Complètement essoufflé, il prit d’une main tremblante l’eau qu’elle lui tendit. Il but quelques gorgées et reprit sa respiration assez rapidement, Dieu merci. Il ne pensait pas qu’il ferait autant d’efforts sportifs en une soirée et il aurait préféré ne pas les faire. Mais il ne regrettait pas de ne pas avoir fait demi-tour quand elle lui avait proposé. Honnêtement, il aurait passé sa nuit à s’inquiéter pour elle s’il l’avait su loin de tout réseaux et de toute vie sociale pendant une nuit entière. Non pas qu’il était très utile en étant présent, cela dit. « Okay, tranquille, une montée » dit-il d’une voix qu’il voulait désinvolte mais avec une part de lui qui criait encore une, alors que ce n’était que la deuxième. Il avait mal aux pieds, mal aux chevilles, il était fatigué et il commençait à faire vraiment frais. Il n’avait aucune idée de l’heure qu’il était mais il voyait bien aux couleurs que le soleil ne tarderait pas à bientôt se coucher et il n’avait absolument aucune envie de s’imaginer à quoi pouvait ressembler une foret épaisse et un sol glissant en pleine nuit. « Allez, on enchaîne ! » dit-il, plus par peur de devoir avancer de nuit que par réelle envie d’aller plus loin. De toute façon, il avait déjà réussi une montée, pourquoi n’arriverait-il pas à faire la deuxième ? Il essayait de se convaincre comme il le pouvait alors qu’il s’engageait dans la deuxième pente, manquant plusieurs fois de glisser. Ce fut à mi-chemin, cela dit, qu’il sentit le plus gros déséquilibre. Sa semelle n’était pas faite pour la terre un peu humide et il se sentit dangereusement pencher en arrière.

Réussite : il frôle la chute mais se rattrape miraculeusement à l’arbre, juste à temps, pour ne pas tomber.
Échec : il essaie de se tenir à l’arbre mais sa main râpe contre l’arbre. Si ce n’est une petite blessure à la main, il n’a aucune autre blessure et il va très bien. Il est juste sale, parce qu’il est sur un sol… sale.

Jia Xin proposa de l’eau au sango. Il semblait exténué mais, l’avouer, ça ne semblait pas être dans ses cordes. En tout cas, ça amusait plutôt la jeune femme. Clairement, il n’était pas sportif. Et cette soirée allait lui donner d’affreuses courbatures. Il allait se souvenir de cette soirée, c’était certain. Alors qu’elle, c’était tellement habituel qu’elle ne sentirait rien demain. Mais, il était sûr qu’elle se souviendrait, elle aussi, de cette soirée. Elle qui allait tout le temps seul bivouaquer, elle était cette fois-ci accompagnée. Et d’un bavard, en prime. Mais, pour l’instant, ça allait. Jia Xin n’avait pas trop à se plaindre, surtout qu’elle répondait à toutes ses questions et lui confiait même des choses par elle-même. Finalement, ce n’était peut-être pas si mal. Reprenant la route d’un bon pas, elle annonça au sango qu’il ne restait plus grand-chose. Ils allaient bientôt arriver et l’étudiante pourrait monter la tente. Et lui, la sienne. Enfin, s’il en avait une… Elle n’était même pas certaine. Mais, Jia Xin n’avait pas envie de s’en préoccuper tout de suite. Elle se concentrait sur la montée, son regard scrutant avec attention le sol pour savoir où poser ses pieds. Elle s’arrêta subitement, se tournant d’un coup en entendant Hoon glisser. Elle le vit se rattraper de justesse à l’arbre. « Ça va ? » Demanda-t-elle, le regardant avec de grands yeux – presque inquiets – avant de froncer les sourcils. « Définitivement, tes chaussures ne sont pas faites pour ça. » Déclara-t-elle en secouant la tête avant de reprendre. Arrivée en haut de la pente, Jia Xin attendit Hoon. Elle s’engagea sur le chemin plat, d’une allure plutôt rapide. Elle savait qu’ils arrivaient bientôt et elle avait hâte. Très hâte. La clairière s’offrit enfin à eux, avec une vue dégagée sur Séoul et ses alentours. Elle s’avança sur le terrain, cherchant le meilleur spot et s’arrêta finalement à l’endroit trouvé. Elle déposa son sac et commença à chercher dedans sa tente. « Tu as bien pris ta tente ? » Demanda la jeune femme, levant la tête un instant vers le garçon avant de refourrer son nez dans son sac.

