, il avait l’habitude d’être frappé – paie tes meilleurs amis. « Je n’ai pas comme objectif de pourrir ta vie, tu sais. » rajouta t-il finalement, plus bas. C’était sincère et il tenait à le préciser. Elle pouvait s’imaginer qu’il la collait et lui parlait autant pour l’embêter et l’énerver mais c’était loin d’être son objectif.

« Je ne vois pas ce qu’il pourrait m’arriver. » Répliqua-t-elle. Oh si, elle savait très bien. Elle pouvait se perdre, se tordre la cheville, glisser et tomber n’importe où, se retrouver face à un parfait inconnu complètement psychopathe ou même à un animal dangereux. Mais, que voulez-vous, elle aimait bien trop regarder les étoiles et avoir le calme pour ne pas y aller, malgré les dangers. Folle ? Peut-être un peu. Insouciante ? Oui et non. Elle resta neutre face à la réponse de Hoon. Il était donc capable de se taire. Mais s’il ne le faisait pas, c’était pour la faire parler et apprendre à la connaître. Si elle était bien décidée à ne pas céder, sa détermination commençait petit à petit à s’effriter. Et puis, Jia Xin finit par soupirer, vaincue. « D’accord. » Souffla-t-elle. A quoi bon lutter ? Qu’elle lui dise non ne changerait rien. Et il serait bien capable de la suivre pour ne pas la laisser toute seule. Autant l’autoriser à venir tout en ayant le silence. Et l’étudiante fronça les sourcils. Non, il ne lui pourrissait pas la vie. Certes, il l’agaçait, la faisait râler, soupirer, rouler des yeux. Mais non, il ne lui pourrissait pas la vie. Elle ne le détestait pas. « Je ne te déteste pas, tu sais ? » Souffla-t-elle en le regardant, se pinçant les lèvres, avant de détourner le regard et de reprendre ses préparatifs. « Tu as déjà fait du bivouac ? Du camping ? » Demanda-t-elle. « Le bus est dans 15 minutes. Tu as une tente, un duvet ? De bonnes chaussures ? » Questionna-t-elle encore.