Jia Xin contemplait silencieusement les étoiles. Elle était contente d’être là, et apaisée aussi. Même si Hoon était assis à côté d’elle, l’étudiante en oubliait presque sa présence. Il tenait sa promesse. Il se taisait et la laissait tranquillement observer le ciel étoilé. Mais, la sango brisa elle-même la promesse du garçon. Elle parla la première, le questionnant sur son savoir sur les constellations. Elle l’informa qu’ils voyaient l’étoile du Berger, que c’était la plus lumineuse. Et puis, le silence revint, laissant la nature s’exprimer de nouveau. Si pour certains il s’agissait d’une perte de temps, ça ne l’était absolument pas pour Jia Xin. C’était son passe-temps et s’il pouvait paraître étrange aux yeux des autres, c’était une habitude pour l’étudiante. Depuis son plus jeune âge, elle partait bivouaquer avec sa mère. Jusqu’à ce qu’elle tombe très malade et finisse par décéder… C’était elle qui lui avait donné goût au camping, à la nature, qui lui avait appris toutes les constellations. Et elle perpétuait ça, en mémoire à sa mère. Et parce qu’elle avait toujours pensé que, parmi les étoiles, sa mère était là. Elle était une étoile, là-haut, dans le ciel. Et elle l’admirait. Jia Xin se renferma aussitôt à la question de Hoon. Son visage changea, son sourire disparaissant. Elle reprit une expression neutre, celle que le garçon devait connaître par cœur. Elle resta silencieuse durant de longues secondes. « Ça ne te regarde pas. » Finit-elle par dire, se pinçant les lèvres et baissant les yeux. Elle n’avait pas envie d’en parler et encore moins avec lui. Elle ne parlait à personne de sa mère décédée. La seule au courant était Ji Ni. La sango releva la tête, regardant tristement les étoiles. Elle aurait aimé que sa mère soit encore là, qu’elle soit assise à ses côtés et qu’elles discutent, de tout et de rien.

La vie de Hoon avait toujours été remplie de chose. Remplie de l'amour de ses parents, remplie de l'amitié de ses amis, remplie des cadeaux de ses proches et de sa famille, remplie de l'argent de sa famille, remplie des statuts offerts par son nom de famille. Sa vie avait toujours été tellement débordante de choses qu'elle ne lui laissait pas vraiment la possibilité de découvrir d'autres choses. Pourquoi ce serait-il embêté à regarder le ciel quand il avait déjà des dizaines et des dizaines de choses à faire ? Peut-être qu'il s'était loupé quelque chose de magnifique toutes ces années, mais si Jia Xin ne le lui avait pas montré, il ne l'aurait jamais su. Sa question était donc pleine de l'innocence de sa réalisation mais elle n'avait pas été reçu comme telle. Il l'avait senti de suite, ce vent froid s'installer, ce poids soudain dans l'ambiance. Le sourire qui avait disparu sur le visage de Jia et sa réponse qui en disait long sur le changement d'ambiance. Il avait été surpris, en effet, mais n'insista pas. Pour une fois, il ressentait vraiment qu'il valait mieux taire son étonnement. Depuis toujours, il avait senti que Jia Xin était un iceberg qui ne montrait qu'une petite part d'elle. Sa théorie s'était confirmée en apprenant à la connaître mais il avait toujours su qu'il était loin de tout connaître d'elle, bien au contraire. Le sujet qu'il avait lancé par sa question innocente faisait sans aucun doute parti de ce qu'elle ne voulait pas montrer et il savait le respecter. "C'est vrai." répondit-il juste. Parce que c'était vrai : ça ne le regardait pas. Les deux n'étaient même pas si proches, même si Hoon aimait faire croire le contraire.