Hoon ne pouvait peut-être pas se vanter d’être un très grand sportif mais il pouvait au moins se vanter d’avoir de très bons réflexes. Sinon, comment serait-il parvenu à s’accrocher à l’arbre juste à temps ? Même lui était surpris d’avoir su le faire malgré la fatigue. Il était plein de talents cachés, bien que le mieux aurait été de ne pas glisser tout court. « Oui oui, ça va très bien » dit-il en se remettant lentement de la frayeur qu’il s’était faite. Il se remit alors à avancer, bien moins sûr que Jia que le souci venait des chaussures et pas de lui. Lorsqu’il finit enfin de gravir la pente, il put apercevoir un chemin plat et il poussa un énorme soupir de soulagement. Elle ne lui avait pas menti en lui disant que c’était la dernière et tant mieux, car il savait qu’il n’échapperait pas à une chute s’il devait de nouveau monter ce genre de pente. Il regarda la jeune femme tourner en rond sans savoir qu’elle cherchait le meilleur spot et il ouvrit de grands yeux à l’entente du mot tente. « Une tente ? » Il ne savait pas ce qu’il y avait dans son sac, puisqu’il avait juste ordonné à son colocataire d’y rentrer tout ce qui pouvait être utile pour une soirée de camping, mais il doutait qu’il y ait une tente. Tout simplement parce que Hoon n’avait pas de tente dans ses affaires. Il fit quand même semblant pour ne pas s’attirer trop vite les foudres de Jia, comme un enfant qui essaie d’échapper aux crises de sa mère, et ouvrit son sac pour se mettre à fouiller dedans. Finalement, il dut se résigner et admettre qu’il n’y avait pas de tente. « C’est vraiment obligatoire, une tente, après tout ? » demanda t-il pour détendre l’atmosphère, sachant très bien que oui, c’était obligatoire, au moins pour lui qui ne pouvait pas dormir sans confort.

Jia Xin s’était inquiétée un court instant pour le sango. Elle l’avait entendu glisser et elle avait eu peur qu’il se blesse. Ce qui aurait voulu dire le raccompagner à la civilisation, l’emmener à l’hôpital et… ruiner sa soirée. Heureusement, il s’était rattrapé et il allait bien. Ouf, sa soirée était sauvée. Enfin… elle pourrait observer les étoiles, comme elle le souhaitait. Est-ce qu’elle aurait le silence et qu’elle allait passer une bonne soirée ? C’était une autre question. Mais pour l’instant, ce qu’elle se demandait, c’était où elle allait planter sa tente. Jia Xin parcourait la clairière, tournant en rond comme un chien qui cherche où dormir. A la différence que l’étudiante n’allait pas se rouler en boule à même le sol. Elle s’arrêta quand elle trouva l’endroit idéal, satisfaite et posa son sac à dos pour commencer à chercher sa tente. « Oui, une tente. » Dit-elle en fronçant les sourcils. Il ne savait pas ce que c’était ? On était très mal parti alors… Cette soirée s’annonçait folklorique. Elle mit la main sur sa tente et la sortit, commençant déjà à ouvrir la housse de protection. Elle s’arrêta, relevant la tête vers Hoon. « Non, pas forcément. Mais, tout dépend de toi… Et si tu acceptes de dormir à la belle étoile. C’est-à-dire, dormir alors que des petits insectes vont te grimper dessus, que des animaux peuvent rôder, et accepter de se prendre la rosée du matin. » Annonça-t-elle très sérieusement avant de mettre le nez dans le montage de sa tente. Elle ne l'imaginait pas du tout dormir à la belle étoile mais soit, peut-être qu'il la surprendrait. Elle déplia sa tente et commença à monter les arceaux.

L'idée que des insectes puissent lui grimper, que des animaux rôdent autour de lui et que la rosée lui tombe dessus lui était insupportable et c'était largement lisible sur son visage. Sa bouche s'entrouvrit, signe qu'il réalisait la bêtise qu'il avait commise en oubliant de prendre une tente. De toute évidence, jamais, absolument jamais, il ne serait capable de dormir sans une tente. Même dans une campe, il n'était pas convaincu qu'il puisse trouver le sommeil…. "Je…" commença t-il, sans savoir comment terminer la phrase. Je n'ai pas de tente ne semblait pas assez exprimer son désespoir mais Je n'arriverai jamais à dormir dans ces conditions lui paraissait un peu agressif pour quelqu'un qui avait choisi de venir ici en connaissance de cause." Mon coloc a oublié de mettre une tente dans le sac !" s'exclama t-il, reportant la faute sur l'autre, alors que de toute façon, il n'y avait même pas de tente dans sa chambre. "Je lui ai pourtant dit de mettre tout ce qui pouvait être utile…" dit-il en soupirant, avec un regard un peu suppliant pour que Jia croit en son manège sans se mettre en colère contre lui. Il n'était pas du tout convaincu que ça fonctionnerait mais c'était une sorte d'instinct de survie qu'il avait développé auprès de Athena. Au moins, le bon côté, c'est que même très en colère, il était presque sûr que jamais Jia Xin n'en viendrait aux coups avec lui…

