Je ne me souvenais pas tellement de mon enfance. Peut-être était-ce parce que je ne voulais plus m'en souvenir mais en tous les cas, cela faisait partie de ma vie et je l'assumais totalement. Je vis le jour dans une villa immense située à la périphérie de Shanghai, en Chine. Ma mère était alors une actrice en vogue et mon père était un grand dirigeant sud-coréen. J'étais un enfant désiré, autant par ma mère que par mon père et j'eus une enfance des plus heureuses, malgré tout ce que je pouvais en dire... ma mère m'avait élevé avec beaucoup d'amour, signalant à qui voudrait l'entendre que j'étais un cadeau de Dieu pour elle. J'étais un enfant sage et calme, je savais ne pas faire de caprices et en même temps, je ne manquais de rien. Je grandis plutôt paisiblement, m'amusant avec mes copains et allant à l'école de temps en temps. Oui, parce que ça m'ennuyait. J'étais trop en avance par rapport à mes camarades si bien que j'avais plusieurs fois sauté des classes. Ma mère était fière de son garçon et c'était le principal pour moi. Elle était seule. Mon père ne donnait plus signe de vie depuis ma naissance et elle dut m'élever seule. C'est peut-être pour cela qu'elle était tombée aussi malade...

Je grandissais encore, atteignant l'adolescence sans soucis. Ma mère était toujours aussi fière de moi et je n'en démordais pas, je voulais qu'elle le soit. Depuis peu, elle avait arrêté de travailler car elle sentait que son corps devenait faible. Je ne comprenais pas cette soudaine souffrance et elle arriva à me convaincre que ce n'était rien du tout. Inquiet, je n'osais rien dire de plus de peur d'attiser sa colère envers moi alors... je la surveillais. Je voyais bien qu'elle allait mal. Jusqu'à ce fameux jour de janvier... j'avais l'impression qu'elle allait mourir. Elle faisait un malaise devant mes yeux et j'étais incapable de la sauver. Prenant mon courage à deux mains, je l'emmenais à l'hôpital le plus proche avant de veiller sur elle pendant ses derniers jours parmi nous. Ce fut douloureux. Très douloureux. Trop douloureux. J'étais seul maintenant. Seul avec ma putain de tristesse. La femme de ma vie venait de mourir des suites d'un cancer et j'étais seul, incapable de continuer comme avant. Je m'étais enfermé dans la villa, n'ouvrant à personne parce que personne ne pouvait comprendre mon chagrin. J'avais perdu ma seule famille et j'en resterais inconsolable. Quelques jours plus tard, alors que j'étais avachi sur le canapé comme un cadavre, un homme fit irruption chez moi. Cet homme, c'était mon père. Je le savais. J'avais le même regard que lui, indécis. Peut-être ne savait-il pas comment me gérer ou comment me parler de la mort de ma mère. Alors, lorsqu'il m'avoua avoir gardé contact avec ma mère et lui avoir promis de s'occuper de moi, je ne sus trop que dire, perdu dans mes pensées. Il me demanda ensuite de rentrer avec lui en Corée, je ne réfléchissais pas longtemps. J'acceptais. Après tout, il était mon père et il avait aimé passionnément ma mère, je ne pouvais pas lui retirer ça. Jamais.

Je débarquais donc à Séoul pour la première fois à l'âge de quinze ans. Je découvrais ma nouvelle vie et tout ce qui s'y rattachait. Certes, j'avais beaucoup hérité de ma mère mais... comme mon père m'avait reconnu comme son fils en m'ajoutant sur le registre familial, j'étais encore sous sa responsabilité jusqu'à ma majorité. Super... lorsqu'il m'amena dans notre maison, je fis la connaissance de Ji Na, ma demi-soeur. Je n'avais jamais entendu parler d'elle et ce fut un vrai choc pour moi. Au début, j'étais désagréable avec elle au possible, pensant qu'elle avait reçu de mon père tout ce que je n'avais pas eu et puis au final, j'avais tort. Quelques semaines plus tard, il nous annonçait que nous allions tous les deux à Columbus pour étudier. La barbe, j'avais pas envie d'y aller. Déjà que j'avais du mal avec le coréen alors si en plus je devais apprendre l'anglais j'étais foutu. Alors je décidais de faire chier le monde, trouvant rapidement ma place dans ma nouvelle maison. Je faisais enrager mon père en oubliant d'aller en cours, je menais la vie dure à sa fille et je tentais tant bien que mal de le rendre dingue. Ce fut le cas puisqu'il m'envoyait pendant quelques mois à Pusan afin que j'y intègre leur université. Là, bizarrement je redevins sérieux. J'avais choisi d'étudier les Neurosciences afin de comprendre la maladie dégénérative de ma mère. Alors oui, forcément j'étais redevenu le petit élève sérieux qui aimait tellement que sa mère soit fière de lui.

Lorsque je rentrais enfin de Pusan, je n'eus même pas à déballer ma valise que mon père m'envoyait aux States en compagnie de Ji Na. J'étais furieux de voir que nous n'étions que des objets pour lui. C'est peut-être aussi à partir de ce moment-là que la relation que j'avais avec Ji Na devint moins tendue. De toute façon, on était à l'étranger et on ne pouvait compter que sur l'autre. Pendant deux ans, j'étudiais et je vivais avec elle jusqu'à ce qu'elle se décide à repartir en Corée. N'ayant pas fini mon année en cours, je décidais de rester à Columbus afin d'obtenir mon premier diplôme. Celui qui me ferait faire un pas vers la compréhension de la maladie de ma mère. Aujourd'hui, je suis de retour à Séoul, plus fier et plus déterminé que jamais. Je souhaite prouver à mon père que je suis apte à reprendre son empire et que même si nous n'étions pas d'accord sur certains points, je resterais son fils, à jamais.