Jia Xin appréciait le moment, même si Hoon se trouvait à ses côtés. Finalement, il n’était pas si dérangeant que ça et puis, il tenait quand même sa promesse. Il avait tendance à parler, beaucoup trop parler pour elle. Mais cette fois-ci, il ne disait pas grand-chose. Il n’engageait pas la conversation, c’était l’étudiante qui le faisait. Puis, il posa la question. La question qu’il ne fallait pas lui poser. Mais, après tout, il ne pouvait pas le savoir avant de la lui poser. La sango se renferma aussitôt, son regard changeant, son sourire disparaissant. Ça ne le regardait pas, clairement pas, et la jeune femme n’hésita pas à le lui dire. Elle n’avait pas envie de parler de sa défunte mère. Jia Xin remercia silencieusement le garçon de ne pas insister. Ce n’était pas vraiment son genre, d’habitude, il aurait continué mais, il fallait croire qu’elle se trompait sur son compte. L’étudiante resta silencieuse, observant les étoiles. Le temps passait et la sango sortit son téléphone pour regarder l’heure. Ils ne verraient rien de plus maintenant. « C’est l’heure de dormir. » Prévint-elle. Jia Xin se leva et ouvrit la tente, récupérant son sac qu’elle mit au pied de son matelas. Elle referma la tente derrière elle. « Je me change. » Dit-elle, pour qu’il ne pense pas qu’elle le mettait à la rue. Elle se changea rapidement, rangea ses affaires et se faufila dans son duvet. « C’est bon. » Dit-elle simplement.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'ambiance avait changé du tout au tout. Même s'il n'avait pas insisté, le sujet n'avait pas été relancé et rapidement, la jeune femme lui indiqua qu'il était l'heure de dormir. Elle ne lui avait pas appris le nom des autres constellations, et n'avait pas le coeur à le faire. Hoon ne savait même pas si elle l'aurait fait de toute façon, mais il regretta un peu d'avoir posé sa question. Sans parler de la tension qui était devenue palpable, il avait l'impression d'avoir touché négativement Jia Xin. Il ignorait en quoi la question pouvait être blessante, ou faire du mal, mais il savait qu'elle ne l'aurait pas rembarré de cette façon si il n'y avait pas eu quelque chose derrière. Jia Xin était froide, certes, mais jamais méchante. Elle était patiente même quand elle était agacée du comportement de l'étudiant. Hoon se demanda à quel point il avait pu dire quelque chose de déplacé pour qu'elle ferme la tente en le laissant dehors. Pris au dépourvu pendant quelques secondes, il paniqua en s'imaginant rester dehors toute la nuit et s'apprêtait à s'excuser mais Jia Xin prit la parole pour lui expliquer qu'elle se changeait. D'un coup, un poids disparu et il soupira. "Ah, d'accord" dit-il, sincèrement rassuré. Il ne tenait pas à passer la nuit en dehors de la tente, déjà que même à l'intérieur, ce n'était pas le grand luxe. Il pénétra à l'intérieur de la tente quand elle lui fit signe qu'elle avait fini et resta immobile, assis, pendant quelques secondes. Visiblement, il fallait qu'il se couche, mais il n'avait pas de duvet et elle lui avait bien dit qu'il allait mourir de froid avec sa petite couverture. Il commençait à se comprendre ce qu'elle voulait dire par là. S'allongeant sur le matelas qu'il avait durement gonflé, il garda les yeux grands ouverts. "On.. doit dormir, donc" dit-il en murmurant, plus pour lui que pour Jia Xin. L'idée qu'il devait dormir dans de telles conditions lui paraissait inconcevable.