Jia Xin voyait bien que tout ce qu’elle était en train de lister au jeune homme ne lui plaisait pas. Son visage se décomposait au fur et à mesure qu’elle parlait. La jeune femme l’avait pourtant prévenu, et lui avait même demandé à plusieurs reprises s’il était certain de venir. C’était tant pis pour lui. La sango soupira. « Bien évidemment… » Souffla-t-elle, n’y croyant pas vraiment en fin de compte. Mais soit. Il n’avait pas de tente. Jia Xin n’était pas méchante et n’allait pas le faire dormir dehors, même si l’idée lui plaisait quand même assez. Après tout, c’était tout ce qu’il méritait. « Tu n’avais qu’à faire ton sac tout seul comme un grand garçon. » Répliqua-t-elle en fronçant les sourcils, mécontente. « Dis-moi au moins que tu as un duvet et un matelas. Ça sera déjà ça… » Dit-elle en se relevant, laissant sa tente de côté. « Tu as de la chance que j’ai une tente 2 places. Tu pourras dormir dedans. » Informa-t-elle en le fixant, attendant qu’il vérifie qu’il ait bien un duvet et un matelas. S’il n’avait pas de matelas, elle ne pourrait rien pour lui et il allait se tuer le dos à dormir sur le sol. S’il n’avait pas de duvet… La jeune femme était débrouillarde, elle trouverait bien une solution. Mais elle priait pour qu’il en ait un. Au moins un duvet…

Bien entendu, la sango avait raison. Il avait demandé à son colocataire de faire son sac parce qu’il ne voulait pas quitter Jia, de peur qu’elle se barre sans l’attendre, mais ça n’était pas correct de demander à quelqu’un d’autre de faire ça, encore moins de lui reprocher ensuite un oubli dont il n’était pas coupable. Après tout, comment pouvait-il penser à mettre dans le sac une tente qui n’était même pas dans la chambre de Hoon ? « Un duvet et un matelas… ? » répéta t-il, l’air incertain et paniqué. Il replongea la tête dans son sac à la recherche désespérée d’au moins un des deux éléments. Heureusement, il finit par trouver un matelas et il eut un soupir de soulagement. « J’ai un matelas ! » s’exclama t-il en se demandant pourquoi il avait un matelas – il l’avait sans doute acheté pour une occasion particulière mais il ne s’en rappelait plus. « Pour le duvet par contre… mais bon, j’ai une couverture ! » dit-il en sortant du sac une couverture fine qu’il utilisait quand il trouvait qu’il faisait un peu frisquet dans sa maison chauffée.

Jia Xin priait pour qu’il ait un duvet et matelas. Surtout un duvet, d’ailleurs. Elle n’avait pas spécialement envie de partager le sien. « Oui, un duvet et un matelas. » Répéta-t-elle, perdant patience et se montrant légèrement agacée. Il n’aurait pas pu vérifier son sac avant ? La jeune femme le regarda fouiller son sac, espérant grandement qu’il trouve ce qu’elle venait de lui demander. Il sortit un matelas, et Jia Xin soupira de soulagement. Allez, plus que le duvet, et c’était bon ! Elle le regarda de nouveau chercher dans le fond de son sac et espéra voir un duvet sortir mais… Ce n’était qu’une couverture fine. Le visage de la jeune femme se ferma, devenant aussi neutre que d’habitude. Elle le fixa avant de tourner la tête, regardant ailleurs pour ne pas aller l’étriper. Elle inspira profondément et expira lentement et longuement. « Tu n’aurais pas pu vérifier ton sac avant ? Tu vas juste mourir de froid avec ça ! » Dit-elle, agacée. « Ce n’est pas suffisant du tout. » Ajouta-t-elle en secouant la tête. Mais, Jia Xin était débrouillarde. Elle allait bien trouver quoi faire au moment venu. Pour l’instant, ils allaient monter la tente. « Aide-moi à monter la tente. » Dit-elle, sans lui laisser le choix. Après tout, il allait dormir dedans alors il devait bien l’aider.

Le temps passait horriblement lentement. Est-ce qu’il pouvait juste fermer les yeux et se réveiller à l’aube ? Ça l’arrangerait énormément si c’était faisable. Il ne se sentait pas d’affronter la colère de Jia Xin et pourtant, elle semblait être de plus en plus remontée contre lui. Non pas qu’elle manquait de raisons pour l’être. Il avait imposé sa présence ici en garantissant qu’il serait silencieux et discret mais il lui manquait la moitié de ses affaires. « Je, euh, bah on était pressé alors… » dit-il, maladroit. La jeune femme avait souvent été froide envers lui, agacée, mais jamais vraiment énervée. C’était la première fois et il ne faisait pas le malin. Les filles pouvaient être particulièrement intimidantes lorsqu’elles étaient en colère. Il en avait fait les frais plusieurs fois, lui qui se frottait souvent à la gente féminine. « Il fait froid à ce point-là ?! » Il ne voulait pas y croire. Il ne pouvait pas y croire. « Je ne sais pas... » monter une tente. Mais il ravala la fin de sa phrase et se dirigea vers la jeune femme sans dire un mot supplémentaire. Et alors, s’il ne savait pas monter une tente ? Il improviserait sur le moment. C’était mieux que la mettre encore plus en colère…