Jia Xin n’avait pas eu peur la première fois qu’elle avait fait du bivouac. Peut-être parce qu’elle avait été avec sa mère et que rien ne pouvait lui arriver quand elle était là. Et puis, elle aimait les animaux, elle n’en avait pas peur, même en pleine nuit… L’étudiante laissa s’échapper un léger soupire d’entre ses lèvres, entendant encore le garçon à côté d’elle. N’allait-il pas se calmer et s’endormir ? Ou allait-il gigoter toute la nuit ? Apparemment, ses mots ne l’avaient pas rassuré… Et la sino-coréenne ne savait pas quoi lui dire de plus que : dormir. Elle se concentra sur les bruits en dehors de la tente et finit par petit à petit ne plus entendre Hoon. Le visage apaisé et calme, Jia Xin finit par s’endormir. Elle se tourna à de nombreuses reprises pendant son sommeil et puis, la sango se rapprocha de Hoon. Elle posa sa tête contre son épaule, toujours endormie, et passa son bras autour de lui, comme pour l’enlacer. Jia Xin se réveilla doucement, ouvrant les yeux. Elle cligna plusieurs fois des paupières et recula d’un coup en réalisant qu’elle était collée au sango. « Désolée. » Bafouilla-t-elle rapidement avant de se retourner et lui montrer son dos, tandis que ses joues rougissaient légèrement. Elle n’avait clairement pas l’habitude de ce genre de rapprochement.

Les minutes passaient lentement. Il n'avait aucune idée de l'heure que c'était et, comprenant au bout d'un long moment que Jia s'était endormi, il ne pouvait pas lui parler pour faire passer le temps. Donc, tantôt en se tournant à droite, tantôt à se tournant en gauche, il s'occupait l'esprit. Son coeur battait rapidement et il n'était pas du tout serein. Il avait l'impression qu'à tout moment, un sanglier pouvait foncer sur la tante et les achever tous les deux. Néanmoins, pour l'instant, rien n'était arrivé. Bougeant de nouveau pour se mettre de nouveau sur le dos, il observa le haut de la tante sans parvenir à fermer les yeux. Il poussa un nouveau soupir qui se transforma en gémissement de peur quand il sentit quelque chose le toucher. Cette fois-ci, ça n'était pas son hallucination et son coeur s'emballa davantage. Tournant lentement la tête sur le côté, même en comprenant que c'était Jia qui était littéralement en train de dormir contre lui, son rythme cardiaque ne ralentit pas. Pour une autre raison cette fois-ci. Incapable de bouger de peur de la réveiller, il resta de nouveau immobile comme un cadavre, la respiration entrecoupée. Pour le coup, il avait vraiment oublié les dangers de la forêt, mais il n'était pas plus à l'aise pour autant. Il sursauta de nouveau quand elle s'éloigna brutalement de lui. "T'inquiètes" répondit-il simplement, comme si la proximité soudaine entre les deux ne l'avait pas du tout dérangé. C'était totalement faux mais il valait mieux faire croire le contraire s'il ne voulait pas être viré de la tante de suite. Et de nouveau, à cette pensée, l'image d'animaux sauvages et dangereux ressurgit dans sa tête. Il n'avait pas une seule seconde de répis.

Jia Xin s’était endormie assez rapidement, n’entendant plus Hoon à côté d’elle et oubliant même sa présence en se focalisant sur le monde extérieur. La nature l’avait toujours apaisé, contrairement au sango qui était angoissé à l’idée de se faire attaquer. Elle ne savait définitivement pas par quoi mais, bon… Il avait de l’imagination. La sino-coréenne, endormie, se tournait, encore et encore sur son matelas, avant de venir se caler contre le garçon, inconsciemment. Elle resta ainsi plusieurs minutes et finit par ouvrir doucement les yeux, gênée par quelque chose. Elle réalisa rapidement contre qui elle se trouvait, et comment. Son cœur s’emballa. Jia Xin se recula brusquement, s’excusant et tournant le dos à Hoon. Ses joues rosissaient. Et même s’il ne pouvait pas le voir, étant donné qu’il faisait nuit, Jia Xin avait la sensation d’avoir deux fards rouges lumineux sur les joues. L’étudiante ferma de nouveau les yeux, calmant son cœur qui palpitait en régulant sa respiration. Elle espérait qu’elle ne l’avait pas réveillé… Cependant, la sango ne posa pas la question. Elle resta concentrée sur sa respiration et finit par se rendormir. Elle n’ouvrit les yeux que le lendemain matin, le soleil levé et éblouissant l’intérieur de la tente. Elle s’étira, tel un chat, et se mit sur le dos, fixant le haut de la tente. Elle jeta un coup d’œil à Hoon. « Tu as réussi à dormir ? » Demanda la jeune femme.