Jia Xin n’avait plus envie de lui apprendre les constellations. S’il ne lui avait pas posé la question, elle aurait été ravie de partager un bout de sa passion. Mais, la question du garçon l’avait complètement retourné. Penser à sa mère était douloureux. Alors elle s’était complètement renfermée, le rembarrant. Elle ne souhaitait plus discuter non plus et resta silencieuse à observer les étoiles. Puis, l’heure d’aller se coucher sonna. Jia Xin rentra la première dans la tente, fermant derrière elle. Elle n’avait pas spécialement envie de se changer devant l’étudiant. Elle le lui indiqua tout de même, qu’il n’aille pas s’imaginer qu’elle le laissait dormir à la belle étoile. Une fois changée, la jeune femme s’installa dans son duvet. Elle prévint Hoon qu’il pouvait maintenant rentrer. L’étudiante ferma les yeux mais les rouvrit en entendant le garçon à côté d’elle. Elle tourna la tête vers lui, regardant sa pauvre petite couverture. Il ne tiendrait pas la nuit avec ça… Jia Xin soupira et sortit de son duvet. Elle s’avança à quatre pattes jusqu’à son sac à dos et en sortit son plaid. Elle se tourna, revenant près de son duvet. La sango le prit et l’ouvrit entièrement, créant ainsi une couverture. Elle attrapa son plaid et l’étala sur Hoon et sur sa propre place. Elle fit de même avec le duvet et se faufila de nouveau sous les couvertures improvisées. La sino-coréenne ferma les yeux, prête à dormir cette fois-ci. Elle espérait qu’il n’allait pas la déranger.

Les yeux ouverts, le corps tendu, Hoon observait le haut de la tente comme un mort observerait le haut de son cercueil - s'il n'était pas mort. Maintenant qu'aucun des deux ne parlaient, il commençait sérieusement à entendre tous les bruits de dehors. Autant, les hululements des chouettes ne le dérangeaient pas, car il savait quel animal faisait de bruit, autant tout le reste l'inquiétait sérieusement. Il ne savait pas qui faisait ce bruit et il ne savait pas s'ils étaient en danger ou non. Et ne pas savoir s'ils étaient en danger ou non était suffisant pour s'imaginer être en danger. Sans parler de son matelas qui n'était pas du tout confortable, il faisait froid et il tremblait sous sa mince couverture. Il avait été un peu trop téméraire en suivant la jeune femme. Il ne regrettait pas parce qu'il n'aurait pas passé une meilleure nuit à s'inquiéter pour elle dans son dortoir, mais il ne pouvait pas dire que c'était une situation de rêve. Et même lorsque Jia Xin prit la peine de se relever pour partager son duvet et une couverture, il eut du mal à vraiment s'en réjouir. Il dit un "Merci" peu audible et l'observa se recoucher et fermer ses yeux de nouveau, décidée à vraiment s'endormir. Mais Hoon était absolument certain qu'il ne dormirait pas. Il ne pouvait pas dormir. Il avait l'impression d'être en danger et, en plus, il sentait des choses monter sur ses bras. Il passait son temps à se gratter, alors qu'il n'y avait absolument rien - son imagination lui jouait des tours.

Jia Xin ferma les yeux après s’être installée dans son duvet. Elle n’avait plus l’habitude d’avoir quelqu’un à côté d’elle durant ses sorties bivouac alors elle ouvrit aussitôt les yeux en l’entendant, même s’il n’avait pas parlé fort. L’étudiante tourna la tête vers Hoon, le regardant, avant d’observer un peu plus attentivement ce qu’il avait sur lui : uniquement une petite couverture. Il ne pourrait pas dormir avec ça. Il allait mourir de froid… La sino-coréenne soupira en se redressant. Elle quitta son duvet et l’ouvrit en grand après avoir récupéré son plaid. Elle installa les deux couvertures, de sorte qu’elles couvrent le garçon et elle-même. L’étudiante retourna sous les couvertures, bien au chaud, et ferma de nouveau les yeux. Au moins, elle n’allait pas l’entendre se plaindre d’avoir froid. Il était bien couvert maintenant et Jia Xin avait la conscience tranquille. Elle s’en serait voulu de le laisser dans le froid… Même si elle n’en avait pas l’air, elle se préoccupait quand même des autres. 10 minutes passèrent et Jia Xin ouvrit un œil pour voir si le garçon s’était endormi, ou non. Il ne fermait toujours pas les yeux. « Tu n’arriveras pas à dormir si tu gardes les yeux ouverts… » Dit-elle doucement, refermant les yeux. « Sauf si tu dors les yeux ouverts ? » Questionna-t-elle, fronçant les sourcils.