Après que Jia Xin se soit excusée, la nuit fut insupportable et lui parût interminable. Entre les bruits extérieurs qui étaient loin de le rassurer, l’inconfort de son matelas et le froid ambiant – car il fallait l’admettre, Hoon était plutôt du type frileux – il avait abandonné toute chance d’un jour trouver le sommeil. Il tournait à droite, à gauche, essayait de se concentrer sur la respiration de Jia Xin pour essayer d’entendre moins les animaux dehors. Le moment où ils contemplaient tranquille les étoiles dehors, presque complices, lui paraissait remonter à des années. Il n’avait aucune idée de l’heure qu’il était, n’avait aucune conscience des minutes qui s’écoulait. Tout ce qu’il savait, c’était que le jour ne se levait toujours pas. Jusqu’au moment où enfin, les premiers rayons de l’aube apparurent. C’était la fin des hululements des chouettes et le début des sifflements d’oiseaux. Hoon savait que son supplice était terminé quand il entendit la jeune femme à côté de lui bouger. Elle se redressa, surveillée de près par les deux yeux cernés de l’étudiant, et tourna la tête vers lui. A la question, il hésita quelques secondes. « Euh, ça va, oui » mentit-il sans être crédible une seconde. A son visage, à ses cernes, à sa voix lente on pouvait deviner qu’il n’avait pas trouver le sommeil de la nuit. Et il savait que son mensonge n’était pas crédible, mais il se voyait mal se plaindre de ne pas avoir pu dormir. Après tout, elle ne lui avait jamais demandé de la suivre, bien au contraire…

Jia Xin s’était rendormie rapidement. Son cœur s’était calmé, en se focalisant sur autre chose et notamment les bruits de la nature qui faisaient si peur au sango. L’étudiante ne se réveilla que le lendemain matin. Elle était reposée, apaisée, et contente d’avoir passée cette nuit ici. Même si c’était en compagnie de Hoon. Elle l’avait presque oublié, d’ailleurs, et ce n’est qu’en se remettant sur le dos qu’elle l’aperçut. La sino-coréenne se pinça les lèvres, jetant un regard au garçon. Elle lui demanda s’il avait réussi à dormir, malgré les possibles attaques – en y repensant, la jeune femme sourit légèrement – et les bruits des animaux. Sa réponse n’était pas très convaincante et l’étudiante se redressa, fronçant les sourcils en le fixant. « Tu ne vas pas me faire gober ça. » Dit-elle. « Tu as des cernes jusqu’au menton. » Ajouta-t-elle, soupirant. Ça lui apprendra à la suivre à tout prix. Elle l’avait prévenu, il n’avait pas voulu écouter : voilà ce qui arrivait. Jia Xin repoussa les couvertures et alla chercher à quatre pattes son sac à dos. Elle en sortit de quoi prendre un petit-déjeuner. Pas aussi copieux qu’au dortoir mais pas ridicule non plus. « Tu as faim ? » Questionna-t-elle en s’asseyant en tailleur, remettant les couvertures sur ses jambes.

Il n’avait pas pensé convaincre qui que ce soit mais il ne pensait pas avoir les cernes jusqu’au menton. Cette idée l’affola. Lui qui avait toujours eu une si belle peau et une si belle mine, ressemblait-il à un panda dans l’immédiat ? Il fallait à tout prix qu’il ne croise personne avant de retourner dans sa chambre et de dormir. Il tenait quand même à garder la bonne réputation sur son sommeil. Puis, si des gens voyaient Jia Xin et Hoon revenir ensemble au matin, avec de telles cernes, les rumeurs iraient vite… Il secoua vivement la tête pour chasser ces idées et haussa les épaules. « Ce n’est pas grave » dit-il sans mentir, cette fois-ci. Ça n’était pas dramatique, il passerait juste son après-midi à rattraper son sommeil et puis voilà. Il hésita à la question de la sango. Il ne ressentait pas la faim, tellement il était épuisé, mais il se doutait qu’il fallait au moins qu’il mange pour prendre quelques forces. « Pas vraiment mais je vais grignoter. » répondit-il avec un sourire fatigué. Il était au moins sûr d’une chose à l’issu de cette nuit : plus jamais il ne reviendrait. Ça n’était pas fait pour lui.

Jia Xin exagérait avec les cernes du garçon. Elles n’étaient clairement pas jusqu’à son menton mais elles étaient bien visibles. Alors, qu’il lui mente, la piqua au vif. C’était flagrant, il pouvait bien lui dire qu’il n’avait pas réussi à dormir. Elle comprendrait, ou presque. En tout cas, elle préférait l’honnêteté que les mensonges. Elle laissa s’échapper un soupire avant de dégager les couvertures et d’aller récupérer son sac à dos. Elle se réinstalla près du sango, en tailleur et les couvertures couvrant ses jambes. Elle regarda à l’intérieur et sortit de quoi grignoter. Elle posa tout entre eux et leva les yeux vers le sango. « Choisis ce que tu veux. » Dit-elle en esquissant un faible sourire. La sango le laissa choisir : elle aimait tout ce qu’elle proposait, peut-être pas lui et, elle ne voulait pas qu’il mange quelque chose qu’il n’appréciait pas alors qu’il avait déjà passé une très mauvaise nuit. Elle grignota en silence, écoutant le chant des oiseaux. « Alors, on s’est fait attaquer ? » Demanda la jeune femme, taquine, retenant un sourire moqueur.

Toute énergie avait quitté le corps du jeune homme, ce qui en soit, était plutôt rare. En général, il était en pleine forme, avait toujours le mot pour rire – enfin, pour rire, tout était subjectif. Là, il n’avait même pas la force pour se redresser. Il restait allongé dans son lit comme un cadavre, se contentant de répondre à Jia Xin, jusqu’à ce qu’il soit contraint de se redresser pour regarder ce qu’il y avait au choix pour le petit-déjeuner. Il ne s’attendait pas à ce qu’il y ait autant de bonnes choses, c’était au moins la première bonne nouvelle de la journée. « Merci. » dit-il en grignotant ce qui lui plaisait parmi la liste. Il n’avait même plus l’énergie de parler et se contenter de mâcher lentement, très lentement, le regard dans le vide. La remarque taquine de Jia Xin le fit très légèrement sourire. « Visiblement, non » dit-il lentement. Il s’était fait du souci pour rien, pour cette fois en tout cas, car ça ne voulait pas pour autant dire que les autres fois seraient aussi sécurisées que cette fois-là. A tout moment, quelque chose pouvait arriver.

Jia Xin prenait toujours un petit-déjeuner assez conséquent. Et ce, même en bivouac. Elle prenait moins, bien évidemment, parce que ça pesait dans le sac à dos et elle ne pouvait pas se permettre de traîner 30 kilos sur son dos. Elle sortit tout ce qu’elle avait prévu pour le matin et étala entre Hoon et elle. Elle le laissa choisir en premier. Dans son état, il fallait qu’il récupère en mangeant et autant que ce soit quelque chose qu’il aimait. La sino-coréenne grignota à son tour. Elle n’hésita pas à taquiner le garçon, lui rappelant finalement qu’il n’avait rien à craindre : il n’y avait pas eu d’attaques. « Je te l’avais bien dit… » Dit-elle en le regardant, secouant doucement la tête, avant de reprendre une bouchée de son petit-déjeuner. Elle termina tranquillement, prenant son temps. Elle n’était pas pressée de rentrer et retrouver la civilisation, contrairement au sango. Il ne le disait pas mais Jia Xin savait qu’il avait passé la pire nuit de toute sa vie. Au moins, elle espérait que ça l’avait vacciné et qu’il ne reviendrait jamais avec elle. Après avoir terminé de manger, Jia Xin s’approcha de l’entrée de la tente et l’ouvrit en grand, regardant la belle vue qu’ils avaient sur Séoul. Même si elle venait régulièrement, elle restait toujours admirative et émerveillée, comme la première fois. Elle esquissa un sourire avant d’inspirer l’air frais de la matinée. Elle observa l’extérieur avant que son regard ne s’arrête sur un petit rongeur grignotant sur un rocher. « Oh, regarde, un écureuil ! » S’exclama-t-elle à voix basse en pointant l’animal du doigt. « Peut-être qu’il va t’attaquer, tu devrais faire attention en venant… » Souffla-t-elle, amusée.

S’il ne s’était rien passé de négatif durant le séjour – en oubliant son absence total de sommeil – ça ne voulait pas pour autant dire que Hoon était rassuré à propos du bivouac. Il pensait toujours que c’était une expérience dangereuse, d’autant plus en étant seul. Ce n’était pas parce que, cette fois-ci et les fois précédentes, il ne s’était rien passé, que jamais Jia Xin ne se blesserait, seule dans la forêt, ou que jamais elle ne fera de mauvaise rencontre – animale ou humaine. Et si un jour de telles choses arrivaient, c’était toujours mieux d’être à deux que d’être seul. Sans parler de choses dramatiques, telle que la rencontre avec un sanglier énervé ou un homme pas net, si Jia Xin se faisait une entorse à la cheville en escaladant ? Elle ne pourrait pas continuer à monter, ni redescendre, elle ne pourrait pas planter sa tante ni se protéger du froid, encore moins contacter quelqu’un pour être secourue. Bref, Hoon était persuadé qu’il avait raison de dire que c’était dangereux d’y aller seul. Néanmoins, il savait aussi qu’il n’était pas la bonne personne pour l’accompagner. Et puis, même s’il voyait bien qu’elle n’était pas du tout convaincue, il n’avait pas envie d’argumenter. Il n’en avait pas l’énergie. Il se positionnait avec peine à l’entrée de la tente pour observer l’écureuil et eut un mince sourire. « J’ai peur de beaucoup de choses, mais pas d’un écureuil » affirma t-il.