Les bruits extérieurs semblaient tantôt proches, tantôt lointains. Hoon était persuadé qu'ils se déplaçaient. C'était donc des animaux. Il aurait préféré se dire que c'était le vent, la pluie, ou même la neige, mais pas un animal. Autant, il adorait les chiens, et les chats, et les hamsters, et les chevaux, mais en dehors des animaux classiques que tout le monde aimait, ça lui faisait peur. Un sanglier ? Une biche ? Un cerf ? C'était peut-être mignon mais ça pesait des tonnes, mine de rien. Et face à Hoon, c'étaient eux qui gagneraient - déjà qu'une grande majorité d'êtres humains gagnait face à Hoon, alors un animal… Puis, c'était sans parler de son imagination qui lui faisait croire qu'une araignée marchait tantôt sur ses jambes, tantôt sur ses bras, tantôt sur son ventre. Il passait son temps à se gratter pour rien. Il devenait complètement paranoïaque alors même la remarque de Jia Xin, qui l'aurait fait rire en temps normal - l'idée qu'il puisse dormir avec les yeux ouverts lui paraissait comique - ne le fit pas rire. "Comment veux-tu que je ferme les yeux ? On peut être attaqué à tout moment…" dit-il, bien aveugle à la sérénité de Jia Xin. Si tout à l'heure, la voir calme lui permettait de rester calme aussi, ça n'était plus le cas du tout.

Jia Xin entendait le sango remuer à côté d’elle et se gratter sans cesse. Elle finit par rouvrir les yeux, le regardant, avant de lui dire que, s’il ne fermait pas les yeux, il n’arriverait pas à dormir. A moins qu’il dorme les yeux ouverts mais c’était franchement flippant et l’étudiante ne voulait pas se réveiller en pleine nuit et être face à son visage. Bruh, elle eut un frisson. La sango soupira en l’entendant. Elle se redressa sur un coude, observant l’étudiant. « Tu veux qu’on soit attaqué par quoi ? » Demanda-t-elle. « Il n’y a aucun animal dangereux et agressif dans les environs. Donc, il n’y a sincèrement aucune raison de s’inquiéter. » Dit-elle. « Et puis, je suis déjà venue plusieurs fois ici et jamais, jamais je ne me suis fait attaquer. Et ça n'arrivera pas d'aussitôt. Alors, vraiment, ne t’inquiètes pas et dors ! » Ajouta-t-elle avant de se rallonger sur son matelas. Elle ramena les couvertures jusqu’à son menton et ferma les yeux. Elle espérait qu’il allait arrêter de s’agiter et simplement la croire. Il ne se ferait pas attaquer. Tout allait très bien se passer, la nuit allait être paisible. Du moins, pour elle. Pour lui, c’était une autre histoire… Il n'allait pas l'obliger à l'assommer, quand même ?

Hoon entendait très bien les mots de Jia Xin mais il était incapable d'y répondre, ni d'y croire. Elle pouvait lui apporter toutes les preuves qu'elle voulait, pour l'instant, la peur prenait le dessus. Et il estimait qu'il avait le droit d'avoir peur car après tout, c'était sa première fois à dormir dehors au milieu de nulle part dans un endroit sans aucun réseau et entouré d'animaux. Ce n'était pas son domaine, il n'avait jamais rêvé de le faire et ne se l'était même jamais imaginé. Alors elle pouvait bien être la personne la plus rassurante du monde, au moment de dormir, les angoisses prenaient le dessus et Hoon, allongé comme un cadavre, savait qu'il ne dormirait pas de la nuit. Il somnolerait peut-être un peu à un moment mais il ne sera pas capable de s'endormir. Le moindre bruit le réveillera en sursaut. D'ailleurs, voir Jia se coucher avec tant de sérénité dans un tel contexte lui paraissait bien plus étrange que lui en train de paniquer. C'était normal de paniquer dans un tel contexte, non ? Soupirant pour la troisième fois, il continuait à garder les yeux grands ouverts, les balançant à droite, à gauche puis de nouveau à droite. A côté de lui, Jia Xin se faisait silencieuse.